Fragilisation de l´école, montée de l´individualisme, expérience toujours plus problématique de la parentalité : jamais les modèles d´après lesquels les adultes exercent leurs responsabilités à l´égard des enfants ne sont apparus aussi énigmatiques.
Ni la posture réactive - il faut réarmer les formes anciennes de l´autorité - ni le discours progressiste - on ne doit à aucun prix brader les libertés acquises - ne s´attaquent frontalement à la question décisive : les formes de pouvoir qui, dans les sociétés traditionnelles, ont fonctionné sur le mode de l´autorité (éducative, mais aussi politique, judiciaire, médicale) sont-elles encore compatibles avec la logique de la démocratie ?
Si l´exercice de l´autorité consiste à conférer au pouvoir une dimension mystérieuse qui le rende indiscutable, la crise de l´autorité n´est-elle pas inhérente aux sociétés qui considèrent qu´aucun pouvoir n´est légitime s´il n´a obtenu l´adhésion de ceux sur qui il s´exerce ? Curieusement, nos sociétés n´ont pas encore tiré toutes les conclusions de la conviction qui constitue leur pari le plus audacieux.
Entre l´appel réitéré à réactiver purement et simplement l´autorité et l´affirmation illimitée des formes les plus spontanées de la liberté, cet essai tente d´ouvrir une voie originale : les interrogations qui traversent aujourd´hui la famille, l´école et plus généralement tous les lieux de pouvoir n´appellent-elles pas surtout à repenser les pouvoirs, voire à les consolider sur des bases renouvelées ?
Ce n'est pas au premier chef dans la perspective de la reconstitution historique que le criticisme de Kant se trouve ici examiné : bien davantage s'agit-il d'en apprécier, sans complaisance ni dédain, la fécondité pour nos réflexions et discussions d'aujourd'hui.
Après tant de bouleversements intellectuels, politiques, sociaux, esthétiques ou culturels qui nous en séparent, comment peut-il se faire que l'oeuvre de Kant demeure présente, de façon si accentuée et à vrai dire unique, dans des courants aussi divers de la philosophie contemporaine ?
L'approche ici défendue, à travers une confrontation avec les objections parfois sévères issues de ces courants (éthique de la discussion, théorie de la justice, etc.) souligne l'originalité et la fécondité d'une pensée qui a su développer une profonde mise en cause de la raison métaphysique sans détruire la rationalité comme telle. En vue de mesurer l'ampleur des transformations criticistes de la raison, cet ouvrage conduit le lecteur dans un libre dialogue avec l'oeuvre de Kant, des interrogations les plus radicales sur la finitude humaine jusqu'aux questions les plus concrètes et les plus présentes sur le droit de l'immigration ou sur les renouvellements contemporains du cosmopolitisme.
Élever la diversité au rang de concept philosophique pour échapper à ce qu'a trop souvent de confus et d'idéologique le débat en cours, aussi bien en France qu'en Amérique du Nord : tel est l'objectif de ce livre, dont l'enjeu est bien de savoir " comment vivre ensemble avec nos différences " culturelles, religieuses, ethniques ou sexuées.
Alain Renaut montre de quelle manière la notion de diversité, jusqu'ici peu précise, s'est construite sur fond de repentance de la conscience moderne à l'égard de l'assimilationnisme colonial. Questionnant un idéal républicain trop souvent enclin à identifier comme " meurtrière " toute valorisation de la diversité humaine, il renouvelle la discussion politique et éthique sur l'universalisme. L'exploration de ces paramètres complexes de la diversité que sont la culture et la sexualité ouvre ici sur un " humanisme de la diversité " réconciliant la représentation de l'autre comme un semblable et la perception du divers comme une richesse.
Ni retour à un humanisme abstrait, ni culte d'une diversité fermée à l'universel. Dialoguant avec Édouard Glissant sur la créolisation des cultures ; discutant, chez Judith Butler notamment, les éloges les plus extrêmes du divers comme tel, Alain Renaut mène ici une enquête intellectuelle aussi claire que vigoureuse : "Jusqu'où le discours identitaire et celui de l'appartenance à une culture ou à un groupe quelconque peut-il se déployer au sein des démocraties modernes sans assigner aux individus des identités semblables à celles qui caractérisaient les sociétés traditionnelles et sans le risque d'un "ré-enracinement" en des lieux et en des histoires dont ils voudraient, en tant qu'individus, s'arracher ?