Germaine de Staël a pour père Jacques Necker, ministre de Louis XVI, et pour mère Suzanne Curchod, qui tient un salon dont Diderot et Buffon sont les habitués. Elle accède dès son plus jeune âge au monde des Lettres, à celui des idées, au «monde» tout court. «Condamnée à la célébrité sans pouvoir être connue», elle entend être jugée sur ses écrits. Son premier ouvrage significatif est consacré à Rousseau. Elle est d'une certaine manière la fille des Lumières et de la Révolution. Elle deviendra, de son vivant, la femme la plus célèbre d'Europe.
La destinée des femmes - en particulier la question de leur liberté - est au coeur de son oeuvre. Au tournant du siècle (1800), on lit dans De la littérature que l'ordre social est «tout entier armé contre une femme qui veut s'élever à la hauteur de la réputation des hommes». Cela se vérifiera. Le livre, ambitieux, se propose de «caractériser l'esprit général de chaque littérature dans ses rapports avec la religion, les moeurs et le gouvernement». La seconde partie est consacrée à «l'état actuel des Lumières en France». Le Premier Consul préfère entendre parler du siècle de Louis XIV. Il n'aura de cesse d'éloigner Staël et de l'empêcher de (lui) nuire.
Elle met en pratique ses idées sur le roman avec Delphine (1802), que l'on citera, avec La Nouvelle Héloïse et Werther, parmi les modèles du roman moderne. La forme épistolaire rassure le public, mais le texte est un véritable terrain d'exploration psychologique. L'héroïne appartient à la même génération que l'auteur, partage ses espérances, doit comme elle faire son deuil de la société idéale à laquelle elle aspirait. L'amour est peut-être le «seul sentiment qui puisse dédommager les femmes des peines que la nature et la société leur impose», mais que valent les sentiments face à l'opinion publique? Comme Staël, comme bientôt Corinne, Delphine détonne dans une société qui préfère l'hypocrisie à l'enthousiasme. Le livre connaît un immense succès. La manière dont il aborde les questions politiques et sociales - émigration, religion, divorce - n'a rien pour plaire en haut lieu. Trop anticatholique, trop anglophile, trop révolutionnaire : Germaine de Staël devra désormais se tenir à plus de quarante lieues de Paris.
Elle va se consoler en Allemagne, découvre l'appel de l'Italie, publie en 1807 son second roman, Corinne ou l'Italie. Corinne, une poétesse anglo-italienne, ne se conforme pas au modèle féminin en vigueur dans la société. Éperdument amoureuse d'Oswald, un Écossais mélancolique assujetti aux lois patriarcales, elle lui sacrifie ses talents littéraires. D'aucuns verront dans cette tragédie d'une artiste géniale et insoumise, mais victime de l'amour, un autoportrait déguisé de la romancière, dont Benjamin Constant, qui savait de quoi il parlait, disait qu'elle avait un «esprit d'homme, avec le désir d'être aimée comme une femme».
Édition de Catriona Seth avec la collaboration de Valérie Cossy.
Corinne est un roman cosmopolite qui se déroule entre la France, l'Angleterre et l'Italie à l'aube du romantisme, dans la diversité des moeurs et des cultures. Il raconte l'histoire d'amour entre une poétesse italienne, Corinne (double de l'auteure), et un noble anglais, Lord Oswald Nelvil.Le roman inaugure le débat sur la condition féminine, sur le droit des femmes à vivre de manière indépendante et notamment à exister en tant qu'écrivaines. Corinne, c'est Mme de Staël elle-même, «la femme la plus extraordinaire qu'on vit jamais» selon Stendhal, «un être à part, un être supérieur tel qu'il s'en rencontre peut-être un par siècle», disait Benjamin Constant.
Ce roman par lettres, qui se déroule entre 1790 et 1792, met en scène Delphine d'Albémar : une femme jeune, veuve, riche et cultivée. Affranchie de toute autorité et de toute tutelle, elle réunit les conditions, si rares à l'époque, qui lui permettent de disposer de sa personne, de ses idées, de son coeur et de ses biens. Elle est une femme libre. Elle incarne le triomphe de cette liberté en même temps que le risque mortel qu'elle fait encourir. Le roman raconte une histoire d'amour qui ne peut jamais avoir lieu. C'est l'histoire d'une femme, mais aussi l'histoire de la femme. En entretissant des vies, à travers les voix haletantes qui s'expriment dans les lettres et la tristesse centrale d'un amour impossible, Mme de Staël analyse minutieusement ce qu'a de cruel et de carcéral la condition féminine de son époque. Elle interroge un monde où le simple fait d'être femme vaut condamnation. Ce temps n'est pas si reculé, et les problèmes qu'avec lucidité la romancière soulève n'ont rien d'inactuels.
Dans ces climats brûlants, où les hommes, uniquement occupés d'un commerce et d'un gain barbares, semblent, pour la plupart, avoir perdu les idées et les sentiments qui pourraient leur en inspirer l'horreur, une jeune fille, nommée Pauline de Gercourt, avait été mariée à l'âge de treize ans à un négociant fort riche, et plus avide encore de le devenir. Orpheline et mal élevée par un tuteur ami de son époux, et tout à fait dans le même genre, elle épousa M. de Valville, sans connaître la valeur de l'engagement qu'elle prenait, sans avoir réfléchi ni sur le présent ni sur l'avenir.
De l'Allemagne (1813) nait de l'exil de Mme de Staël, chassée de Paris en 1803 après la parution de son premier roman Delphine, condamné par Napoléon. Convertissant cette sanction en opportunité de voyage, cette intellectuelle passionnée part à la découverte d'elle-même et de ce pays fantasmé.
Dans ce premier volet, l'auteur décrypte les us et coutumes des Allemands et entame une réflexion sur la littérature et les arts. En faisant l'éloge de l'ailleurs, Mme de Staël livre un ouvrage résolument romantique. Lamartine, Gérard de Nerval et bien d'autres lui seront redevables de cette initiation à la culture d'outre-Rhin. La littérature française accomplira avec eux ce que De l'Allemagne préconisait.
"Le plus grand grief de l'empereur Napoléon contre moi, c'est le respect dont j'ai toujours été pénétrée pour la véritable liberté." (Mme de Staël) Mme de Staël (1766-1817), témoin et fine observatrice de l'histoire politique de son temps, raconte, dans ce livre, ses différentes pérégrinations en Europe (Suisse, Allemagne, Autriche, Suède, Pologne, Russie) dues à son bannissement de France par Bonaparte. Cette femme, disait le Premier Consul, apprend à penser à ceux qui ne s'en aviseraient point, ou qui l'auraient oublié.
1800. La Révolution a retourné toute sa violence contre la philosophie et la littérature qui l'ont préparée. La pensée et le goût sont menacés. L'homme de lettres a perdu son statut.
Mais la fille de Necker n'entend pas céder à la tentation du désenchantement : elle croit à la perfectibilité des ouvrages de l'esprit et au triomphe du goût ; elle sait quelle est la tâche dévolue à ce siècle neuf : explorer le champ de la sensibilité et de la psychologie, réconcilier vérité et langage des sentiments et oeuvrer ainsi pour le progrès de la société.
L'ouvrage qu'elle fait alors paraître ne se réduit pas, comme on a pu le croire, à un manifeste romantique ou à une nouvelle définition de la littérature : histoire de la pensée dans ses oeuvres en même temps que plaidoyer pour les intellectuels, De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales est un texte philosophique majeur.
La vie et l'oeuvre de Germaine de Staël sont placées sous le double signe de l'empire du coeur et du pouvoir de la raison, à la jointure de la philosophie des Lumières et du romantisme naissant. Tous deux convergent vers une passion raisonnée, celle de la liberté. C'est à la conquérir que Mme de Staël a employé une énergie débordante, une intelligence acérée et un immense talent d'expression. Liberté dans les institutions que la France, entre la fin de l'Ancien régime et le début de la Restauration, a expérimentées sans savoir s'y arrêter ; liberté de l'esprit, dont la critique doit s'exercer sans craindre les préjugés ni les modes ; liberté de la femme, dont le statut et les moeurs sont à affranchir des contraintes sociales. En littérature, en philosophie politique, en histoire, Mme de Staël, plus de vingt ans durant, a progressivement battu la mesure et donné le ton à toute l'Europe éclairée, au point d'apparaître comme la principale « rivale » de Napoléon. Au développement du libéralisme, son apport fut déterminant.
Les quatre ouvrages ici publiés s'étalent de 1796 à 1817. Le premier fut publié au début du Directoire, le dernier au tournant de l'Empire et de la Restauration. Ils témoignent de l'engagement de leur auteur dans des débats dont les termes demeurent actuels : comment l'homme peut-il trouver les voies du bonheur au sein de la société ? Existe-t-il un équilibre entre démocratie et aristocratie, entre violence et justice, entre expression de la volonté populaire et gouvernement des meilleurs ? Jusqu'où peut conduire une révolution ? La réflexion philosophique et l'analyse de situations concrètes se mêlent ici à un art de la description et du portrait qui ne dissimulent pas toujours le bouillonnement des sentiments. Germaine de Staël n'a cessé de travailler, en faveur des peuples et des individus, à l'avènement de toutes les libertés, combat incessant dont elle fut l'une des pionnières et reste une des meilleures références.
Ce volume contient : De l'influence des passions sur le bonheur - Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution - Considérations sur la Révolution française - Dix années d'exil.
Née une vingtaine d'années avant la Révolution, disparue peu après la chute de l'Empire, liée par son père, Necker, et son mari, ambassadeur de Suède en France, à toute l'Europe éclairée, Germaine de Staël a, comme Chateaubriand, vécu le passage d'un monde à un autre. Or ce passage, c'est aussi celui des Belles-Lettres ? l'éloquence, la philosophie, l'histoire et la poésie entendue au sens le plus large ? à ce que nous appelons de manière plus restreinte la littérature et où le roman prend une place capitale.
Si, en 1800, son livre majeur s'intitule De la littérature dans ses rapports avec les institutions sociales, c'est qu'elle entend ne pas séparer cette littérature de l'Histoire et de la politique, ni de la perfectibilité humaine et des réalités de chaque nation : nouvelle manière de considérer la littérature que cette anthologie, qui accueille également des extraits d'autres livres, permet de découvrir ou de mieux comprendre. « Cette femme apprend à penser à ceux qui ne s'en aviseraient pas ou qui l'auraient oublié », disait Napoléon, son farouche ennemi : cette théorie de la littérature qu'elle invente et qui demeure la nôtre ne cesse pas d'en donner la preuve.
Histoire du voyage rocambolesque de madame de Staël depuis son château de Coppet en Suisse, devenu lieu de sa résidence surveillée, jusqu'à Londres via Saint-Pétersbourg et Stockholm (les ports français lui étant interdits). Ces manuscrits cryptés, « déguisés », selon la jolie métaphore de madame de Staël, couvrent les années 1797 à 1812 : des causes de l'exil à la fuite en Angleterre, préparée en secret, retardée par une grossesse inattendue et finalement entreprise le 23 mai 1812, quand elle monte enfin dans son carrosse - avec un éventail pour seul bagage - vers Londres.
Pour tromper la police napoléonienne, d'une première version de ce livre, qui était d'abord un portrait de l'Empereur, madame de Staël fit faire plusieurs et différentes copies cryptées. Avec sa secrétaire elle recopia le texte sous l'apparence d'une oeuvre sur le XVIIe siècle anglais, ou de l'époque d'Elisabeth d'Angleterre, s'employant à déguiser les noms des personnages et des lieux, remplaçant Napoléon par Cromwell ou par Elisabeth 1e, le duc d'Enghien par Marie Stuart - tout le monde peint comme dans un bal masqué.
Présenté et établi par Daria Galateria.
Dans le monde aristocratique que la Révolution s'apprête à balayer, un principe de conduite l'emporte sur tous les autres : le respect des convenances. Pour avoir voulu sauver l'honneur d'une de ses amies, Delphine commet une imprudence qui la perd de réputation auprès de Léonce, l'homme qu'elle aime et dont elle est aimée. Sous le prétexte d'intercéder en sa faveur, sa tante, Sophie de Vernon, achève de compromettre Delphine, et convainc Léonce d'épouser sa propre fille...
Roman épistolaire, publié en 1802, Delphine dépeint tous les mouvements de l'âme amoureuse et préfigure le ton et la manière des Romantiques.
Présentation de Simone Balayé.
Texte établi par John Isbell et annoté par Simone Balayé.
Tel un prisme réfractant sa pensée et sa production ultérieures, les oeuvres de jeunesse de madame de Staël présentent à la fois des essais théoriques et de brefs romans.
Parmi les premiers, les Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau révèlent ses opinions philosophiques. L'Essai sur les fictions résume quant à lui ses conceptions esthétiques en matière littéraire : elle privilégie « la seule peinture des mouvements du coeur », à l'instar de Rousseau, Fielding et Richardson.
Loin de s'en tenir à ses théories, la fille de Necker les applique : elle n'avait pas vingt ans qu'elle avait déjà écrit ses nouvelles. Les principales se déroulent dans le cadre pré- romantique de lointains exotiques. Partout, dans ces récits tragiques d'aventure, de passion et de sacrifice, les héroïnes tombent, innocentes victimes d'un monde d'hommes qu'elles surmontent cependant grâce à leur grandeur d'âme.
Dans ces premières oeuvres, c'est tout l'art et la pensée de l'inspiratrice du romantisme français qui déjà se révèle.
Publié en 1802, ce roman épistolaire fut considéré en son temps comme le manifeste du pré-romantisme. L'histoire est celle de la passion contrariée de Delphine et de Léonce : la perfidie de leur entourage d'abord, leurs propres conflits moraux ensuite, les événements historiques enfin, empêchent l'union de ces deux nobles que tout destinait à s'aimer.
« Derrière cette prose limpide et par cela trompeuse, très proche encore du XVIIIe siècle, derrière l'arsenal romantique des tombes, des maladies de poitrine et des paysages échevelés se cache un monde d'idées que seul le temps écoulé permet de comprendre. On comprend... que ce livre profondément féministe soit presque tombé dans l'oubli malgré son succès au moment de la parution. Madame de Staël l'avait prévu : c'est le bouquet jeté dans les eaux par la religieuse qui est annoncé à coups de canon mais englouti dans les flots, ?avis solennel qu'une femme résignée donne aux femmes qui luttent encore contre le destin...?. Cette édition de Corinne n'a aucune prétention à l'érudition. Elle s'attache surtout à la signification féministe de l'oeuvre. » C.H.
A partir de la formule stoïcienne d'epictète qui définit la liberté comme sagesse de s'en tenir à ce qui dépend de soi et en continuité avec la distinction de rousseau, entre l'amour de soi, source d'authenticité et d'indépendance, et l'amour-propre, pur reflet de l'opinion des autres, mme de staël examine l'effet funeste des passions sur le bonheur : leur pouvoir de destruction de l'autonomie et de l'identité du sujet.
Elle analyse les passions positives, mais surtout celles destructrices : l'amour de la gloire, la vanité, le jeu, l'avarice, l'ivresse, la vengeance, l'esprit de parti et l'inconscience face à la menace du malheur. elle propose ensuite des moyens pour les combattre : la philosophie, l'étude, la bienfaisance.
Ce texte, classique par son propos, brille par l'intelligence exceptionnelle de mme de staël : par la manière dont celle-ci nous donne à voir l'avancée d'un raisonnement, la formation d'une pensée, son mouvement de reconquête de soi, contre la confusion des sentiments et l'opacité des sensations.
Tout semblait opposer Mme de Staël à la reine Marie-Antoinette. Pourtant, en 1793, quand la Convention décide de traduire la veuve Capet devant le tribunal révolutionnaire, Mme de Staël publie un pamphlet : Réflexions sur le procès de la reine par une femme. Pamphlet ou plutôt plaidoyer pour la reine sacrifiée à la logique jacobine. Mais, au-delà de cette défense, Mme de Staël s'interroge sur la violence révolutionnaire. Elle en dénonce la surenchère, voyant dans le procès de la reine - et sa condamnation assurée une démagogie propice au déchaînement de la Terreur. Enfin, après avoir essayé de réfuter certaines accusations portées contre Marie-Antoinette, Mme de Staël en appelle aux mères et aux femmes "de toutes les classes de la société" que, dit-elle, on immole à travers la reine. Ultime argument, ultime secours qui donne à ce texte brillant et passionné toute sa modernité.
La récente publication de la Correspondance de Marie-Antoinette (1770-1793), la réalisation du film Marie-Antoinette par Sofia Coppola, avec dans le rôle-titre Kirsten Dunst, film tourné à Versailles et qui sera projeté au festival de Cannes 2006, avant de sortir dans les salles, en juin aux USA, en août en France, montre que l'exécution de la reine continue à nous habiter.
Dans une postface pertinente, Monique Cottret analyse le texte de Mme de Staël en le situant dans le contexte révolutionnaire et en le rapprochant des écrits de Saint-Just, Robespierre et Chateaubriand.
Germaine de Staël (1766-1817) fut tentée toute sa vie par le suicide. Elle se peint elle-même comme une âme en quête de raison mais toujours entraînée malgré elle vers la passion. Romancière, essayiste, philosophe, théoricienne politique, critique littéraire, elle représente le dernier éclat de l'esprit encyclopédique des Lumières. Dans ces Réflexions, elle soutient que la résignation à son destin est d'un ordre moral plus élevé que la révolte. La mort volontaire dont le but est de se défaire de la vie est à distinguer de celle qui a pour but le dévouement à une cause. La première est portée par la révolte contre son sort et ne doit susciter aucun enthousiasme ; la seconde est portée par l'amour du devoir. Madame de Staël recommande donc une certaine indulgence à l'égard d'un type de mort volontaire, le suicide politique à la romaine. Elle admet que si l'on est " incapable de la résignation chrétienne à l'épreuve de la vie, du moins devrait-on retourner à l'antique beauté du caractère des anciens ". Mais, à la suite de Socrate pour qui la décision de la mort ne nous appartient pas, elle juge l'acceptation des épreuves de la vie comme un comportement moralement supérieur.
De l'Allemagne procède de deux voyages successifs que Mme de Staël a accomplis outre-Rhin entre 1803 et 1808. Vaste panorama embrassant quantité de réalités géographiques, anthropologiques, culturelles et religieuses de ce pays. Par ailleurs, l'ouvrage est aussi, et peut-être avant tout, un réquisitoire contre la France impériale, sans que le nom de Napoléon apparaisse à aucun moment. L'ouvrage est un traité culturel qui ne cache pas les divers antagonismes existants entre l'Allemagne et la France. De plus, la fameuse distinction entre poésie classique et poésie romantique qu'on lui doit en fait le point de départ de la « bataille romantique ». Initialement document littéraire et culturel, il devient, à partir des années 30 du XIXe siècle, le foyer des controverses politiques qui gagnent les relations franco-allemandes au fil des vicissitudes de leur histoire conflictuelle. Ainsi a pris naissance le mythe des « deux Allemagnes », qui a perduré jusqu'à la Seconde Guerre mondiale pour prendre par la suite un sens différent rendant compte de la réalité de deux États allemands. Rendre justice à l'ouvrage en lui restituant sa complexité, c'est ce que cette nouvelle édition se propose de faire.
Ce volume offre, pour la première fois, une édition complète du théâtre de Germaine de Staël, réunissant les quelques pièces éditées par Auguste de Staël en 1821 et plusieurs compositions, restées à l'état manuscrit. Une nouvelle facette, peu connue, de l'auteur se trouve dévoilée : celle de dramaturge. Ce volume rassemble dix-huit pièces composées entre 1778 et 1811 et révèle plusieurs tragédies, restées inédites.
Longtemps minoré par rapport à l'ensemble de l'oeuvre, le théâtre apparaît ici dans toute sa richesse et sa complexité. Germaine de Staël a écrit et joué pour le théâtre toute sa vie, parallèlement à ses autres activités. La langue dramatique prolonge alors, sous une autre forme, la réflexion staëlienne sur l'individu et la société.
Madame de Staël publie à l'aube du XIXe siècle le manifeste d'un renouvellement littéraire marquant le passage à l'époque post-révolutionnaire. Refusant de juger les productions de l'esprit selon des normes esthétiques universelles, elle propose de les apprécier dans le contexte de la civilisation qui les a vues naître.