« Qui l'aurait cru ? Qui aurait cru qu'un jour je serais assise là, à attendre que je me pardonne ? Mon esprit faible fait marche arrière. Tous les jours un peu plus. La Diligence... Et puis, la maison. Le trajet en voiture à ressasser cette folie. Les Brisants de Savannah. Sa fureur démesurée. Mon désarroi. Je recule. Je revois. Je refais. Comment ai-je osé ? On m'interroge. Le portillon resté entrouvert battant immuablement dans la brise. Attisant le feu qui nous animait. Mon impuissance à me justifier, son regard empli d'une haine soudaine, incompréhensible et brutale. Le sens de tout cela m'échappe imperceptiblement. Me semble tantôt dérisoire, tantôt presque comique. Un coup de pied dans le rocking-chair qui dégringole avec fracas de la véranda sur les rochers. La peur qui m'avait envahie. Il avait perdu le contrôle. Comme pris au piège. J'étais paniquée. Parfois, je redéfais. »
Se prénommer Madeleine, lorsqu'on est prof de français et que l'on a Proust au programme, c'est de la provocation. Alors elle préfère qu'on l'appelle Maud. A la quarantaine passée, ses élèves de lycée l'exaspèrent. Au mieux, pour les deux éléments de sa classe encore récupérables, elle ne peut être qu'un guide spirituel pour l'avenir, comme tout bon prof qui se respecte. Mais Maud, elle, ne se respecte pas plus que ça. Une révolte permanente, sourde et sournoise l'habite et la ronge. Le mal pour tous lui semble justice. Alors, pour Prune et Léon, elle donnera un coup de pouce pour guider le hasard dans le sens du malin...
« Asimi se caresse le ventre, tout en recrachant une à une les arêtes qui lui restent en bouche. Soudain, son regard est attiré par une forme humaine entre les branches d'un manguier, à quelques pas du carbet. Elle descend du seau et s'avance vers cette figure curieuse, tout en se léchant les doigts pour en arracher les ultimes miettes de poisson. En se rapprochant, elle finit par reconnaître Maina, l'une de ses cousines. Maina semble éthérée, flottant entre ciel et terre. Elle dort, elle rêve, accrochée à une branche. » Laurent Pipet à travers ce récit nous dévoile les traditions du peuple wayana affecté par la culture de masse et ses préjugés. La famille des frères Alawa et Mayuwale incarne la dégradation d'un mode de vie traditionnellement proche de la nature. Entre désillusion et révolution, les deux frères se confrontent à des visions opposées qui les conduiront sur des chemins périlleux dont personne ne sortira indemne. Réaliste et poignant, cet ouvrage dénonce avec courage les dérives d'un état dont l'ignorance n'est pas sans conséquences.
« On a tous une histoire d'amour inoubliable, qui surplombe toutes celles passées ou futures. La mienne c'est indéniable, c'était avec elle j'en suis sûr. J'aurai toujours des étincelles, en voyant cette fille-là. Mon histoire d'amour la plus belle, elle s'appelle Lola. » Nous aimons tous plusieurs personnes dans notre vie mais une seule que nous n'oublierons jamais. Cette personne, Anthony Laurent l'a rencontré il y a plusieurs années dans un bar. Une histoire intense faite de joie mais aussi de désillusions et de jalousie, jusqu'à sa fin, brutale et inattendue, un soir de mars. L'auteur met son âme à nu dans ce recueil qui résonne comme une véritable déclaration d'amour et nous fait ressentir ses émotions les plus intenses.
« Depuis un mois, Pierre avait rempli des pages et des pages sur son journal. Il avait retourné la ?scène de la voiture? dans tous les sens. Il avait sondé la mémoire d'Hanna pour obtenir le moindre indice, pour pouvoir interpréter chaque symbole. Mais il n'avait rien trouvé de concluant, rien qui ne puisse délivrer sa mémoire prisonnière de l'oubli... De plus, elle ne supportait plus ses questions à propos de cette scène, de ce cauchemar. Alors, il arrêterait de la harceler... Elle se fatiguait aussi à raconter leur histoire, elle souffrait de devoir lui montrer les gestes tendres qu'il avait pour elle avant l'accident, les mots doux qu'il avait l'habitude de lui souffler à l'oreille : ?Nanouch, tu es ma vie !? ou ?le plus beau rôle de toute ma carrière, je l'aurai joué auprès de toi? ou encore ?Après Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, voici Pierrot et Hanna?, tous ces mots que Pierre avait oubliés ».
Un accident de voiture... et les ténèbres de l'amnésie se sont refermées sur Pierre, le conduisant auprès d'une femme qu'il ne connaît pas, dans un quotidien qu'il ne maîtrise plus, à la recherche de lui-même et d'un passé toujours plus inaccessible. À partir de ce matériau, L. Karsenti construit une nouvelle faite de sables mouvants, de fragments et d'éclats, qui nous propulse dans un univers où les limites entre l'étrange et le familier se brouillent, et qui interroge les non-dits d'un couple qui ne cesse de se craqueler.
"P'tite cruche", c'est le surnom dont la mère de Carole la qualifiait, enfant. La fillette a grandi et s'est mariée mais elle porte toujours le sobriquet comme un tatouage, d'autant plus que son mari ne fait rien pour l'en dissuader. « Mais que se passe-t-il avec Jean? », se demande-t-elle au début du récit. Carole le soupçonne d'infidélité. Elle se trompe. Le passé de Jean le rattrape. Son épouse est loin de se douter de ce qui l'attend.
Voici l'odyssée poétique et sauvage de Jacky Éléphant, pris au tourbillon de son chemin initiatique vers la délivrance du corps et de le'sprit par l'expérience rituelle de drogues en tous genres. Laurent Gersztenkorn a voulu ici tracer le parcours d'un toxicomane épris de révolte et trouvant sa voie dans un concept de joie de vie et de « vivre-libre », surtout. Inspiré par des auteurs comme Nietzsche, Deleuze, Onfray, et par son propre parcours, 'lauteur propose à travers ce roman un portrait de notre système édulcoré et asservissant, corrompu par les mass-médias, pour mieux dépeindre son idéal auquel il aspire depuis toujours : une société hédoniste telle que Nietzsche ou Onfray peuvent défendre.
"...Alors le rire a dépassé mon existence pour devenir une certaine distance, dépassant Dieu, car je portais en moi des milliards d'univers, de royaumes, encore inexplorés mais dont je savais, seul, la connaissance et l'immédiateté du geste illuminé d'un oui à la vie.
Et l'être dans tout cela?
Je ne sais pas Mademoiselle, j'écoute Charlie Parker!"
Un tableau mystérieux qui recèle les fantômes du passé, une actrice sur le retour dévorée par la passion, un auteur neurasthénique à la poursuite de la création, un couple pas si tranquille. Tous ces personnages se débattent entre leurs aspirations, leurs rêves et la réalité, du monde ou de leur âme. Car quand bien même ils tentent de la chasser ou de la cacher, elle finit toujours par ressurgir, souvent pour le pire. Délectables et profondes, ces quatre pièces de théâtre sont autant de mise en abîme de la douleur qui va de pair avec toute création et des faux-semblants qui gravitent autour de l'art. Vénérés pour leur talent, conspués pour leur ego, les artistes et ceux qui vivent à leur crochet sont tout sauf des êtres simples et limpides. Et la plume corrosive et sans concession de Laurent Sillan sait à merveille appuyer là où ça fait mal. Drôles, cruels, jubilatoires, quatre textes aux accents beckettiens qu'on attend sur scène avec une impatience non dissimulée.
Il y a 4 500 ans, une population africaine en fuite vient peupler une île perdue au milieu de l'Océan Indien. 1512. Un équipage portugais découvre cette île paradisiaque qu'ils baptisent Nova Beira. Vers 1950. Le jeune Feri purge dix ans au pénitencier pour avoir blessé un propriétaire terrien qui violait sa soeur. Lors de sa détention, il rencontre Michelle, une activiste métropolitaine. Libres, ils se battent ensemble pour l'émancipation et la libération des Huru exploités. Homme de brousse, pauvre, illettré, injustement emprisonné, il finira par devenir le leader de la lutte anticoloniale sous le drapeau du Mouvement de libération des Huru. Après des décennies de coups d'État et de dictatures, c'est dans un pays ravagé que Lina tente de survivre, se prostituant pour poursuivre ses études. Elle croisera sur sa route le mal nommé Fortuné, un brave analphabète, amoureux transi.
Aurélie croyait qu'il lui serait aisé de tourner la page, de changer de vie après avoir mis la main sur le magot, de s'évaporer dans la nature... Prostituée occasionnelle, elle s'imaginait que ses charmes et sa jugeote lui permettraient de quitter enfin Nantes, et de laisser impunément derrière elle le cadavre de ce mafieux lubrique de Max, et son coffre-fort dépouillé... Une fois sa besogne accomplie, malgré une légère crainte, elle se montra même confiante et généreuse envers un SDF subjugué... Mais, c'est bien là le seul usage qu'elle devait faire de sa petite fortune. En effet, sa demi-soeur retrouvera son corps peu de temps après, dans son appartement... Un spectacle sanglant qui, après la tétanie, insufflera à Clémence toutes les audaces pour mener vengeance. Catin trop présomptueuse, homme de main vicieux, enquêtrice improvisée et infiltrée, crapule machiste et jeune jardinier énamouré se croisent et se donnent la réplique au sein d'un roman qui dose soigneusement passion, hémoglobine, érotisme, ironie et autre ambiance glauque. Ecrit avec un suspense tiré au cordeau et trépignant dans des dernières pages qui donnent tout leur sens aux extrémités de l'amour et de la revanche, ce thriller sous adrénaline nous réserve, dans un style impeccable et ciselé, quelques heures intenses.
Nous sommes tous les rêves d'un autre. Chaque rêve est une petite mort. Et un petit pont vers la vie suivante. Telle pourrait être l'incipit du recueil. Les Rêves d'un autre est un ensemble cohérent de récits déroutants, effrayants ou touchants qui nous parlent de morts et de vies, donc forcément d'amour. Le fantastique, omniprésent, vient révéler l'invisible par légères touches ou l'exalter par sa présence inquiétante voire terrifiante. Laurent Provost construit patiemment un univers singulier dans lequel se répondent le réel et l'impossible, où le fantastique est évidemment réel mais où tant d'évidences sont seulement suggérées. Le style, tour à tour poétique ou clairement narratif, nourrit des histoires trop réelles pour ne pas avoir été vécues et tellement hors de l'ordinaire qu'elles ne peuvent appartenir qu'à la fiction.
Avec son Etincelle pour guide, poussé par l'unique volonté de toucher à sa propre essence, Bernard Llomard part sur les routes. Plus précisément, il se fait Pèlerin de l'Etre, arpenteur de Soi, géomètre de sa Vérité. Ainsi, si les péripéties qu'il vit et les écueils qu'il traverse ont tous l'âpreté du réel, chacun constitue, symboliquement, une étape initiatique, une révélation métaphysique capable de lui ouvrir les portes du Spirituel. Mais n'est-ce pas là l'autre nom du Monde sacré d'Emmanuel ?
Dans la pâleur d´un matin de novembre, un père et son fils décident de prendre la route. Ils plongent ensemble dans le vertige d´une errance, échappant à toute juridiction du nécessaire, sans véritable objet ni visée particulière. Une voiture, un voyage, des trajectoires indistinctes... L´auteur, passionné de philosophie et de poésie, esquisse tout au long de ce récit l´inauguration de ce Deux père-fils se développant dans l´appel silencieux des chemins. Il nous montre comment une relation peut s´ex-hausser face au pur excès de l´inédit, en parvenant à supplémenter miraculeusement sa mémoire...
À Marc Poplin, il ne reste que quelques heures à vivre. Allongé au bord d'un cours d'eau, une balle dans le dos, il en profite pour se remémorer ses derniers jours, les cinq derniers. Mal marié, journaliste à mi-temps dans un quotidien parisien, Marc s'est vu proposer par son patron d'écrire la biographie d'Henri Judko et, pour ce faire, de se rendre dans son château de Sologne pour une semaine d'entretien. Dans un décor aux allures d'Hollywood des années cinquante, Henri Judko, âgé de soixante-quinze ans, qui a fait fortune comme taxidermiste, vit entouré de sa famille. Un secrétaire peu accueillant, un majordome discret, un associé cubain passionné de bowling, une cuisinière omniprésente et ses deux petites-filles. Et c'est là, dans ce château incomplet au milieu de cette étrange famille que Marc, chaque jour, s'installe sous la chapelle Sixtine qui orne le plafond du bureau de son hôte pour l'écouter et enregistrer sa voix lui raconter sa vie. Une vie dont les sons et les couleurs ne sont pas sans lui rappeler des visages et des lieux aux résonances toutes personnelles. Lundi, mardi, mercredi, les jours se succèdent pour Marc, surveillé par Peckerman, tourmenté par la jeune Viviane, visité par ses propres fantômes et, au milieu, la voix et les souvenirs d'Henri. Marc était venu à Lonmâte pour échapper à sa vie...
Imaginez un simple bistrot, avec ses clients de tous âges, de toutes conditions, issus de tous les milieux. Dans ce cadre vont se succéder des évocations très personnelles des sept pêchés capitaux, donnant à chacun un éclairage tour à tour surprenant, drôle ou carrément extravagant ! « Que celui qui n'a jamais pêché »
Étienne naît en 1935, en plein drame familial : son frère aîné vient de succomber six mois plus tôt d'une méningite foudroyante. Il devient, sans le savoir, le substitut imparfait de l'enfant qui vient de disparaître, adulé par ses parents et paré de toutes les qualités. On lui attribuera même, par suprême ironie, le prénom de son frère. Il suivra ses parents, un couple d'acteurs, dans leurs pérégrinations autour de la France, jusqu'à l'arrivée de la guerre qui mettra un terme à leur vie aventureuse. Après les horreurs de l'Exode et les rigueurs de l'Occupation, il n'échappera pas à l'épreuve de la libération. La mort d'Édouard, son père, en 1944, dans le naufrage du Minotaure, lors de son rapatriement de Jersey, marquera la fin définitive de leur existence passée. Avec le remariage de Juliette, sa mère, et la pauvreté qui deviendra le quotidien de la famille, arrivera l'ultime épreuve qui marquera son enfance tourmentée.
Laurent, la cinquantaine dynamique, divorcé, recherche l'âme soeur. Sur Internet, c'est le coup de foudre pour Andréa. Elle habite Madagascar, certes, mais l'amour n'a pas de frontières... Après des mois de fréquentations virtuelles, puis dans la vraie vie, Laurent se décide à épouser Andréa, car il la veut à ses côtés, chez lui en France. Et le drame commence. Du jour au lendemain, la jeune femme timide se change en arriviste impitoyable et révèle au grand jour ses véritables intentions : obtenir des papiers français. Elle ne reculera devant rien, allant jusqu'à le faire interner. Pour Laurent, c'est le début de la descente aux enfers...
Ça ne devait être qu'un jeu. Un défi à relever. Mais cette fois-ci, les choses se corsent. Cette fois-ci, il s'agit de suivre un passant et le tuer. Ou presque. Le stress et l'excitation, sans les conséquences. C'est au tour de Philippe. Le Parisien descend à Montpellier, l'histoire de quelques jours, tout au plus. Le scénario fonctionne... jusqu'à l'impensable. Soupçonné d'être l'auteur d'un carnage, de mauvaises rencontres en mauvaises rencontres, il file droit en enfer. Il ne faut pas forcer le destin. Sinon, il ne vous lâche plus...
Vingt et un ans et un rêve dans la tête, celui de découvrir son Amérique ! Mathias Péridaut veut vivre une aventure. Aussi part-il vers ce continent qui lui fera d'abord découvrir ses propres illusions. Aux dures réalités de l'existence s'ajoutera aussi une certaine malédiction. Le rêve américain ne sera alors qu'un long cauchemar qui l'accompagnera jusqu'à mettre sa vie en péril.
« Lucie chipotait dans son assiette. Elle avait fait la fête la veille au soir avec des copines et menaçait de s'endormir à table. L'envie de fumer la chatouillant, elle faisait d'incessants allers-retours entre la salle à manger et le jardin. Je pouvais reconnaître cette odeur caractéristique d'herbe qui lui collait à la peau à chacun de ses retours. S'écroulant sur sa chaise plutôt que s'asseyant, elle me décochait à chaque fois un sourire éclatant. Je crois que j'adorais cette fille. » À quarante ans, David tout comme sa soeur et ses frères subit son passé. Plus de vingt ans après sa mort, le « clan » Balans tiraillé entre les liens du sang et les intérêts, reste prisonnier de l'ombre du père. La pire des prisons n'est-elle pas celle que l'on se construit ?
Le verbe « exister » n'a aucune structure sémantique. Il n'est pas constructif ou évolutif. Il n'est pas virtuel. Il est un vaste mensonge édicté par l'homme qui, construisant son système de conscience appropriée, se trouve dépassé par celui-ci. Ainsi le système que j'observe de nos jours est devenu autonome, il possède la nature dans une dimension esclavagiste de services basés sur la consommation de masse et la rentabilité de celle-ci. Vous ne pensez pas ce que vous dites ; vous ne dites pas ce que vous pensez ; vous arrive-t-il souvent d'avoir envie d'une chose et de vous la refuser ; de parler encore des autres ; de croire qu'arrivés à ce stade vous puissiez encore lire ces mots sans vous interroger sur l'utilité de ceux-ci ? Les révolutions se font de l'intérieur. Aucune différence entre le rien et le tout : deux concepts en un seul. Joie de vie, voilà le nouveau concept ! Voilà le tragique humain. Ne plus réfléchir. Ne plus chercher. Vivre pour l'instant. Mais se projeter tellement plus loin ! Tellement plus haut.
Quel est le lien entre Peyton Place, le verbe "brodiller", le Kilimandjaro et Stefan Zweig? Constituée de mots rares, de noms familiers, d'actrices ou de réalisateurs, une anthologie née du hasard, de l'amour des mots et de bonheurs artistiques.