D'un voyage au Congo belge qui l'a bouleversé, Joseph Conrad a tiré le célèbre «Coeur des ténèbres», et cet «Avant-poste du progrès», qui n'est pas une version préparatoire de l'autre, mais son reflet inversé, encore plus étrange et plus trouble à certains égards. C'est une peinture terrible de l'entreprise coloniale et de son échec.
Le Duel est un véritable bijou. Deux hommes s'affrontent, pour sauver leur honneur, préserver leur réputation. Pendant que les guerres napoléoniennes font rage, l'affrontement entre ces deux hommes devient plus qu'un face à face. Car la pratique du duel est une curieuse épreuve mentale et physique, une menace qui plane sur chaque homme, et requiert un mélange de sauvagerie et de stratégie.
Amy Foster (1901) a souvent été considéré comme une des oeuvres les plus autobiographiques de Conrad et on y a vu un parallèle avec la situation qu'il vécut lorsqu'il s'arracha à sa Pologne natale pour devenir citoyen britannique. C'est d'abord une histoire de mer, qui raconte avec un réalisme terrifiant les tribulations d'un groupe d'émigrants pauvres poussés par l'espoir d'un eldorado en Amérique. Après le naufrage de son navire, le jeune Yanko devient un véritable paria dans une communauté paysanne anglaise qui voit en lui un fou dangereux. Le récit reprend le thème conradien de la rencontre entre l'autochtone et l'étranger, le civilisé et le sauvage. Inversant les figures de l'humain et l'inhumain, Conrad montre le "sauvage", le "fou", doué d'une humanité profonde qui se brise sur le refus obstiné des fermiers du Kent de reconnaître l'altérité de l'étranger. Sur cette situation désespérante vient se greffer une histoire d'amour qui prend vite la dimension d'une tragédie entre deux êtres que tout sépare.
A la fois tragédie romantique et parabole moderne sur la rencontre de l'autre, Amy Foster est un des textes les plus poignants de toute la littérature anglaise.
L'idée originale, fort simple de cette histoire, a germé d'un entrefilet de dix lignes, paru dans un petit journal du Midi. Cet article, écrit suite à un duel fatal entre deux célèbres personnalités parisiennes, mentionnait, pour une raison inconnue, le « fait bien connu » que deux officiers de la Grande Armée s'étaient battus à plusieurs reprises et sous un prétexte futile durant les guerres napoléoniennes. Ce prétexte ne fut jamais découvert et, par conséquent, il fallut à l'auteur en inventer un.
Le Duel est un petit chef-d'oeuvre de reconstruction historique, une « merveilleuse reconstitution de l'atmosphère de l'époque » grâce aux personnages secondaires et aux événements politico-guerriers qui constituent un arrière-plan idéal à l'affrontement entre ces deux officiers.
Et, si l'on accepte le caractère répétitif de ce duel, on s'aperçoit vite qu'il aborde, outre le déclin crépusculaire de l'aristocratie, le thème de la folie humaine et celui de la femme rédemptrice.
En 1898, Joseph Conrad, alors âgé de quarante et un ans, propose à Ford Madox Ford, qui n'en a que vingt-quatre, de mener une partie de leur carrière littéraire de concert. Entre un jeune auteur et un génie inquiet et endetté commence alors une "collaboration fatale". Explorant de l'intérieur, à la première personne, le principe des malversations financières, Conrad et Ford jettent une lumière crue sur une forme d'horreur : le crime économique. Rédigé comme une suite de lettres, ce texte méconnu semble ainsi s'adresser directement à notre temps, endormi face à l'inacceptable.