Comme la majorité des cours d'Adorno, la Terminologie philosophique est à lire comme une perspective sur l'oeuvre majeure en préparation depuis la fin des années 1950, à savoir la Dialectique négative. La perspective prise à partir du rapport constitutif de la philosophie à la langue est si inédite et étonnante qu'elle produit véritablement une nouvelle lecture de la Dialectique négative. Ce cours dispensé pendant deux semestres a été conçu par Adorno à la fois comme une introduction à la philosophie et comme une réflexion sur la manière dont les problèmes philosophiques sont indissociables de l'usage et de l'histoire de la langue.
En 1967, Theodor Adorno tient une conférence à l'université de Vienne, à l'invitation de l'Union des étudiants socialistes d'Autriche, sur la remontée de l'extrême-droite en Allemagne, et notamment l'ascension inquiétante d'un parti, le NPD, qui a toutes les apparences du néonazisme et manquera de peu son entrée au Bundestag allemand deux ans plus tard.
Transcrit d'après un enregistrement, cet essai inédit a les avantages d'un texte pour partie improvisé : un style direct et très accessible. Adorno y recense les « trucs » auxquels recourt le discours d'extrême-droite, et qui ressemblent à ceux qui reviennent actuellement en vogue sur les réseaux sociaux : la volonté de mêler tous les problèmes dans une accumulation de faits invérifiables ; la « méthode du salami », ou le fait de découper, dans un complexe de réalités, une réalité particulière sur laquelle on concentre le débat ; l'utilisation d'arguments absurdes, etc.
En somme, Adorno décrivait en 1967, à peu de choses près, une réalité proche de celle de nombreux pays européens aujourd'hui.
Sa conclusion est un appel à l'intelligence et au combat : refusant de pronostiquer l'avenir de ces mouvements, Adorno rappelle que « la manière dont ces choses évolueront, et la responsabilité de cette évolution, tiennent en dernière instance à nous-mêmes».
Dans ce texte, Adorno et Horkheimer démontrent que toute manifestation culturelle et tout moyen de diffusion - film, radio, magazine - forment un système et que, face à ce système, nulle voix ne peut se faire entendre. Obéissant aujourd'hui à une logique extensive, l'industrie culturelle devient, dans le capitalisme avancé, une industrie du divertissement. L'amusement n'est en outre que « le prolongement du travail ». Aussi, celui qui en jouit, s'il échappe alors au travail automatisé, ne crée que les conditions pour être en mesure de s'y confronter à nouveau.
Texte extrait de La Dialectique de la raison, paru chez Gallimard, sous le titre « La production industrielle des biens culturels ».
Les idéaux du progrès ont été l'élément essentiel de la philosophie bourgeoise des Lumières, déployée sous la bannière de la Raison. Au XXe siècle, le progrès scientifique et technique était de ce point de vue suffisamment avancé pour qu'un monde sans famine, sans guerre et sans oppression cessât d'appartenir au domaine de l'utopie.
Or les grandes innovations de l'ère moderne ont été payées «d'un déclin croissant de la conscience théorique». La domination de la société sur la nature, portée à un degré jamais atteint, s'est accompagnée d'une évolution qui n'attache de prix qu'à ce qui est immédiatement utilisable, techniquement exploitable. Les principes de vérité, de liberté, de justice, d'humanité ont perdu leur réalité pour devenir de simples mots. Du même coup, l'ambition de réaliser ces principes dans le monde social s'est vidée de sa substance : celui qui ne sait pas ce qu'est la liberté n'est plus en mesure de lutter pour elle sur le plan politique.
Dans ce texte matriciel de ce que l'on appelle «l'École de Francfort», Horkheimer (1895-1973) et Adorno (1903-1969) analysent comment cette autodestruction de la Raison ne peut que se poursuivre à l'avenir et engendrer de nouvelles formes de totalitarisme - à moins que l'ambiguïté qui réside au coeur de la notion de progrès ne soit enfin clairement reconnue et sans cesse surmontée.