L'édition originale de Nadja paraît en 1928 à Paris.
Comptant parmi les textes les plus frémissants d'André Breton, ce récit autobiographique évoque une rencontre, celle de l'auteur avec Léona Delcourt.
Celle qui se surnommait elle-même Nadja lui voue un amour désespéré, qui plonge le chantre du surréalisme dans une profonde crise existentielle. En une dizaine de jours, il rédige les deux premières parties du récit. Il y ajoutera quelques mois plus tard une dernière partie puis des documents iconographiques. Nadja est le seul texte remanié par Breton à l'occasion de sa réédition en 1963. Il l'enrichit de notes et d'illustrations et opère plus de trois cents corrections stylistiques sur le contenu.
Le manuscrit autographe original, jeu complet du roman, est ici reproduit , avec le dossier iconographique constitué par l'auteur. C'est aussi le témoignage de son écriture en tension, visible à travers l'accumulation de lignes serrées et de ratures, ainsi que par les paperoles, béquets et placards apposés par de nombreux exercices de collage.
Une étude illustrée accompagne le fac-similé, apportant un nouvel éclairage sur ce texte majeur du surréalisme et sur le travail de Breton.
Mouvement des Citoyens du Monde (Garry Davis) et prend part à de nombreuses manifestations publiques, Publication de Martinique, charmeuse de serpents, ouvrage écrit en collaboration avec le peintre André Masson. 1952: polémique avec Camus à propos de la révolte. 1953: publication de La Clé des champs. 1956: fondation de la revue Le Surréalisme, même . Prise de position contre l'intervention soviétique en Hongrie. Adhésion au comité des Intellectuels contre la poursuite de la guerre en afrique du Nord. 1960: Breton signe parmi les tout premiers le Manifeste des 121 sur le droit à l'insoumission . 1966: mort d'André Breton. Une foule de jeunes gens se rend au cimetière des Batignolles.Le surréalisme s'est attaqué, s'attaquera aux problèmes qui ne sont éternels que par la peur qu'ils n'ont cessé d'inspirer à l'homme.René CrevelLe temps était aux aurores boréales invisibles dans les salles d'attente du dictionnaire _ Tu lançais le Manifeste du surréalisme _ comme une bombe explosant en vol de paradisiers faisant le vide dans la basse-cour _ et les éclats atteignaient au passage quelque digne vieillard à trogne d'élégie...Benjamin PéretCe qui frappe aujourd'hui dans ce texte historique (Poisson soluble), c'est une certaine légèreté, _ une légèreté d'élément, qui n'est pas celle de la poésie légère, mais celle de la première montgolfière, et qui comme elle brûle le papier.Julien GracqNous ne savons ce qu'est réellement mourir, sinon que c'est la fin du moi _ la fin de la prison. Breton plusieurs fois fit éclater cette prison, dilata ou nia le temps et, dans un instant sans mesure, coïncida avec l'autre temps. Cette expérience, noyau de sa vie et de sa pensée, est invulnérable et intangible: elle est au-delà du temps, au-delà de la mort, au-delà de nous.Octavio Paz
Ce premier volume présente les textes rédigés entre 1911 et 1930, regroupés en trois ensembles : 1911-1919 (les poèmes de jeunesse), 1920-1925 (Les Champs magnétiques, Manifeste du surréalisme), 1925-1930 (Nadja, Ralentir travaux, Second manifeste du surréalisme). Les archives André Breton, la compilation de journaux et revues, le fonds de la bibliothèque Jacques-Doucet ont permis un établissement très sûr des textes. Aux recueils constitués par André Breton lui-même viennent s'ajouter de nombreux inédits provenant de collections privées et des «alentours», ces articles parus en leur temps dans diverses revues et jamais réunis à ce jour. Un appareil critique Important, contenant une documentation abondante, permet d'aborder cette oeuvre difficile, souvent allusive, ou de la relire sous un jour nouveau. L'édition des Oeuvres complètes d'André Breton, qui comprendra quatre tomes, se révélera rapidement un instrument indispensable à qui veut connaître Breton et le surréalisme. En effet, comment parler d'André Breton sans évoquer le mouvement qu'il a souhaité et maintenu par-delà toutes les dissensions ? L'oeuvre de ces années est aussi retour aux origines d'un courant artistique qui eut d'infinies résonances dans ce XX? siècle. Le surréalisme fut une grande aventure qui réunit des êtres animés du désir d'en finir avec «l'ancien régime de l'esprit». Des poèmes de jeunesse aux écrits de 1930, un même fil parcourt ces textes : le pouvoir de la poésie. Breton se veut rebelle «contre un monde menacé de figement». De la nécessité de la révolte naîtra une oeuvre en perpétuelle interrogation. Oeuvre ouverte sur le monde - Breton passera sa vie à «prendre position» -, oeuvre sinueuse, révélatrice de la volonté du poète d'aller plus avant dans la connaissance des «forces obscures». Il est celui qui connut «l'étreinte poétique» : «La poésie doit être un assaut violent contre les forces obscures pour les sommer de se coucher devant l'homme.» André Breton eut le don d'éveil permanent, la volonté de communauté créatrice, la fascination du savoir. L'exploration de l'inconscient, l'écriture automatique, l'expérience des sommeils, les jeux surréalistes sont témoins de cette quête de l'ailleurs, de l'au-delà de la réalité. «Je crois à la résolution future de ces deux états en apparence contradictoires que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut dire ainsi.» À Marcel Duchamp de dire l'essentiel sur Breton : «Breton aimait comme un coeur qui bat. Il était l'amant de l'amour dans un monde qui croit à la prostitution... Pour moi, il a incarné le plus beau rêve de jeunesse d'un moment du monde.»
Alouette du parloir. Du surréalisme en ses oeuvres vives. Appendices. Éphémérides Surréalistes (Pour un nouvel humanisme). L'Art magique. Constellations. Le La. Le surréalisme et la peinture. Perspective cavalière. Alentours. Inédits. Supplément. Textes retrouvés ( 1938-1948). Textes inédits ( 1921-1952)
Breton (1896-1966) n'a cessé de mener, dans son interrogation de l'écriture et de la vie intérieure, comme dans sa participation difficile à une activité politique à laquelle il se sentait tenu, une aventure intellectuelle où se rencontrent Freud, Hegel, Engels, et une quête sensible, éclairée par Rimbaud, Lautréamont, Picasso, Chirico et Duchamp, l'une et l'autre tendues par la volonté de «changer la vie». Aventure et quête collectives, qui exigent une communauté organique, soudée par l'esprit comme par les affinités électives. L'aspiration résolue à faire advenir le possible aux dépens du probable, qui définit le surréalisme de Breton, passe par les chemins de la poésie, de la liberté et de l'amour. Elle a trouvé une langue qui lui assure une place parmi les premiers écrivains de son époque. Maintenue sans désemparer pendant plus d'un demi-siècle, cette volonté conduit Gracq à reconnaître en lui «un des héros de notre temps».
Marguerite Bonnet.
Pas de période plus mouvementée dans la vie d'André Breton que les années 1941-1953. L'Histoire, il est vrai, frappe à la porte. Empêché de publier ses livres, Breton part pour les États-Unis, via les Antilles - Martinique charmeuse de serpents commémorera cette escale. Puis c'est New York, qui s'est construit par Dali interposé une image confuse du surréalisme, contre laquelle il faut réagir : la revue VVV est créée, où paraîtront les Poèmes de 1943. Des amitiés (avec Duchamp, Ernst, Lévi-Strauss, Matisse...) naissent ou se resserrent. Relectures - Victor Hugo, autre exilé - et découvertes : Saint-Yves d'Alveydre, dont la pensée va inspirer Les États généraux, ou Éliphas Lévi, à qui est consacrée une section d'Arcane 17. Bientôt dédicataire d'une Ode, Charles Fourier («ce phare, l'un des plus éclairants que je sache») est toujours présent : Breton emporte ses livres chez les Indiens Hopi, d'où il revient avec un Carnet de voyage ; l'organisation sociale des Indiens y est rapprochée de la cité harmonieuse. En 1946, retour en France où, entre indifférence et hostilité, le surréalisme n'a pas la vie facile. Breton doit affirmer sa présence ; on doit à ce souci - à l'impérieuse nécessité d'agir et de penser - les essais réunis en 1953 dans La Clé des champs, tandis qu'un an plus tôt un recueil d'Entretiens avait dessiné la courbe d'une existence.
À trois reprises, en 1924, 1934, 1953, André Breton a réuni en volume des textes divers publiés antérieurement. Mais depuis cette dernière date, celle de La Clé des champs, articles, préfaces, réponses à des enquêtes, entretiens, sont demeurés épars, dans des revues ou des journaux d'accès difficile bien souvent.Le présent recueil retient tous les grands articles, toutes les interventions importantes qui se situent entre le printemps 1952 et 1966. Le choix effectué parmi les textes a été guidé par le souci de respecter le constant va-et-vient du temporel à l'intemporel, du particulier au général, qui caractérise la pensée de Breton.
Avant et après la guerre, le surréalisme a marqué la sensibilité contemporaine d'une empreinte toujours plus large.
La rançon de cette " vogue " est que le mot surréaliste a pris aujourd'hui une excessive élasticité et que son emploi, dans le domaine de l'art, s'est de plus en plus éloigné des formulations essentielles d'un mouvement oú la volonté d'interprétation et de transformation du monde n'a jamais exclu, bien au contraire, la rigueur. on est ainsi venu, de nos jours, à qualifier communément de surréaliste n'importe quel tableau exploitant, avec quarante années de retard, les découvertes mises en oeuvre par chirico, mirá ou max ernst, tout en fermant les yeux sur le rajeunissement d'inspiration des nouveaux peintres authentiquement surréalistes.
Or, en 1928, paraissait à la n. r. f. sous la signature d'andré breton, théoricien incontesté du mouvement, un ouvrage, le surréalisme et la peinture dont la portée ne fut pas moindre que celle du premier manifeste de 1924. cet essai capital fut rapidement épuisé : en 1945, il reparut à new york (éditions brentano's), augmenté de genèse et perspectives artistiques du surréalisme ainsi que de seize études diverses.
Cette nouvelle édition devint à son tour introuvable : d'autre part, une " mise à jour " s'imposait. l'ouvrage actuel la présente dans toute son étendue. a la suite des deux grands textes initiaux, il rassemble pour la première fois l'intégralité des essais historiques et critiques consacrés par andré breton à l'expression plastique. plus de cinquante articles inédits, dont beaucoup comptent parmi ses plus fulgurants écrits, et jusqu'ici éparpillés dans des revues ou des catalogues d'exposition, se retrouvent groupés en une " somme " systématique, qui recouvre toute la chronologie des peintres et sculpteurs surréalistes et abonde en aperçus décisifs sur l'histoire de l'art contemporain.
Que ce soit dans sa correspondance ou dans ses essais, l'imbrication de la vie et de l'oeuvre d'André Breton est étroite, nous sommes toujours dans sa maison de verre. «Le merveilleux quotidien» du poète ne cesse de s'y constituer, comme le montrent ces très belles lettres à sa fille : le surréalisme, la préparation d'une nouvelle revue ou d'une exposition, les dessins de la main de l'auteur, l'affaire de la grotte de Cabrerets, les réactions indignées à la nouvelle de l'alunissage de la sonde soviétique en septembre 1959... Pour la première fois, grâce à l'autorisation d'Aube Breton, qui a souhaité rendre publique cette correspondance (tout en respectant la clause particulière du testament de son père), nous avons accès à des pans méconnus de la vie de Breton, qui ne pourront que combler ses lecteurs inconditionnels et éveiller la curiosité des autres.
Etre au monde, c'est à la fois voir le monde et le penser. Ainsi, devant l'un des plus beaux spectacles naturels _ celui de la côte de la Gaspésie, au Canada _, Breton n'en commence la description que pour s'abandonner bientôt au va-et-vient entre le paysage physique et son paysage mental. La Beauté est là, toute visible, mais, à l'intérieur, la réflexion de cette beauté se double de celle de la femme aimée, et la beauté + l'amour entraînent nécessairement Breton vers ce qui en est inséparable: la poésie et la liberté. Entre ces quatre pôles, tout le présent, alors, est mis en jeu dans la montée d'une question qui, en partant de la catastrophe de la guerre mondiale, pose le problème du destin de l'homme.A un moment tout le paysage bruisse du mouvement de milliers d'ailes, et de même ce livre où le lent tourbillon de la pensée et des images nous élève souverainement vers l'Etoile (l'Arcane 17) pour découvrir que: c'est la révolte même la révolte seule qui est créatrice de lumière. Et cette lumière ne peut se connaître que trois voies: la poésie, la liberté et l'amour qui doivent inspirer le même zèle et converger, à en faire la coupe même de la jeunesse éternelle, sur le point moins découvert et le plus illuminable du coeur humain .
«Voici la correspondance échangée entre les trois principaux meneurs de Dada à Paris. Nous sommes au coeur de l'organisation de la révolution. Par chance, chacun ayant la manie de la conservation, nous avons eu accès à quasiment toutes leurs lettres. Ils utilisent peu le téléphone, et ne se voient qu'au moment du coup d'éclat. Quelles sont leurs motivations? Comment s'impliquent-ils? Comment voient-ils leur coup d'État? Quelle stratégie envisagent-ils? Paradoxalement, on ne lira pas le journal à plusieurs voix d'artistes révolutionnaires, mais plutôt un échange étrangement sentimental, ponctué par des accusations, des séparations suivies, à plus ou moins long terme, de rabibochages. Ces lettres sont rien moins que dadaïstes. Chacun use d'une langue très policée, selon les conventions de l'époque. Comment feront-ils donc pour tuer l'art? Par le spectacle, par l'action publique. Aussi discrètement que possible, l'annotation brosse le panorama sur lequel se détachent ces échanges, évoquant les deux saisons Dada à Paris, le Procès Barrès, la préparation du Congrès de Paris, mise en échec par Tzara, la soirée de L'Oeil cacodylate offerte par Picabia, sa revue insolente, 391; les vacances prises en commun au Tyrol, la rencontre ratée de Freud par Breton à Vienne, puis, plus tard, la mise en accusation de Dali, les défis que la société leur lance. Car, au fond de tous ces débats, c'est toujours de création qu'il s'agit, d'un nouveau langage poétique et pictural. Faudra-t-il s'allier à un parti politique pour faire émerger l'homme nouveau? La psychanalyse ou, plus précisément, l'automatisme verbal, offre-t-il une solution d'avenir? À moins que ce ne soit le spiritisme, l'hypnose? C'est le temps où se préparait le surréalisme, dont le nom n'est jamais prononcé, qui se profile à travers Les Champs magnétiques et tant de réflexions esthétiques. Dada ne fut qu'une bombe, me disait Max Ernst, vous n'allez pas vous amuser à en recueillir les éclats! Eh bien si, justement, car, aussi éphémère fût-il, il donna du grain à moudre à plusieurs générations, jusqu'à ce jour. Et la braise ne s'est toujours pas éteinte.» Henri Béhar.
A la fin du mois de juin 1920, quand André Breton rencontre Simonne Khan, il vient d'avoir vingt-quatre ans et n'est déjà plus un inconnu. Il a publié ses premiers vers en mars 1914. Son premier recueil de poèmes, Mont de piété, est paru en juin 1919. Simone Kahn est née en 1897. Elle a fréquenté l'Institut d'anglais de la Sorbonne. Eprise de littérature, visiteuse assidue de la libraire d'Adrienne Monnier, abonnée à la revue Littérature, elle assista au Festival Dada de la Salle Gaveau, le 26 mai 1920, qu'elle apprécia peu.
Lors des premiers échanges avec Breton, elle lui déclara d'emblée : " Vous savez, je ne suis pas dadaïste " ce sur quoi Breton répondit " Moi non plus ". Pendant leurs huit ans de vie commune, Simone et André tentèrent de maintenir une franchise totale dans leurs échanges. Cependant les aléas de leur vie éprise d'indépendance et leurs pulsions amoureuses non réprimées eurent raison de cette volonté de transparence absolue.
Les absences prolongées de Simone pour rejoindre sa cousine Denise Lévy ou pour passer des vacances avec des amis et, surtout, sa liaison non avouée avec Max Morice, furent douloureusement vécues par André. De même, la violente passion du poète pour Suzanne Musard et la parenthèse tragique liée à la rencontre de Nadja étaient difficiles à accepter même par une femme plutôt large d'esprit. En l'absence des lettres de Simone, cette correspondance pourrait s'apparenter à un Journal, si ce n'étaient les réactions ultra-sensibles ou violentes de Breton en réponse aux missives de son épouse.
Pendant le temps qui va de la rencontre au Jardin du Luxembourg en 1920 jusqu'au terme d'un amour que conclut la lettre du 15 novembre 1928, se dessine une trajectoire de " liberté libre " incomparable. Ce témoignage sur les premières années, décisives, du Mouvement surréaliste sera suivi d'autres correspondances beaucoup plus maîtrisées. Dans ces pages apparaît la fragilité de Breton, alors que la légende a tendance à figer le personnage dans une dignité granitique.
Grand couturier, collectionneur inlassable, sachant s'ouvrir aux plus audacieux jaillissements du contemporain, Jacques Doucet (1853-1929) a eu l'intuition pionnière qu'il convenait de recueillir « toutes les traces de l'aventure créatrice des écrivains modernes, pourvu qu'ils répondent à des critères de qualité ». En 1913, il inaugure avec André Suarès le système d'échanges qu'il va poursuivre avec des personnalités majeures comme Max Jacob, Pierre Reverdy, Louis Aragon, Robert Desnos et d'autres, bénéficiaires successifs de son mécénat. Moyennant un appui matériel, l'auteur lui adresse périodiquement des lettres portant sur le mouvement littéraire - et éventuellement artistique - et destinées à composer un fonds pour les historiens futurs. Bibliophile, Doucet a conçu en juillet 1914 l'idée de constituer une bibliothèque de livres et de manuscrits modernes - la future Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, léguée à l'Université de Paris.À la fin de 1920, il engage en tant que secrétaire-bibliothécaire André Breton. Le terme de correspondance recouvre mal la diversité de ton et même de statut qui préside à ces missives - une centaine - adressées au mécène au long de six années (les lettres de Doucet ont été perdues ou détruites). L'on y trouvera notamment ce « Projet pour la bibliothèque de Jacques Doucet », à la rédaction duquel Aragon a été associé et qui fait apparaître les noms et les oeuvres qui constellent le firmament du mouvement. Et l'on y partagera la quête palpitante de documents sur Rimbaud que Breton mène auprès d'Ernest Delahaye, l'ami de Charleville. Les pages les plus graves, les plus vibrantes, sont celles écrites pour suggérer des acquisitions de tableaux, comme la lettre du 12 décembre 1924, dans laquelle il convainc Jacques Doucet d'acheter le chef-d'oeuvre de Picasso Les Demoiselles d'Avignon.
La Radiodiffusion française vient de consacrer seize émissions aux Entretiens d'André Breton avec André Parinaud. On trouvera d'abord ici le texte intégral de ces émissions (qui, à la Radio, a été souvent amputé), chacune d'elles précédée, sous forme de citation correspondant à la période évoquée, d'une page d'un livre ou d'un écrit de Breton. On trouvera aussi, en appendice, le texte, inédit, des interviews que l'auteur des Manifestes du surréalisme, de Nadja, de L'Amour fou, a données ces dernières années, en France ou à l'étranger, à de nombreux journalistes. L'ensemble constitue, racontée étape par étape par celui qui en a dirigé et vécu les vicissitudes, l'histoire d'une aventure spirituelle qui a dominé, on le sait, ces trente dernières années - de la littérature et de l'art proprement dits, à nos façons de penser et de sentir. Il y a là, comme on dit, un document de première main auquel il faudra se référer pour connaître et comprendre le surréalisme. (Breton, chemin faisant, parlant de l'un ou de l'autre, narrant telle anecdote, procède à des mises au point qui ne laisseront pas, parfois, d'étonner le lecteur.) Il y a là aussi, et peut-être surtout, le témoignage d'un homme resté fidèle, dans la maturité, à ses aspirations d'adolescent - et cette fidélité n'est pas si fréquente. On peut en discuter le bien-fondé ; on ne peut s'empêcher d'être impressionné par un propos si constant, répété à travers tant de gestes et tant d'écrits dont ces Entretiens sont le commentaire raisonné et à la fois passionné - avec une volonté si imperturbable de faire triompher contre vents et marées un idéal si audacieux.
"[l']écrivain ne se propose rien tant que de secouer la léthargie de milieux intellectuels très étendus, de les placer devant leur responsabilité particulière, de leur enjoindre, au nom de ce qui les qualifie dans leur rôle propre, de se départir de cette tolérance stupéfiée chez les uns, méprisante chez les autres mais trop souvent opportuniste et poltronne, pour enrayer une bonne fois les méfaits de la pire intolérance, agissant au service du mensonge et de la haine.
"
allocution au meeting du 20 avril 1949 a. b.
ces quelques lignes peuvent s'entendre à propos de l'ensemble des textes proposés dans ce carnet, dont la vigueur et la fermeté sauront à plus d'un égard éveiller nos consciences.
Au printemps 1941, André Breton et le peintre André Masson, quittant la France de Vichy pour les Etats-Unis, font une escale forcée à la Martinique. Ils découvrent les préjugés raciaux, l'oppression des masses et la triste bureaucratie coloniale, mais en même temps le paradis.
Publiée pour la première fois en 1939, l'Anthologie de l'humour noir se vit refuser le visa de censure par les autorités de Vichy. Réimprimé en 1947, le livre a marqué son époque: à son apparition, l'association des deux mots n'avait pas de sens. C'est seulement depuis lors que la locution a pris place dans le dictionnaire: on sait quelle fortune la notion d'humour noir a connue! Le présent ouvrage reprend l'édition définitive parue en 1966. L'humour noir est un rire insultant qui part du fond du moi révolté, provoque et défie l'opinion publique et le fatum cosmique. Michel CARROUGES Breton est tout entier dans l'Anthologie. On voit mal, on ne voit pas qui, en dehors de lui, aurait eu l'audace et les moyens nécessaires pour nous faire accomplir ce saut périlleux au-dessus de l'avalanche [...] L'Anthologie de l'humour noir n'a d'anthologique que le titre. Je me souviens que la bande du livre portait cette mention: L'ouvrage le plus explosif de Breton . Les textes qui en constituent le corps [...] n'ont pas été réunis dans le but de convaincre, de démontrer. Ils ne servent d'illustration à aucune thèse. Ils brillent et ils brûlent, ils sont des armes. Jean-Louis BEDOUIN ... L'humour noir est borné par trop de choses, telles que la bêtise, l'ironie sceptique, la plaisanterie sans gravité [...] mais il est par excellence l'ennemi mortel de la sentimentalité à l'air perpétuellement aux abois _ la sentimentalité toujours sur fond bleu _ et d'une certaine fantaisie à court terme, qui se donne trop souvent pour la poésie, persiste bien vainement à vouloir soumettre l'esprit à ses artifices caducs, et n'en a sans doute plus pour longtemps à dresser sur le soleil, parmi les autres graines de pavot, sa tête de grue couronnée. André BRETON