Le plaisir de la lecture, l'heure du thé, le drame du coucher... Par l'évocation d'innombrables petits moments tour à tour délicieux, humiliants, érotiques, décevants, Proust nous invite à prendre part à ses réflexions dans ce premier volume de la Recherche, où les souvenirs d'enfance (« Combray ») et les premiers instants de l'adolescence (« Noms de pays ») encadrent le récit des amours d'un riche collectionneur et d'une demi-mondaine (« Un amour de Swann »).
À la manière de Schéhérazade dans Les Mille et Une Nuits, le romancier dévoile une histoire merveilleuse et complexe, qui nous conduit des jardins enchanteurs d'un village français aux sombres ruelles parisiennes, en passant par les feux de l'Opéra et les salons aristocratiques. Nous y suivons son narrateur-héros qui cherche à étancher sa soif d'émerveillement et prenons part à sa quête toujours renouvelée du sens de la vie.
Point d'aboutissement du grand projet romanesque de Proust, Le Temps retrouvé est le moment de la révélation par l'art : le Narrateur comprend qu'il doit écrire le livre que le lecteur s'apprête justement à finir.
Parcouru par le spectre de la Grande Guerre, par la peinture des désirs inavouables et des dernières mondanités, mais aussi et surtout par l'idée de beauté, ce livre propose plus qu'une conclusion : une invitation à devenir soi-même auteur de sa propre vie.
Edition relookée et mise à jour.
Outre les poèmes et les pièces qui composent le recueil, cette édition comporte les projets de préfaces et d'épilogues de Baudelaire, ainsi que des annexes pour éclairer la genèse du recueil qui connut trois éditions successives en 1857, 1861 et 1868.
Albertine disparue est le dernier volume revu et remanié par Proust avant sa mort. Prévu d'abord sous le titre La Fugitive, comme le pendant de La Prisonnière, il présente la fin de l'épisode d'Albertine: sa fuite, sa mort, le chagrin, puis l'oubli. Le huis-clos de La Prisonnière s'achève, non sur l'apaisement, mais sur une multiplication des regrets et des enquêtes posthumes. Un long passage conduit Marcel à Venise, depuis toujours cité de ses désirs, maintenant univers thématique dense où nous retrouvons sa mère, Mme de Villeparisis et M. de Norpois. Il s'y livre à la fois à l'éblouissement esthétique et à de nouvelles poursuites amoureuses.
À la fin de sa vie, Proust songeait à développer ses recherches sur l'homosexualité dans un Sodome et Gomorrhe IV, un Sodome et Gomorrhe V et au-delà, avant d'en arriver au Temps retrouvé. D'où les remaniements profonds - allant jusqu'à l'étonnante suppression des deux-tiers du volume - qu'il fit subir à Albertine disparue, sans pouvoir les conduire à leur terme. Nous donnons de cette partie l'édition qui nous paraît la plus plausible, comprenant le texte initialement prévu et faisant apparaître clairement les modifications apportées dans les derniers jours.
La seconde partie d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs annonce un progrès dans la découverte des réalités. Le narrateur-héros y raconte son séjour au Grand-Hôtel de la station balnéaire de Balbec, ville rêvée, tout enveloppée de brumes, dans laquelle s'amorce le contact avec cet autre univers fantasmé, le royaume de Guermantes. À Balbec encore, la rencontre du peintre Elstir dévoile au narrateur quelques-unes des vérités essentielles qu'il avait vainement cherchées jusqu'alors.
Après les déceptions d'A l'Ombre des jeunes filles en fleurs, Le Côté de Guermantes, versant opposé du Côté de chez Swann, est encore un roman de la désillusion. Introduit dans le monde des Guermantes - auréolé depuis l'enfance des couleurs du mythe -, le narrateur prend progressivement et douloureusement conscience de la non-coïncidence des noms et des personnes, que seul l'écrivain qu'il deviendra parviendra après coup à réconcilier.
«Etait-ce vraiment à cause de dîners tels que celui-ci que toutes ces personnes faisaient toilette et refusaient de laisser pénétrer des bourgeoises dans leurs salons si fermés ? Pour des dîners tels que celui-ci ? Pareils si j'en avais été absent ? J'en eus un instant le soupçon, mais il était trop absurde.
Ainsi s'interroge le narrateur, au sortir d'un diner chez la duchesse de Guermantes, qui lui a fait la surprise de l'inviter. De la mort de la grand-mère à l'annonce de celle de Swann, visites et surprises se succèdent dans ce volume où l'on découvre que le paillasson du vestibule des Guermantes n'était pas le seuil mais «le terme du monde enchanté des noms».
Au cours de divers déplacements en voiture, le narrateur réfléchit à la place que les heures perdues dans le monde devront tenir dans l'oeuvre à faire. Et c'est dans le salon des Guermantes qu'il élabore une théorie de la composition qui semble bien être celle de A la recherche du temps perdu.
Cette édition a été préparée d'après l'édition originale de 1921 et en collationnant tous les documents autographes - brouillons, manuscrits, additions sur les dactylographies et corrections sur épreuves - qui ont formé les couches successives du texte.
E. D.-J.
Texte intégral
«Au nombre des habitués de Mme Verdurin, et le plus fidèle de tous, comptait maintenant depuis plusieurs mois M. de Charlus. Régulièrement, trois fois par semaine, les voyageurs qui stationnaient dans les salles d'attente ou sur le quai de Donciéres-Ouest voyaient passer ce gros homme aux cheveux gris, aux moustaches noires, les lèvres rougies d'un fard qui se remarque moins à la fin de la saison que l'été où le grand jour le rendait plus cru et la chaleur à demi liquide. Tout en se dirigeant vers le petit chemin de fer, il ne pouvait s'empêcher (seulement par habitude de connaisseur, puisque maintenant il avait un sentiment qui le rendait chaste ou du moins, la plupart du temps, fidèle) de jeter sur les hommes de peine, les militaires, les jeunes gens en costume de tennis, un regard furtif, à la fois inquisitorial et timoré, après lequel il baissait aussitôt ses paupières sur ses yeux presques clos avec l'onction d'un ecclésiastique en train de dire son chapelet, avec la réserve d'une épouse vouée à son unique amour ou d'une jeune fille bien élevée.»
Le cinquième volume d'À la recherche du temps perdu, paru en 1923, est le premier des trois posthumes. Il repose sur un étrange huis clos, entre Albertine, prisonnière insaisissable, et le héros, qui s'enferme dans l'enfer de la jalousie, mais s'approche du moment où va éclore sa vocation.
Cette édition présente, classées chronologiquement et annotées, environ 130 lettres écrites par l'auteur de«A la recherche du temps perdu»entre quinze et cinquante et un ans.