C'est chez Aristote, au IVe siècle avant notre ère, que la philosophie politique a obtenu sa dénomination, pour désigner une libre interrogation sur l'attribution du pouvoir et sur sa juste répartition. De la Grèce à Rome, ce premier volume explore les conceptions à la faveur desquelles la rationalité a pris en charge, contre le poids de la tradition, l'enquête sur le meilleur régime.
Parallèlement, il s'attache à l'influence que les représentations juives, chrétiennes, islamiques ont exercé sur l'édification d'univers anciens où la liberté s'inscrivait dans des dispositifs dominés par les valeurs de l'autorité et de la hiérarchie. C'est dans le même espace religieux où le principe divin affirmait sa tutelle sur le monde humain que les hommes ont commencé à se réapproprier le pouvoir d'organiser leur propre existence. Les grandes religions qui ont thématisé les principes de dépendance et de hiérarchie ont aussi fourni le cadre où ces valeurs se sont trouvées discutées, amorçant ainsi le passage à un tout autre univers.
Ont contribué à ce volume : Ridha Chennoufi, Lambros Couloubaritsis, Ortfried Höffe, André Laks, Alain Renaut, Aviezer Ravitzky, Pierre-Henri Tavoillot, Alonzo Tordesillas.
La décomposition de l'univers ancien fait émerger, aux XVIe-XVIIe siècles, les valeurs de la liberté et de l'égalité. Or, ce bouleversement s'effectue dans le cadre même de ce qui avait illustré au mieux le régime antérieur de la tradition : la composante religieuse, plus particulièrement chrétienne (Augustin, Guillaume d'Ockham ou Vitoria), qui a ainsi joué un rôle essentiel, trop souvent oublié, dans la formation de l'individualisme politique.
Sur cette lancée, l'homme de l'humanisme moderne s'affirme comme celui qui n'entend plus recevoir ses lois ni de la nature des choses ni de Dieu, mais prétend les fonder à partir de lui-même. C'est la mise en oeuvre de cette affirmation de l'homme que ce volume entreprend d'explorer en montrant sur la base de quelles options la révolution jusnaturaliste s'est opérée et a pris pour norme le droit "subjectif". Il s'attache à faire ressortir la façon dont les sociétés se sont conçues comme auto-instituées, selon l'emblème du contrat social que, de Hobbes à Montesquieu, de Machiavel à Spinoza, de Suarez à Locke, la plupart des philosophies politiques se sont employées à approfondir ou à discuter.
Ont contribué à ce volume : Benoît Beyer de Ryke, Jean-François Courtine, Luc Froisneau, Fosca Mariani-Zini, Jürgen Miethke, Alain Renaut, Tzvetan Todorov, Yves Charles Zarka.
À Athènes, la raison s'était affirmée contre l'empire de la coutume. Depuis Descartes et Hobbes, le subjectivisme moderne avait progressivement conquis le terrain de l'interrogation sur le meilleur régime. Ce volume est consacré à un troisième grand " noeud ", inscrit dans le parcours de la philosophie politique : à travers le conflit entre Lumières et romantisme, c'est la possibilité même que s'arrogeait le sujet humain de s'arracher, par la force d'une liberté culminant dans la critique, à l'emprise de la tradition et de la nature, qui s'est trouvée remise en question.
Parce que, dès les dernières années du XVIIIe siècle, les romantiques crurent apercevoir dans cette forme de liberté le sommet de l'illusion et le pire des dangers l'histoire de la raison politique, traversée par les débats autour de la Révolution française, fut près d'échapper à la trajectoire où elle s'était elle-même placée. Fallait-il, pour colmater la brèche, explorer une figure de la rationalité plus consciente de ses limites (Rousseau, Kant et Fichte) ? Ou doter au contraire la rationalité d'une surpuissance lui permettant d'intégrer ses négations comme autant de moments dans son propre déploiement (Hegel) ? On raconte ici comment se firent jour des doutes qui ne devaient plus cesser de hanter la confiance que la modernité avait pu acquérir à l'égard de ses propres idéaux.
Ont contribué à ce volume : Robert Legros, Alain Renaut, Pierre-Henri Tavoillot, Patrick Savidan, Lukas K. Sos?.
De la critique libérale de Rousseau par Benjamin Constant à l'assaut de Nietzsche, puis de Heidegger contre les valeurs mêmes du rationalisme, en passant par la subversion marxiste de la rationalité du monde bourgeois, ce volume fait apparaître comment plus d'un siècle et demi de philosophie politique a été dominé par la discussion du programme même de la modernité. Tantôt pour accomplie plus radicalement ce programme, tantôt pour en reformuler la teneur ou pour opposer à nouveau aux idéaux démocratiques les vertus perdues de l'ancien univers aristocratique.
Irréductibles les unes aux autres dans leurs soubassements comme dans leurs effets, les critiques évoquées ici témoignent, ne serait-ce que par leur répétition de la vigueur du projet moderne de rompre avec le régime de la tradition. La multiplicité antagonique des discussions libérales, positives, républicaines, anarchistes sociales, néo-traditionalistes de la modernité politique, apparaît comme le signe le plus évident que désormais, par la logique de cette modernité, une référence à de quelconques principes absolutisés, fût-ce ceux de la modernité elle-même, était à jamais exclue.
Ont contribué à ce volume : Catherine Audard, Jean-Michel Besniers, Luc Ferry, Dick Howard, Sylvie Mesure, Alain Renaut, Pierre-Henri Tavoillot.