Un milliard d'êtres humains vivant avec moins d'un dollar par jour. 270 millions de morts, entre 1990 et 2005, sous l'effet de l'extrême pauvreté. Plus que toutes les victimes des guerres du xxe siècle. 18 millions de victimes, un tiers des décès mondiaux par an dus à la misère.
Ces données correspondent pour l'essentiel à la radicalisation des inégalités entre les pays du Nord et ceux du Sud.
Faut-il, dans ce contexte, que les États riches s'emploient à remédier à la situation des États pauvres, et si oui, selon quelles modalités et à quelles conditions ?
Cette question, qu'on désigne aujourd'hui comme celle de la « justice globale », est venue s'ajouter, depuis la fin des années 1970, à la question classique des inégalités.
Quel peut être, au plan global ou mondial, l'analogue de ce que sont les politiques sociales au sein d'une société donnée ? S'agit-il, si l'on accorde que les États riches ont à contribuer au développement des pays pauvres, de le faire, là aussi, par des transferts de ressources ou plutôt par l'accès à des « pouvoir-faire » rendant les pauvres du monde capables de prendre en charge leur destin ?
Face à ces interrogations, les théories contemporaines de la justice, depuis John Rawls, ont chacune pris position.
Ce livre entend analyser et discuter les diverses options en présence.
L'hypothèse animant l'ensemble du parcours consistera à se demander si les pratiques relevant de la justice globale, quand elles prennent la forme de l'aide aux pays pauvres ou de transferts de compétences, ne doivent pas avant tout s'ancrer dans des engagements éthiques. Les actions concertées susceptibles de contribuer au développement ne gagneraient-elles pas en effet à clarifier leur statut en s'apparaissant à elles-mêmes comme des politiques se fondant moins sur la reconnaissance de droits que sur des choix de valeurs émanant de la communauté internationale ?
Un an après le vote de la loi sur le foulard islamique, il convient de faire le point. Fallait-il voter cette loi ? A-t-elle réglé les problèmes ? Deux auteurs bien connus ont choisi d'en débattre : Alain Touraine, sociologue, a fait partie de la commission Stasi dont le rapport a été à l'origine de la loi ; Alain Renaut, professeur de philosophie politique, est connu pour ses prises de position en faveur d'un multiculturalisme raisonné. Ils partagent les mêmes valeurs républicaines. Mais ils divergent sur les moyens à employer pour faire face à la montée du fondamentalisme musulman, sur les moyens de reconnaître les droits des minorités culturelles, sur le rôle de l'école. Alain Renaut est fondamentalement opposé à la loi et, d'une façon générale, très critique à l'égard de la politique française en matière de reconnaissance de la diversité culturelle. Alain Touraine continue de défendre la loi sur le foulard, dont il pense qu'elle a servi à marquer un cran d'arrêt dans la pénétration des fondamentalistes.