Nous avons fui la Grèce, berceau de la pensée occidentale, cessé d'en parcourir la hêtraie et ses sentes lumineuses. Afin de nous donner une fausse raison de vivre, nous soudoyâmes de vils instructeurs qui nous éconduisirent sur le fatal chemin du non-être.
Des profondeurs de la hêtraie Jaillit la lumière En son ivresse Afin d'ébahir l'être.
Nous aimons la vérité surtout lorsqu'elle n'ébranle pas trop le monde confortable de nos certitudes. Nous l'aimons certes mais avec des yeux de pourfendeurs quand il nous faudrait plutôt l'aimer avec des yeux de conciliateurs voire de créateurs. Et c'est pourquoi nous sommes depuis la nuit des temps une entrave à son affleurement.
« Les vivants dorment de toute éternité À quelques encablures des morts Des bulles de cristal éclatent dans leur sang » Nous concluons en ce début de XXIe siècle de bien mauvais pactes, menons contre l'esprit contraint à l'exil une croisade des plus préjudiciables. Là où hier la repentance des anciens, leur noblesse d'âme, leur clairvoyance avaient élu droit de cité, nous n'avons plus à proposer au monde que le fanatisme, l'ennui, la frustration, la course irréfrénée au profit, à l'argent roi. En immolant nos voix intérieures nous avons donc capitulé mais il n'est pas trop tard, nous pouvons faire machine arrière afin d'en ressusciter l'écho salvateur. Encore faut-il en consentir le prix ! C'est bien ce que je tente très humblement de faire par le biais de ce court essai philosophique qui traite d'une communion métaphysique des défunts avec les vivants.
Le Néant, c'est cette forme de nudité absolue qui recouvre le monde et dont il faut apprendre à cultiver l'essence, sans rétention de lumière, c'est à dire à l'abri de toute source lumineuse susceptible d'en brûler l'épiderme. Il faut au néant des aubes prénatales pour lui permettre de s'épanouir, et des obscurités glaciales. Il fallait pour cela trouver un lieu calme propice à son éclosion, un lieu seul capable d'en restituer l'authentique vérité, un endroit qui me permette d'emmurer ma réflexion.J'ai choisi les troglodytes.
Je n'ai jamais cherché à fuir ma folie. Au contraire j'ai toujours vu en elle une alliée venue du froid. Elle ne m'a jamais trahi, m'épargnant ainsi l'infinie douleur de devoir me nourrir presque quotidiennement à l'auge des prétendus extralucides, ceux pour lesquels la normalité et l'évidence sont devenues un véritable sacerdoce.Oui je suis en révolte contre l'évidence car elle nous tue à petit feu et je situe par conséquent le point de renversement et la fin de toute souffrance humaine dans l'intensité du lien intérieur que chaque fou authentique parvient à établir entre ce qu'il vit et ce qu'il pense. Que de flammes et de démence ne nous faut-il pas projeter pour enfin désirer la vie plus que tout !
Comme l'hélianthe qui, pour survivre, cherche à humer, dans sa désespérance, la présence d'un dernier rayon de soleil, il faudra un jour que nous tentions nous aussi de résister au saccage que nous imposent les temps nouveaux, que la corolle de nos coeurs engourdis se tourne vers la lumière pour enfin échapper à la cruelle étreinte de la pénombre.