Filtrer
Support
Langues
Prix
Lionel Bourg
-
« Victor Hugo, hélas ! La gifle avait été cinglante et si, à quoi bon s'en défendre ? chacun souscrivit un jour ou l'autre au trait d'André Gide [...], qui n'aura dans son coin cédé au tintamarre puis aux murmures de l'inévitable chantre républicain, Hugo, Victor Hugo, mage, devin, dompteur de lémures invoqués non sans hardiesse mais, elles sont redoutables, les « forges de la nuit », subtilement tenus en laisse sous une dentelle de Bruges ou de Venise au pied de la sellette médiumnique, l'ancêtre caricatural, perclus de gloire et de rhumatisme, honni, jalousé, invitant le commun des mortels à le suivre sur fond d'orages, d'incendies et de brouillards noués à l'effroi de ses insatiables vertiges. »
-
Pour qui l'averse - l'ondée, la bruine même - concourt à la sérénité de l'âme, serait-elle morne, sujette aux vols impromptus de phalènes en deuil, les gouttes qui pianotent ou, débordant des chéneaux, ruissellent sur les vitres lorsqu'elles ne s'écrasent pas avec des cris imperceptibles sur l'asphalte des rues, dans les vergers, les arrière-cours d'immeubles insalubres, ces gouttes, que les enfants essaient d'intercepter bouche bée, lavent les mots les plus pauvres, les phrases les plus infectes, la poésie, et le chant, n'ayant d'origine qu'en ces maigres déluges : l'Arche du verbe n'a pas besoin d'un quelconque Noé.
A l'ombre des friches industrielles de la région stéphanoise, - «zones malsaines dont la beauté paraît parente de leur noire amertume» -, c'est là qu'enfant Lionel Bourg errait, dirigé par sa soif de découvertes. Le «vert paradis» saturé de chaleur, créatures et végétations luxuriantes, il le trouvait dans les poèmes, les vieilles cartes ou les estampes. Le parallèle est fait entre l'obscurité de ces régions minières et la lumière du territoire poétique : c'est dans leurs environs que ces cinq proses usent leurs semelles. Baudelaire, Bonnefoy, Nerval, Saint-John Perse et d'autres se rencontrent sur le chemin, les illustrations de Grand'Eury (géologue admiré) ou Louis Figuier (vulgarisateur scientifique) en dessinent le théâtre. L'auteur y serpente entre collines ouvrières et cimetières mécaniques, parvient à unir littérature et tristes terres, à extraire des profondeurs de la mélancolie quelques merveilles organiques. -
À l'aliénation, au sentiment d'étrangeté qui pétrifie l'individu, le perdant dans le temps, le noyant dans l'espace, Rousseau ne se contente pas d'opposer le déni mondain des procurateurs enveloppés dans une confortable robe de chambre. Il regimbe. Peste. S'insurge. Les doigts endoloris ou affligés d'onglée, grattant au carreau de Monquin, à celui des Charmettes, le givre d'une vie que d'ineptes conditions sociales exposent à toutes les intempéries, les plus triviales comme les plus hautement affectives. Ce qu'il pressent, du reste, ou dont il fait l'expérience, amère, douloureuse, ne concerne pas au premier chef l'inégalité, qui, tout intolérable qu'elle soit, n'est pas instigatrice. La propriété en revanche, et Jean-Jacques, délibérément, n'y accédera, fonde la dépossession, laquelle voue chacun à l'existence spectrale, des morts-vivants exclus de leur propre domaine : le monde, ce monde, invente la solitude.
-
Geoffroy-Guichard : le vert paradis des dieux trop humains
Lionel Bourg
- Médiapop
- Le Club Des Ecrivains
- 20 Août 2021
- 9782491436346
Livre de mémoire, d'émotions teintées d'humour, d'enfance et d'âge mûr, Geoffroy-Guichard, le vert paradis des dieux trop humains ne se veut pas simple apologie de l'équipe stéphanoise mais, le football brassant de multiples enjeux, une sorte de rêverie ou de méditation alliant la nostalgie aux considérations les plus actuelles. Légende et réalité dès lors s'unissent, l'évocation de la finale de la Coupe d'Europe à Glasgow demeurant sans doute le fil conducteur de ce récit très autobiographique.
-
En quatre-vingt quatre photos en noir et blanc, Jean-Claude Seine nous (re)plonge dans ce prolétariat rêvé.
L'ouvrage reflète ce temps où le monde du travail primait sur celui de la famille et des loisirs, ce temps où la misère, l'épuisement et la précarité laissaient pourtant place à la volonté - toujours plus forte - de changer le monde.
-
Léo Ferré est mort le 14 juillet 1993.
Ce livre n'est pas à proprement parler un hommage, encore moins une hagiographie. Il est plutôt le constat rigoureux de l'influence qu'un artiste hors normes a pu avoir sur un jeune homme, et au-delà sur toute une génération, née entre 1940 et 1960. Influence qui n'a cessé de se propager pour toucher les générations suivantes... jusqu'à aujourd'hui.
Ce livre marque aussi le vide immense laissé par Ferré.
C'est surtout un texte sur la poésie, sur l'amour, sur l'engagement.
Qui, mieux que Lionel Bourg, pouvait signer ce merveilleux aveu de fidélité ?
-
On ne subsiste guère que de se confronter au monde et à sa propre histoire, mêlant souvenirs et méditations sans cesse renouvelées auxquelles contraignent la vie personnelle non moins que les développements parfois exténuants des sociétés où elle se tient. Dès lors, « y être, y être toujours », c'est bien dire, au-delà de toute lassitude, le refus d'accepter l'ordre nauséeux des choses. On n'hésiterait pas à nommer, ainsi que le réclamait André Breton, celles et ceux avec qui l'on partage, ou ne partage pas, l'élan charnel d'exister. Ce livre n'a d'autre objet. Il n'a d'autre nécessité, que l'exigence de se tenir ainsi à hauteur d'homme, de caresser, du coup, quelques espérances & quelques songes, au fil heureusement sinueux d'une prose qui se satisferait volontiers d'unir en un même souffle le réel et ce qui, en lui, demeure la trace de son imaginaire.
-
L' oeuvre de chair ; Paul Rebeyrolle, la peinture et la vie
Lionel Bourg
- Fario
- 19 Février 2021
- 9791091902588
Dans un siècle qui a voué aux gémonies la sensibilité, et surtout ce qu'elle doit aux sens - tant les lois du marché imposent le contrôle réfléchi des consciences et des corps, la peinture de Paul Rebeyrolle constitue une insoumission. Sa violence, son exubérance, sa cruauté, ses débordements hors du cadre de l'asepsie généralisée nous atteignent : comment demeurer spectateurs, placides, comment ne pas être incorporé à « cet univers d'étreintes et de clameurs, de cris, d'oedèmes ou de tripailles jetées sur la toile, la vie dont elle procède, qu'elle montre torturée pourtant, dépecée, veule mais irréductible [...] ». Les corps meurtris, les corps malades, les paysages vomissant leurs éléments, la sauvagerie qui l'habite, tout concours à faire de cette oeuvre, loin des défigurations glacées ou perverses d'un Bacon, une sorte de résistance, sans lendemains lyriques mais terriblement humaine, vivante.
« La peinture ignore la satiété » écrit Lionel Bourg à propos de Rebeyrolle, de son geste, de son appétit de la matière, la matière des corps et celle de l'esprit. Ce texte ne prétend pas circonscrire cet insatiable. Mais par des entrées multiples, biographiques, esthétiques, politiques, il se penche sur les moments féconds de l'artiste, sur tel ou tel tableau, sur sa fidélité à un autre inclassable rebelle, Georges Guingouin, sur son rapport à l'abstraction, estimée mais tenue à distance, pour former un portrait fulgurant. Il permet au lecteur d'accorder à l'oeuvre toute l'attention qu'elle mérite.
-
Les textes que l'on va lire, qui tiennent de l'essai comme du récit, du poème plus rarement, furent pour la plupart élaborés au fil d'une quinzaine d'années, les plus anciens remontant toutefois à des germinations antérieures. Les réunir ici, serait-ce une sorte de bilan, n'a d'autre ambition que de renouer avec leur prime vivacité, une conviction peut-être déraisonnable m'inclinant à penser qu'ensemble, se complétant, voisinant, se contredisant aussi, ils participent d'une recherche toujours impérative quant à la possibilité du sens que l'on peut donner à la vie. Pour mieux le dire, ils condensent l'expression d'une sensibilité que je souhaiterais préserver un instant de l'oubli, fût-ce dans le miroir ébréché de la littérature, là où les fragments et les éclats dispersés d'un individu tentent de redessiner le portrait de qui n'aura fait que passer. Lionel BOURG
-
-
Il est d'usage assez courant de prétendre "vivre avec ses morts" , ne sachant pas trop s'il faut souligner l'adjectif possessif ou considérer avec le même égard ceux qui, croisés un jour, ne sont désormais plus que des ombres : proches, parents, amis, vagues connaissances... Prenant l'expression à la lettre, Lionel Bourg n'a guère désiré dans ces pages qu'accueillir la présence, diffuse ou insistante, légère ou pesante, incongrue voire facétieuse, de défunts devenus étrangement familiers.
Bal des fantômes en somme, plus que danse macabre, des anges y apparaissent, venus sans autre explication d'un film de Wim Wenders, un tableau de Hopper ou, surprenante, une apparition féminine dans une grotte du Périgord. Rêverie, méditation teintée d'humour, jeu du mort et du vif, l'essentiel fut peut-être pour l'auteur que, fût-elle pantelante, la littérature ait ici le dernier mot...
-
-
-
« Courroucés, les poètes, qui soupçonnent les savants d'être sur ce théâtre d'incorrigibles cuistres, renversèrent les meubles, quelques-uns colportant que la mort n'avait rien de farouche et qu'entre son néant, monotone ? son trou noir, sa nécrose ?, et les extases fallacieuses de la démence, la vie se condensait en une phrase qu'il me faudrait apprendre à lire ou à écrire, et à traduire, gueuler, caresser, dévêtir, pour être un jour en droit d'enrouler son écharpe au chant douloureux des sirènes. »
-
-
Tout lecteur l'est d'abord de lui-même, c'est du moins ce que Marcel Proust expose longuement dans Le temps retrouvé.
Ce qu'il cherche ainsi dans les livres, qui l'émeut, l'intrigue ou se cabre, sans doute est-ce cette part de soi chez d'autres plus familière, qu'ils récusent parfois, l'enchantement comme la protestation n'y peuvent rien, de sorte que tout livre écrit avec honnêteté (...) ne s'adresse à personne, ne vise ni, l'expression militaire parle crûment, ne cible aucun public en particulier, l'écrivain ne se penchant sur ses feuillets que pour sa seule gouverne (...).
L'écriture, sous peine de se restreindre à d'habiles ou maladroits exercices qui s'efforceront d'apparaître convaincants, agréables, beaux même, frappés de cette beauté admise en tout cas, dont les canons s'adaptent aux goûts comme aux normes d'une époque - un soupçon d'originalité, une dose de scandale n'en sont accueillis qu'avec plus de zèle - ne peut être qu'expérience singulière, la tâche du lecteur, Jean-Christophe Bailly l'analyse fort bien, consistant à aller au devant d'une singularité devenue contagieuse.
(...). Ce que j'avais en tête (...) c'était d'indiquer, de mieux cerner peut-être, dans l'espace parfois marginal de mes lectures, le rapport que j'entretiens avec l'acte d'écrire et de montrer combien toute approche importante, décisive quelquefois, d'un livre, d'un auteur, implique une réflexion pour moi mal séparable de l'autobiographie, (...). M'arrêtant à tel ouvrage, confrontant mes jours à ceux que certains livres traduisent, en étroite sympathie avec eux ou, au verso d'une page, notant ce qui m'en éloigne, je n'ai souhaité que cette intimité, cet échange qui me fondent.
Le reste est vanité. Je lis et n'écris qu'afin d'éclaircir un peu mon obscure existence.
-
Tombeau de Joseph-Ferdinand Cheval : facteur à Hauterives
Lionel Bourg
- La Passe Du Vent
- 27 Mai 2019
- 9782845623415
Le Palais idéal n'est certes un labyrinthe qu'à l'exacte proportion des enfants que nous ne sommes plus. Il suffit d'assister au manège des gosses quand, la bride parentale un instant relâchée, ils prennent possession du domaine. Nul doute selon eux qu'il s'agit là d'une construction destinée à leurs jeux, et c'est je crois l'esprit conquis par d'ataviques rêveries qu'ils se faufilent, escaladent ou glissent, se dissimulent et réapparaissent sous un porche où personne ne les attendait plus. Château de la Belle au Bois dormant, manoir de l'Ogre ou citadelle digne des frères de la côte, Fort-Apache ou bastion médiéval qu'auraient retouché des prélats byzantins, le temps y est captif et dans sa rétention seuls les enfants semblent en posséder l'emploi, certainement parce qu'en l'état de moindre division qui est leur privilège, tout s'exaspère d'une immédiateté à laquelle ils sacrifient sans idée de retour, j'entends en oubliant d'emblée que cette durée n'existe qu'à l'ombre de sa propre réclusion. Bref, jeunes chamans qui invoqueraient les divinités de la glèbe, ils dansent pour mieux s'approprier le territoire...
-
-
-
-
Installé dans une décharge publique, un homme écrit hautainement une manière de mémoire de sa séparation. Une saison en déréliction plus qu'en enfer, une poétique de la conscience malheureuse peut-être, quoique vivement irascible et preste à fustiger les conditions de sa détresse, L'Absent n'est que l'une des autobiographies possibles de la subjectivité qu'insulte l'objet de son tourment et de sa révolte : l'un et le tout, au coeur d'une assomption négative du monde, infiniment s'épousent, se leurrent et se déchirent. Dès lors, la convention narrative ou la métaphore se retourne - s'écorche oe- , et jamais le personnage qui trace ainsi l'histoire « d'une de ses folies » ne se sera à ce point exposé. L'Absent doit donc être aussi lu à la lettre, bouteille à la mer, récit truffé d'aveux et grimoire rendu au grouillement qui le génère, tête de pont d'une passion dévoyée où l'impossible poème comme la théorie impuissante qui hantent, depuis Rousseau, toute littérature, nourrissent de leurs effondrements l'acte même d'écrire.
-
-
» J'ai longtemps rêvé d'une phrase interminable, qui s'enfouirait, creuserait une manière de labyrinthe par l'opacité monacale des choses, forant, taraudant le silence ou puisant peu à peu, dans de grands seaux d'ennui, l'ombre muette encore d'un surcroît de conscience. «
-
Lettre ouverte à ceux dont les lendemains chanteront peut-être
Lionel Bourg
- Le Realgar
- 10 Juin 2016
- 9791091365260