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Hervé Prudon
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Le plus souvent le crime est affaire d'abrutis, de bestiaux. L'homme est un chien pour l'homme.
Chienne de vie.
Tintin aime Gina, et Gina aime Tintin. Ils croient qu'ils se valent, mais ils n'ont pas les mêmes valeurs.
Il vient de la classe moyenne - la langue française est son identité - et elle est de la classe tous risques.
Elle lui dit merde, à la langue française.
Ils se mettent en ménage chez elle, dans le Nord :
Lecture pour lui, manucure pour elle. Factures. Chô- mage. Feuilletons télé. Ils n'ont rien à se dire. C'est d'abord ça, la paupérisation, l'appauvrissement du langage.
Franck s'installe dans ce chaos. Franck, c'est le vide parfait, Gina en a le vertige, et Tintin ne sait plus qui est chien, qui est chienne. Il assiste aux accou- plements. Il fait leur lit, leur sert des bières. Il pense tout haut, tout seul, tout le temps. Son humiliation consentie, sa présence soumise, sa différence de- viennent une gêne, puis une menace et un danger.
Un chien qui a la rage, on sait ce qu'il veut. Il veut vous tuer. Mais un chien battu, qui ne se respecte pas lui-même?
Tintin tente un baroud d'honneur, mais le mot hon- neur n'existe pas dans la langue chienne.
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Le marginal Émile Rochette, jeune homme en rupture de ban (lieue) perdu dans le carnaval de la déveine de ce Mardi-Gris, a peut-être tué le brigadier Gourdon, flic raciste et casseur de gauchistes. Rien n'est sûr mais ce que le lecteur sait, c'est que Rochette, après avoir fait ses adieux à Nadia, la prostituée, part en cavale avec René, truand maigriot qui vient de sortir de Fleury. Direction le Cantal, dans une ferme abandonnée par une communauté. Il ne reste que Nana Cool qui accueille les deux chiens perdus sans collier.
Hervé Prudon brosse ici le portait fidèle et sensible de la France de 1978. La crise se pointe, les utopies se font la malle, Roger Gicquel cause dans le poste. Tout ça ne peut que mal finir : «Le soleil déclina dans le ciel l'identité d'anciens printemps qui ressemblent au naufrage d'une jeunesse... Marx (Karl), Avril (Jeanne), Mai (la débandade), Joint (la fuite)...»
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«Atteint d'un cancer diagnostiqué en août 2017, Hervé Prudon se savait condamné. Durant les deux derniers mois de sa vie, où il lui était devenu impossible d'écrire le roman qu'il avait ébauché, il remplira deux carnets de moleskine noirs d'une écriture tremblée. Une centaine de poèmes qui tous parlent de la mort à venir et frappent par leur lucidité et l'urgence dont ils sont un puissant témoignage. Ils dessinent en creux la personnalité d'un homme, porteur d'une douleur existentielle qu'il chercha toute sa vie à conjurer par la légèreté.» Sylvie Péju.
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Un matin, la mère de Paul meurt. Il décide de la garder dans sa chambre quelque temps pour ne pas rester seul. Mais le soir même il récupère, dans une benne à ordures, une jeune femme amnésique. Elle dit s'appeler Wanda, mais ressemble comme deux gouttes d'eau à la Hélène du feuilleton télévisé que tout le monde regarde à la cité. Finalement ce sera Nadine, parce qu'«ici, aux Blattes, Nadine Mouque ça va pour tout le monde et toutes les religions, c'est un mot de passe pour vous gâcher le jour, vous dire la haine et l'irrespect de la personne humaine, tout le monde s'appelle Nadine Mouque.» D'autres, les racailles de la cité, Nando, un bodybuilder escaladeur de façades, Jean-Claude, l'éducateur érotomane du coin et même Zarko, un ministre très lié à Nadine, aimeraient bien lui ravir sa fiancée. «Parce que je serais con et moche, glauque et gluant. Pervers sentimental. Tout le monde peut s'introduire dans mon petit intérieur pour me chiper ma fiancée, mon otage, ma secrète... Mais on n'arrache pas son os à un chien. Surtout pas à un bâtard de banlieue.»
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Sainte- mouise- sur- dèche, banlieue.
Deux moyens d'en sortir : par la porte - mais alors on revient - ou par la fenêtre - et là, c'est radical. pour bonnes- joues schmitz, ç'a été radical. qui l'a suicidé ? la banlieue, affirme le commissaire pojarski, qui professe le desesperanto. publié en 1980 et devenu introuvable, banquise est le troisième roman d'hervé prudon. il a revu et corrigé cette nouvelle édition, qu'il a enrichie d'un avant-propos.
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«Profession : malade. Je sais que ça va mal se passer, l'intolérance chez moi, et dehors, je supporterai mal la nuisance de toute cette bonne santé, les bien-portants, les importants. [...] Autour de moi il n'y aura plus de beauté, mais je ne verrai pas non plus la laideur des choses et tout sera égal.» Hervé, cinquante ans, est un écrivain en mal d'inspiration. Sa vie est ordinaire, son quotidien fade. Il éprouve cependant une étrange fascination pour l'hôpital Cochin, situé en face de chez lui.
Ne se sentant pas bien, il décide de consulter. Le diagnostic est terrible :
Cancer de l'oesophage. Hypocondriaque vraiment malade, il s'écrit, jouant avec les maux. Un combat poétiquement cru et frappant de vérité.
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Vinyle Rondelle ne fait pas le printemps
Hervé Prudon
- Gallimard
- Serie Noire
- 2 Avril 1996
- 9782070495962
Une chanteuse de goualante populo-funk, un critique rock sourdingue, un couple de junks romantiques, deux tueurs sclérosés, quelques rappeurs timides, un contrôleur déserteur, une ex-star du porno, une petite orpheline, un grand méchant loup et quelques 100 000 zoulous débarquent dans la ville bourgeoise - normal, Bourges, pour le vingtième anniversaire du Printemps. Vingt ans, ça suffit ! L'ordre moral regimbe, les ligues de vertus se rebiffent, et un ex-mercenaire découvre que Bourges vit de l'industrie du canon.
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" J'ai épousé la fille d'un chercheur d'or.
Tous les orpailleurs connaissent le nom de Jean-Claude le Faucheur, et beaucoup d'entre eux l'ont connu mieux que moi, qui ne l'ai jamais approché que deux fois. La première fois, il vendait aux touristes des bijoux, des bikinis et de la pacotille sur un plateau du Garde écrasé de chaleur ; la seconde fois, il étudiait la rentabilité d'un commerce itinérant de petites piles pour montres-bracelets et commandait à la terrasse d'un café un demi-pression et un diabolo afin de faire croire que la boisson alcoolisée était à un ami qui s'était éclipsé.
C'était dans l'éventualité où Janine débarquerait. Janine n'est pas un dragon, mais elle aurait aimé que son homme survive. Jean-Claude mourait deux mois après notre visite et six mois après une cure de désintoxication, avant d'atteindre les cinquante ans. J'entends parfois sa voix du Sud, douce et chantante, qui parlait de l'or des rivières ".
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Un homme est fragile et le Poulpe est un homme.
Le macho chameau moche éméché à la Chimay en chie, chôme et chiale. Facile en fait de fourrer son nez dans les affaires des autres, mais se retrouver le nez dans le caca parce qu'on a laissé mourir un ancien pote devenu SDF, c'est intolérable. Le Poulpe endosse les habits du clodo défunt et va voir au Maroc around the clock ce que cache d'incommunicabilité une agence de communication. Sniff, sniff, notre héros n'arrête pas de se lamenter sur sa vie de privilégié.
Dans le confort, les cons sont forts, pense l'intouchable, qui n'a lus envie d'être héroïque. Heureusement, il y a Cheryl dont l'oreille est hardie...
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1979. Morvan qu'on appelle La Morve n'est pas un mauvais Français puisqu'il est alcoolique et pratiquant, catholique élégiaque, tueur à gages scrofuleux, mais voilà, il se trompe de cible, il improvise, son commanditaire crise, le flic gigolo poétise, la victime désignée balise et Ramier, qui passait par là, héroïse. Quant aux deux petites gredines, pourquoi une petite et une grosse ? Et bien parce que Laure, elle est hardie.
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Hervé Prudon est l'auteur d'une dizaine de romans, notamment dans la collection Série Noire chez Gallimard. Il a publié chez Grasset Les hommes s'en vont (1998) et Venise attendra (2000), coécrit avec Sylvie Péju.
Peut-on s'imaginer la vie d'un homme qui aurait décidé de ne servir à rien, de passer son temps à être inutile ? Benoît Ponque a disparu, et le héros-narrateur est chargé par sa famille de le retrouver. Mais comment faire, et où aller ?
Le héros s'engage dans une véritable enquête et va croiser toutes sortes de « zéros excentriques » : une artiste pondeuse d'oeufs, une mère-enfant collectionneuse d'objets obsolètes, des voisins délurés, un amour comme une promesse, des vrais cadavres et un faux fantôme. Car il y a aussi tous ceux qui refusent le « cynisme du vide », les garants d'une société-machine, qui ont peur des inutiles, qui s'acharnent à les utiliser, les répertorier pour les réinsérer. C'est peine perdue, car « un inutile ne sert à rien. Or on ne remplace pas ce qui ne sert à rien. Donc un inutile est irremplaçable ».
L'écriture de Prudon est une recherche du sens caché des mots. Nous retrouvons ici l'humour et la dérision propres à cet auteur, sa gloutonnerie des mots, l'alchimie des expressions revisitées : toute la jouissance du langage mise au service du désespoir.
Avec Les Inutiles, Hervé Prudon embarque le lecteur vers une odyssée urbaine, dans laquelle l'égarement est une ivresse. Un livre de l'étrangeté, qui oscille entre l'absurde et la révolte sociale. -
Le père est un vieil ours, réfractaire à la vie sociale, professionnelle, familiale, à la vie tout court. Il s'est noyé dans l'alcool puis il a eu un fils ; il a alors cessé de boire, noyant son enfant dans l'amour, comme dans ce fleuve du même nom qui coule en Sibérie et que le fils connaît au travers des récits de Tchékhov. « Vingt ans que je suis mort au monde et que je suis dans la tête de mon père, un placard », vingt ans prisonnier de la dépression paternelle, comme ce mammouth pris dans la glace qu'il rencontre en Sibérie, justement, où son père l'emmène. La mère n'est pas maternelle, elle est indépendante, active, et se tartine de crème anti-rides; la soeur est une adolescente cloîtrée dans sa chambre qui ne jure que par le chanteur Billy Crawford et le peintre américain pour qui elle pose - deux femmes de leur temps. La famille habite un pavillon de banlieue, et se délite... Comme son géniteur incapable de s'adapter à « une société qui a inventé le briquet jetable et le poisson carré », le narrateur voudrait échapper à l'engourdissement profond de son père et fantasme la vie primitive des peuples septentrionaux. Mais le père n'a d'autre issue que son fils.
Ours et fils est le récit extravagant, drôle et tragique, de catastrophes en « errances absurdes », de « la vie dans toute son extermination moderne ». Comme toujours chez Hervé Prudon, l'humour, la dérision, la jouissance des mots, servent l'expression de la passion et du désespoir. Une écriture originale, décalée qui offre une mise en scène féroce des maux de l'époque. -
Qui veut la peau du colonel ?
Jean-michel Méchain, Hervé Prudon
- Table Ronde
- 13 Octobre 2011
- 9782710368564
"Officier de classe exceptionnelle, cultivé et incisif, il s'est vu confier des responsabilités sans cesse élargies et a été un élément fondamental de l'influence de la France au Kosovo" - Note du général de division Jean-Claude Thomann, 5 janvier 2000. Moins de trois mois plus tard, accusé d'avoir divulgué des documents classés confidentiel-défense, le colonel de gendarmerie Jean-Michel Méchain est passé à tabac en pleine rue, puis écroué à la prison de la Santé. Sa carrière exemplaire, de Chamonix à Pristina en passant par Beyrouth, est brisée. Malgré un non-lieu prononcé en juin 2007, il n'obtiendra ni de la justice ni de sa hiérarchie d'être réhabilité. Longtemps réduit au silence par l'obligation de réserve, Jean-Michel Méchain est désormais libre de s'exprimer. Tout en évoquant la mort programmée de la gendarmerie, Qui veut la peau du colonel? retrace l'ascension brillante et la longue descente aux enfers d'un homme dont l'idéal d'engagement et de sacrifice a été piétiné.
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«Juliette, ma petite fille de trois ans, ne sait ni lire ni écrire, ni se souvenir. Elle n'aura guère d'images de ses premières années sinon des photos naïves. Je me suis donc permis de recomposer des morceaux de son puzzle incomplet, d'être une espèce de fausse mémoire, dont on saura, au moins, qu'elle est fausse. Le tout vu à hauteur de ceinture : une petite fille dans un monde de grands. Ce livre est une supercherie pour ma super chérie.»
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" Pas de dialogue possible.
Il est mort, c'est la vie. Ce qu'on peut dire d'une antichambre à l'autre, au seuil de la chambre des morts. On veut valser et vaciller, tout à la fois, se taire, alors on cause. Ce qui est dit, c'est du gris à côté de l'image, un commentaire, mais comment taire les calembours, les calomnies, l'impossibilité d'émettre un son qui s'articulerait autour d'une pensée pouvant voir la mort en face. " D'une matinée mortifère à la soirée meurtrière, sur une feuille volante et volée d'agenda, un homme erre, derrière son hypothétique frère, dans Paris en demi-teinte, Hervé Prudon et Muzo vagabondent et digressent de concert.
Dans la schizophrénie, ça va tellement mieux quand on est deux.
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La sainte journee
Prudon Herve
- Apres La Lune
- La Maitresse En Maillot De Bain
- 8 Juin 2006
- 9782352270096