Le narrateur invite à découvrir le personnage de Jim, son attitude mystérieuse, les deux versants de son âme.
Quatrième de couverture C'était devenu une region de ténèbres. Mais il y avait tout particulièrement en son coeur une rivière, une grande rivière puissante, que l'on pouvait suivre sur la carte, semblable à un immense serpent déroulé, avec sa tête dans la mer, son corps au repos s'incurvant indéfiniment sur une vaste contrée, sa queue se perdant dans les profondeurs du pays. Et tandis que je la contemplais sur une carte à la devanture d'un magasin, elle me fascina, comme un serpent fascine un oiseau. Je me souvins alors qu'il y avait un gros comptoir, une compagnie commerciale, sur cette rivière. Que diable ! pensai-je, ils ne peuvent faire du commerce sans utiliser des bateaux d'un genre quelconque sur toute cette eau douce des bateaux à vapeur ! Pourquoi ne pas essayer de m'en faire confier un ? Je continuai mon chemin dans Fleet Street, mais je ne pus me débarrasser de cette idée. Le serpent m'avait envoûté.
L'équipage du «Narcisse» affronte une mer hostile et une ambiance délétère : un cuisinier trop pieux, un marin paresseux qui pousse à la mutinerie, et le Noir, Jim Wait, dont on ne sait s'il est un malade imaginaire ou un mourant authentique. Mieux connu sous le titre Le Nègre du Narcisse, Les Enfants de la mer dépeint la tempête vue du côté de l'équipage, montrant des personnages qui oscillent entre solidarité et bassesse.
«Enfin, le navire remonta, par secousses, comme s'il devait soulever une montagne avec sa proue [...]. Un autre coup comme celui-ci, et c'en sera fini du navire, cria le chef.»Lorsqu'un typhon surprend le Nan-Shan en pleine mer de Chine, le capitaine McWhirr et son équipage n'ont d'autre choix que d'affronter la tempête. Et bientôt, la lutte acharnée contre les éléments devient la bataille de chacun contre lui-même.
"Essayez de vous imaginer le choc qu'il reçut.
Dans ce lieu sauvage qui ne figurait sur aucune carte, plus sordide que le plus misérable comptoir malais n'avait le droit de l'être, cette Européenne avançant dans le froissement des herbes, vêtue d'une robe de cocktail fantaisie en satin d'un rose sale, avec une longue traîne bordée de dentelle déchirée, et des yeux noirs de jais dans un visage blanc comme plâtre. Davidson crut qu'il sommeillait, qu'il délirait.
Dans la cuvette boueuse de ce répugnant village (c'était l'odeur que Davidson venait de sentir), un couple de buffles crasseux se leva en ronflant et s'éloigna en faisant craquer les buissons, frappé de panique par cette apparition." Mère d'un petit garçon, Anne la Rieuse s'est raccrochée, après une vie légère, au douteux Bamtz, un parasite qui vit de combines. Davidson n'a que la faiblesse d'être "un homme profondément bon" : par humanité, il promet de revenir de temps à autre les voir.
C'est chargé exceptionnellement de caisses de vieux dollars que son steamer fait un jour escale dans la crique. S'il s'attend à retrouver Anne la Rieuse et son compagnon, Davidson ne soupçonne pas qu'il se jette alors dans un traquenard.
Le capitaine Whalley, vieux loup de mer est contraint de reprendre la navigation afin d'apporter un peu de réconfort financier à son unique fille, mal mariée. Ce veuf inconsolable, qui voue un amour absolu à sa descendance, pilote dorénavant le Sofala, minable barcasse à vapeur pour l'exploitation de laquelle il a engagé ses propres fonds. Il espère pouvoir bientôt récupérer sa mise en prenant enfin une retraite bien méritée mais il doit composer avec un équipage gangrené par l'envie et la lâcheté.
Son amitié avec le désabusé Van Wyk et la complicité muette qui le lie à son loyal maître d'équipage malais aident Whalley à supporter cette fin de carrière désastreuse. Mais notre noble vétéran cache un sombre secret...
Le remorqueur blanc fonçait à toute vapeur vers le milieu de la rivière.
Les pales rouges de ses hélices tournant à une rapidité folle transformaient le plan d'eau tout entier en monceaux d'écume. la diane se balançait, aussi élégante qu'une vieille grange, et courait après son ravisseur. a travers l'écran de fumée déchiqueté qui filait sur l'eau, j'aperçus les larges épaules immobiles de falk sous un chapeau blanc grand comme une roue de charrette, son visage coloré, ses yeux jaunes au regard fixe, sa longue barbe.
Au lieu de surveiller ce qui se passait devant lui, il tournait délibérément le dos à la rivière pour regarder le bateau qu'il tirait. le gros et lourd bâtiment, qui n'avait de sa vie été traité de la sorte, avait l'air complètement désemparé ; il vira comme un fou sur son gouvernail et pendant quelques secondes se dirigea droit sur nous, menaçant et maladroit, tel une montagne en fuite. il souleva une gerbe d'eau jaillissante, écumante, sifflante, presque jusqu'en haut de sa poupe carrée ; mon équipage émit à l'unisson un énorme hurlement, et nous retînmes notre souffle.
Le désastre était imminent. mais falk tenait la diane. il la tenait à sa merci.
"il n'est guère de lecteurs aujourd'hui qui ne se laissent empoigner par un récit alliant une belle simplicité de ligne à une sorte de douloureuse force intérieure." sylvère monod.
"Il n'était pas un homme dur, mais la nécessité, la grandeur, l'importance de la tâche qu'il s'était assignée faisaient disparaître toute considération purement humanitaire.
Il avait entrepris cette tâche avec fanatisme. Elle ne lui plaisait pas. Mentir, tromper, rouler même le plus vil représentant de l'humanité lui était odieux par instinct, par tradition, par éducation faire tout cela à la manière d'un traître répugnait à sa nature et choquait sa sensibilité. Il avait fait ce sacrifice dans un esprit d'humiliation.
Il s'était dit avec amertume : 'Je suis le seul qui puisse accomplir cette sale besogne.' Et il le croyait." "Nostromo" est un monument de la littérature de notre siècle. L'aspect prodigieux de cette oeuvre - le plus long et le plus ambitieux des romans de Conrad - tient à la beauté et à la vérité de la description du Costaguana, vaste pays imaginaire du continent sud-américain.
Pour inventer et mettre en scène cet univers bouillonnant et complexe où les paysages, les hommes, les langues s'entrechoquent autour d'un héros sombre, Nostromo, le "capataz de cargadores", Conrad vécut en ermite pendant deux ans, plongé dans un labeur acharné. Nostromo personnage, "Nostromo" roman - comme "Lord Jim" - provoquent le même envoûtement, la même soif de lire et de relire.
Dans sa maison de Bornéo, Kaspar Almayer, homme d'affaires aigri et ruiné, songe au jeune garçon ambitieux qu'il était, à la femme d'ethnie malaise qu'il a épousée par cupidité, à sa fille métisse dont le coeur chavire dangereusement, à cette dernière expédition au coeur de la jungle qui peut-être le rendra enfin riche. Petitesse des folles ambitions, dureté des sociétés coloniales, mystérieuses beautés de la nature tropicale, La Folie Almayer est un texte foisonnant et superbe.
"Son être tout entier était mis à la torture par cette idée incertaine et affolante.
Elle la sentait dans ses veines, dans ses os, à la racine de ses cheveux. Elle adoptait en esprit l'attitude biblique du deuil - le visage voilé, les vêtements déchirés ; le son des lamentations et des gémissements emplissait son crâne. Mais elle serrait les dents avec fureur, ses yeux étaient brûlants de rage, car elle n'était pas une créature soumise. La protection qu'elle avait exercée sur son frère avait été, à l'origine, d'un caractère violent et indigné.
Elle avait besoin de l'aimer d'un amour agissant. Elle avait combattu pour lui - contre elle-même, aussi. Sa perte était amère comme une défaite, douloureuse comme une passion bafouée. Ce n'était pas le choc d'une mort ordinaire. De plus, ce n'était pas la mort qui lui avait enlevé Stevie, c'était M. Verloc. Elle l'avait vu. ".
" vous avez compris" ?
" elle le regarda en silence.
" "que je vous aime", acheva-t-il.
" elle hocha très légèrement la tête.
" "vous ne me croyez pas ? lui demanda-t-il dans un murmure irrité.
" -personne ne peut m'aimer, répondit-elle très calmement.
Personne." " il resta coi un moment, complètement abasourdi, ce qui n'est pas surprenant. il doutait d'avoir bien entendu. il était outragé.
" "quoi, que dites-vous ? personne ne peut vous aimer ? qu'en savez-vous ? c'est mon affaire, non ? et vous osez dire une chose pareille à un homme qui vient de vous confesser son amour !
Il faut que vous soyez folle !
" -presque", dit-elle avec un accent de sincérité contenue, soulagée de pouvoir dire une chose qu'elle sentait être vraie, car depuis quelques jours, elle avait plusieurs fois eu l'impression d'être aux confins de cette sorte de folie qui n'est que l'intolérable lucidité de l'angoisse du lendemain.
" paru en 1913, fortune est de ces romans qui jettent un regard perçant et sans complaisance sur la nature humaine et ses passions illusoires, sur l'ambition héroïque qui conduit à la mort, sur la vanité des échappatoires face au destin. c'est surtout l'histoire d'une femme autour de laquelle ce même regard s'enroule, s'accroche, se suspend. mais plus cette femme est proche et plus on croit la tenir, plus son être se dérobe et on reste là, conquis, épris, envoûté...
Amoureux.
"Chez l'écrivain Joseph Conrad est présent, derrière son art et les qualités consciemment mises en oeuvre pour le servir, un certain esprit cosmique, un pouvoir d'entraîner le lecteur sous la surface du coeur de la terre, pour observer le processus qui, par son cours lent et inexorable, en a formé la croûte, à laquelle se cramponnent toutes nos diverses petites formes vivantes. Il a le pouvoir de faire sentir à son lecteur l'inévitable unité de tout ce qui existe, de lui insuffler le sentiment consolant d'appartenir lui-même à une vaste Unité inconnue." John Galsworthy "Soudain (comment le traduire en mots ?), eh bien, soudain les ténèbres se transformèrent en eau. C'est la seule expression qui convienne. Une lourde averse, un déluge, arrive à grand bruit ; on l'entend approcher sur la mer, dans l'air aussi, je crois.
Mais ceci était différent. Sans le moindre murmure ou frémissement, sans bruit, sans même la sensation du moindre contact, je fus instantanément trempé jusqu'aux os. Ce qui n'était pas difficile, puisque je n'avais sur moi que mon pyjama. Mes cheveux aussitôt saturés, l'eau dégoulina sur mon visage, me boucha le nez, les yeux, les oreilles. En une fraction de seconde, j'en avalai une bonne quantité.
Quant à Gambril, il avait le souffle coupé. Il toussait d'une manière lamentable, de la toux brève d'un malade, et je le regardais comme on regarde un poisson dans un aquarium à la lueur d'une lampe électrique, forme phosphorescente, évanescente. Seulement, il ne s'échappait pas. Mais autre chose se produisit. Les deux lampes de l'habitacle s'éteignirent."
" Conrad était amoureux d'ordre et de discipline morale.
Mais il ne parvint pas à y plier ses personnages. Ils ont tous quelque chose de trouble, d'inachevé. Dans leur tourment s'agitent des forces obscures et que l'on devine parfois monstrueuses. Refoulées au fond des âmes elles se montrent cependant victorieuses de l'auteur qui, malgré lui peut-être, les a enfouies comme une lourde et inévitable semence. " Joseph Kessel. " Heyst leva la tête. Dans la lueur fugitive des éclairs, l'espace découvert sur la gauche apparut puis replongea dans les ténèbres, ainsi que les lointaines formes évanescentes, livides, d'un autre monde.
Mais dans le rectangle lumineux de la porte, il vit Léna - la femme qu'il avait si ardemment désiré revoir encore une fois - trônant dans un fauteuil, les mains posées sur les accoudoirs. Elle était en noir ; son visage était blême, sa tête rêveusement penchée sur sa poitrine. Il ne voyait que le haut de son corps. Il la voyait, là, dans cette pièce, vivante, lugubrement réelle. Ce n'était pas un mirage narquois.
Elle n'était pas dans la forêt, elle était là ! Assise dans un fauteuil, apparemment sans force, mais sans crainte, tendrement courbée.
Quelle sorte de paix Kirylo Sidorovitch Razumov espérait trouver dans la rédaction de ce texte dépasse mes possibilités divinatoires. Le fait demeure qu'il l'a écrit. M. Razumov était un homme jeune, grand, bien bâti, étrangement brun pour un Russe des provinces centrales. Sa beauté eût été indiscutable si ses traits n'avaient manqué de finesse. Comme un visage vigoureusement pétri dans de la cire (approchant même d'un modelé parfait) que l'on aurait exposé devant un feu jusqu'à ce que toute fermeté des contours eût disparu avec l'amollissement du matériau. Ses camarades à l'université de Saint-Pétersbourg considéraient cet étudiant en troisième année de philosophie comme une forte nature - quelqu'un sur qui "on pouvait compter". Ceci, dans un pays où une opinion peut être un crime contre la loi, sanctionné par la mort ou parfois par un destin pire que la seule mort, signifiait que l'on pouvait avoir assez de confiance en lui pour lui confier des opinions interdites. "La lecture du roman est à tous égards poignante. Les difficultés que Joseph Conrad éprouva pour l'écrire, l'impression d'assèchement, voire de stérilité, qu'il connut ensuite ajoutent une note tragique à la genèse de cette oeuvre magistrale." Sylvère Monod
L'admirable capitaine du narcisse doit faire face aux difficultés de conditions météorologiques hostiles, et à celles d'un climat humain et psychologique délétère : un cuisinier trop pieux, un chenapan qui se refuse à l'effort et pousse à la mutinerie, et le "nègre ", jim wait, dont on attendra longtemps pour savoir s'il est un malade imaginaire ou un mourant authentique.
Tous ces gens empoisonnent l'atmosphère.
Des pages sublimes.
Ce que Conrad ne pouvait savoir quand il rédigea Amy Foster, ce qu'il pouvait à peine pressentir, c'est qu'il vivrait lui-même un jour, dix ans plus tard, une épreuve analogue à celle de son Yanko : Polonais de naissance, marié à une Anglaise, malade, fiévreux, délirant, il parlerait polonais dans son délire et soulignerait ainsi, à son grand dam, l'irrémédiable incommunicabilité qui règne entre individus d'origines nationales différentes. L'histoire est à deux personnages, deux êtres rudimentaires et déshérités, paralysés dans leur développement par des causes différentes : Yanko par son étrangeté, son incompréhension de la langue et des moeurs de l'Angleterre ; Amy par sa laideur, sa pauvreté, ses limites intellectuelles ; ni l'un l'autre n'est en mesure de comprendre le monde qui les entoure ; et si leur bonté les a poussés à unir leurs détresses pour les atténuer l'une par l'autre, ils n'ont aucune chance de s'entendre durablement en un sens profond.
Attaqué en 1908 par un critique anglais sur ses origines polonaises et son usage de la langue anglaise, Conrad avait particulièrement à coeur de s'expliquer sur les grandes décisions qui ont orienté sa vie. Il livra presque aussitôt à la English Review, que lançait alors son ami Ford Maddox Ford, cette autobiographie, reprise en 1912 en un volume intitulé Souvenirs personnels (A Personal Record), que l'auteur voulait d'ailleurs intituler Le Double appel (The Double Call). Le livre a en effet pour pivots les deux décisions, ces deux « appels » qui ont conduit Conrad d'une part à abandonner sa Pologne natale pour prendre la mer, d'autre part à délaisser la langue polonaise au profit de la langue anglaise.
L'ouvrage tout entier est placé sous le signe de la liberté. Tout en parsemant son texte d'anecdotes, de digressions contrôlées, de considérations sur la littérature, Conrad y raconte son enfance et son adolescence loin des côtes, dans une partie de la Pologne aujourd'hui située en Ukraine, son éducation littéraire, l'influence de son père et de son oncle, puis son départ pour Marseille où il embarque sur un navire britannique pour l'une de ces expéditions lointaines qui nourriront son oeuvre future. En variant le ton, les détails parlants, en multipliant les réflexions tantôt ironiques, tantôt légères, tantôt graves, Conrad laisse transparaître sa personnalité et laisse voir son vrai visage, plus sans doute que dans aucun autre de ses livres.
" C'était vraiment un jardin magnifique : des pelouses vertes bien unies, une masse rutilante de parterres de fleurs au premier plan, disposés autour d'un bassin d'eau sombre aux rebords de marbre, et plus loin le feuillage dense d'arbres d'essences variées qui masquaient les toits d'autres maisons. On pouvait se croire à des kilomètres de la ville. C'était une solitude aux couleurs lumineuses somnolant dans un silence tiède et voluptueux. Là où de longues ombres immobiles étaient projetées sur les parterres, et dans les recoins ombragés, les masses colorées des fleurs étaient d'un effet superbe. Je restais ébahi, charmé. Jacobus me saisit délicatement le bras, me faisant faire un demi-tour à gauche. Je n'avais pas encore remarqué la jeune fille. Elle occupait un vaste fauteuil bas en osier, et je la vis de profil, exactement comme un personnage sur une tapisserie, aussi immobile. Jacobus lâcha mon bras. " Voici Alice ", annonça-t-il tranquillement.
" - Va me tirer du cidre.
J'ai soif ! Elle partit en gémissant, une cruche vide à la main. Alors il se leva, prit la lampe, et se dirigea lentement vers le berceau. [...] Lorsque sa femme revint, il ne leva pas les yeux, avala bruyamment deux cuillerées de soupe, et observa d'un air sombre : - Quand ils dorment, ils sont comme les autres enfants... Elle s'assit tout à coup sur un tabouret, secouée par une bourrasque de sanglots silencieux, incapable de parler.
Il termina son repas et resta assis sans rien faire, renversé en arrière sur sa chaise, le regard perdu sur les poutres noires du plafond." Quand Jean-Pierre et Suzanne Bacadou reprennent la ferme familiale, du côté de Tréguier, c'est avec la certitude de s'inscrire dans l'ordre naturel des choses. Et plus tard, les jumeaux dont Suzanne est enceinte les aideront à leur tour... Seulement, ils vont naître simples d'esprit, idiots.
Pour conjurer le sort, le père est prêt à tout, jusqu'à faire dire des messes, cédant à sa femme et à sa belle-mère. Suzanne donne alors naissance à d'autres enfants affectés de la même tare. Après la honte, viennent une rancoeur et un chagrin si grands qu'ils ne peuvent résoudre que par la violence.
Le portrait d'un homme qui a toute l'apparence d'un acteur, d'un être humain agressivement déguisé. Son théâtre : le demi-cercle pourpre des montagnes, les arbres élancés courbant la tête sur les maisons, les sables jaunes, le vert torrentueux des ravins.
Le flibustier campe la figure d'un vieux marin assagi, lassé de la mer et qui ne rêve que de couler des jours paisibles dans un petit village du Sud de la France et que l'Histoire et l'épopée napoléonienne obligent à reprendre du service à bord de son bateau fatigué pour combattre les anglais. Entre le siège de Toulon et la bataille de Trafalgar, un beau récit sobre et grave.
"Elle se leva lentement, avança d'un pas, et s'arrêta pour regarder vers la côte.
Elle noire occultait les étoiles de sa masse confuse, comme un nuage d'orage planant bas sur les eaux, prêt à éclater en flammes et en craquements. -Ainsi - c'est Malata, répéta-t-elle d'une voix rêveuse, se dirigeant vers la porte de la cabine. Le manteau clair tombant de ses épaules, son visage d'ivoire -car la nuit avait tout effacé d'elle sauf les reflets de ses cheveux - la faisaient ressembler à une femme de rêve resplendissante prononçant des propos de froide inquisition.
Elle disparut sans un geste. [...] Le moment de l'aveu était-il arrivé ? Cette pensée suffisait à glacer le sang." Malata, comptoir colonial du jeune et ambitieux Renouard. Malata qu'il a quitté pour affaires, et où il revient en compagnie du Pr Moorsom et de sa fille. Malata où la vérité les attend. Car Miss Moorsom espère retrouver trace de l'homme qu'elle aime -un fugitif sur lequel Renouard en sait beaucoup plus qu'il ne veut le laisser paraître.
Mais Renouard peut-il vraiment l'avouer à Miss Moorsom, comme l'amour impossible qu'il lui porte ?