La Bulgarie fut, avec le Danemark, le seul pays d'Europe allié à l'Allemagne nazie dont la population juive n'a pas été déportée ni anéantie.
Comment expliquer cette singularité ? L'ensemble des textes ici réunis et traduits pour la première fois - documents contemporains aux événements, souvenirs écrits après les faits - montre comment l'intervention de la société civile, de l'Eglise, des partis politiques ou encore l'action parlementaire menée par le député Dimitar Péchev ont contribué à ce dénouement extraordinaire. Tzvetan Todorov reconstitue l'histoire avec ses nuances, interroge la concurrence des mémoires et met en lumière la " fragilité du bien ".
Pour que le bien puisse advenir, en un lieu et en un moment donnés, de nombreuses conditions sont requises ; la moindre défaillance dans la chaîne peut faire échouer tous les efforts. Une fois introduit dans la vie publique, il semble que le mal se répande avec une grande facilité, tandis que le bien demeure difficile, rare, fragile. Et pourtant possible.
L'un des apports des théories et réflexions sur la traduction, à la fin du 20e siècle, a été de mettre en avant la nécessité d'une «archéologie de la traduction». Plusieurs ouvrages ont vu le jour, traitant de divers aspects de l'histoire de la traduction mais il n'existe pas encore d'étude en français sur l'histoire de la traduction en Bulgarie. L'ouvrage a donc pour objet d'instaurer un dialogue entre les cultures française et bulgare aux grands moments fondateurs où elles se forment, et de suivre à chaque fois les modes de traduire qui y ont lieu dans des circonstances parfois très différentes, parfois analogues selon les horizons culturels, religieux et politiques aussi bien des traducteurs, des éditeurs que du public ; les rapports entre le pouvoir et la culture (politiques linguistiques et culturelles des monarques ou gouvernements) ; les relations entretenues par la langue officielle avec d'autres langues jugées dominantes ou plus riches (latin pour la France, grec mais aussi russe et langues occidentales pour la Bulgarie) ; les normes culturelles et linguistiques ; le développement de la littérature d'accueil (en pleine formation ou renaissance, ou au contraire hégémonique). Des conditions différentes peuvent entraîner un mode de traduire analogue (annexant, ethnocentriste ou, au contraire, traduction décentrée, ouverte à l'autre, à son altérité) et inversement.
La Bulgarie est l'un pays d'Europe les plus méconnus alors qu'il est riche d'une histoire qui a donné naissance à une culture spécifique et toujours vivante.
Absorbée durant l'Antiquité par les grecs, conquise par Rome, elle prend son allure définitive avec la colonisation des Slaves aux VIe-VIIe siècles. Les Protobulgares, peuple asiatique mélangé aux Slaves, fondèrent un royaume qui domina sous le « tsar » Siméon (893-927) la majeure partie des Balkans, s'imposant à l'Empire byzantin. Mais les Ottomans conquirent l'ensemble des Balkans et la Bulgarie disparut dans leur Empire en 1396. Pour cinq siècles un ordre musulman s'imposa. Une « Renaissance » se manifesta au XVIIIe siècle, mais il fallut une guerre turco-russe pour que Constantinople accepte l'autonomie des Bulgares. Un nouvel État était né, une royauté, qui modernisa le pays tout en essayant de réunir l'ensemble des Bulgares. De là les Guerres balkaniques et leurs conséquences désastreuses. L'alliance avec l'Allemagne pendant la Grande Guerre aboutit à une seconde catastrophe.
Ruinés et mécontents, les Bulgares subirent à nouveau le mauvais choix de leurs dirigeants en 1941, qui conduisit le pays à être pendant cinquante ans une « république » docile de l'URSS jusqu'en 1991 : les Bulgares purent alors, pour la première fois, s'exprimer. Après une transition difficile la Bulgarie paraît avoir trouvé un nouvel équilibre.