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Theodor W. Adorno
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La dialectique de la raison : fragments philosophiques
Max Horkheimer
- GALLIMARD
- Tel
- 3 Novembre 1983
- 9782070700059
Les idéaux du progrès ont été l'élément essentiel de la philosophie bourgeoise des Lumières, déployée sous la bannière de la Raison. Au XX? siècle, le progrès scientifique et technique était de ce point de vue suffisamment avancé pour qu'un monde sans famine, sans guerre et sans oppression cessât d'appartenir au domaine de l'utopie. Or les grandes innovations de l'ère moderne ont été payées «d'un déclin croissant de la conscience théorique». La domination de la société sur la nature, portée à un degré jamais atteint, s'est accompagnée d'une évolution qui n'attache de prix qu'à ce qui est immédiatement utilisable, techniquement exploitable. Les principes de vérité, de liberté, de justice, d'humanité ont perdu leur réalité pour devenir de simples mots. Du même coup, l'ambition de réaliser ces principes dans le monde social s'est vidée de sa substance : celui qui ne sait pas ce qu'est la liberté n'est plus en mesure de lutter pour elle sur le plan politique. Dans ce texte matriciel de ce que l'on appelle «l'École de Francfort», Horkheimer (1895-1973) et Adorno (1903-1969) analysent comment cette autodestruction de la Raison ne peut que se poursuivre à l'avenir et engendrer de nouvelles formes de totalitarisme - à moins que l'ambiguïté qui réside au coeur de la notion de progrès ne soit enfin clairement reconnue et sans cesse surmontée.
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Dans ce texte, Adorno et Horkheimer démontrent que toute manifestation culturelle et tout moyen de diffusion - film, radio, magazine - forment un système et que, face à ce système, nulle voix ne peut se faire entendre. Obéissant aujourd'hui à une logique extensive, l'industrie culturelle devient, dans le capitalisme avancé, une industrie du divertissement. L'amusement n'est en outre que « le prolongement du travail ». Aussi, celui qui en jouit, s'il échappe alors au travail automatisé, ne crée que les conditions pour être en mesure de s'y confronter à nouveau.
Texte extrait de La Dialectique de la raison, paru chez Gallimard, sous le titre « La production industrielle des biens culturels ». -
La « Critique de la raison pure » de Kant
Theodor W. Adorno
- Klincksieck
- Critique De La Politique
- 1 Mars 2024
- 9782252047422
Le 7 juillet 1959, dans le quatorzième de ses cours sur la Critique de la raison pure, Adorno avoue subitement : « il ne s'agit ici de rien moins que la fondation de la position philosophique que je défends moi-même et que je crois pouvoir rattacher à cette réflexion sur Kant. »
Plus que d'un cours, il est question d'une histoire restée jusque-là muette, celle du détour adornien par Kant dans l'élaboration de la dialectique négative et celle du retour de Kant dans une trajectoire philosophique qui s'était éloignée du criticisme après s'être pourtant initiée dans la Critique de la raison pure. C'est à l'âge de quinze ans qu'Adorno encore lycéen est formé par Siegfried Kracauer de manière inoubliable à la lecture de ce livre difficile. Les rencontres avec Walter Benjamin en 1923 puis avec Alfred Sohn-Rethel en 1936 seront autant d'occasions de relecture de la première Critique dont ce cours de 1959 livre les strates de mémoire en même temps qu'il les réarticule dans une perspective propre, comme on fait soudain rayonner une nouvelle question philosophique depuis son passé oublié.
Kant est le philosophe qui permet à Adorno de retrouver un moment de non-identité dans la connaissance et de ressaisir ce qui a été perdu de la chose dans son traitement conceptuel. Les choses en soi, c'est-à-dire l'inconnaissabilité de l'en soi des choses, que Kant ne voulait pas abandonner - en dépit de toutes les critiques qu'elles lui valurent - parce qu'elles réservaient l'avenir de la métaphysique, sont interprétées par Adorno comme les dépositaires de l'irréductible inadéquation entre la connaissance et la chose. Et cette irréductibilité kantienne fait voler en éclats le mensonge premier de l'idéalisme, qui consiste à réduire tout objet à sa constitution par le sujet.
Détour par Kant, retour de Kant - Kant nomme la différence d'Adorno dans la filiation hégélienne et marxienne de sa pensée, et cette différence apparaît ici comme une des entrées décisives dans le laboratoire de la Dialectique négative (1966), puisque s'y élaborent à la fois la thèse du « primat de l'objet » -
En 1967, Theodor Adorno tient une conférence à l'université de Vienne, à l'invitation de l'Union des étudiants socialistes d'Autriche, sur la remontée de l'extrême-droite en Allemagne, et notamment l'ascension inquiétante d'un parti, le NPD, qui a toutes les apparences du néonazisme et manquera de peu son entrée au Bundestag allemand deux ans plus tard.Transcrit d'après un enregistrement, cet essai inédit a les avantages d'un texte pour partie improvisé : un style direct et très accessible. Adorno y recense les «trucs» auxquels recourt le discours d'extrême-droite, et qui ressemblent à ceux qui reviennent actuellement en vogue sur les réseaux sociaux : la volonté de mêler tous les problèmes dans une accumulation de faits invérifiables ; la «méthode du salami», ou le fait de découper, dans un complexe de réalités, une réalité particulière sur laquelle on concentre le débat ; l'utilisation d'arguments absurdes, etc.En somme, Adorno décrivait en 1967, à peu de choses près, une réalité proche de celle de nombreux pays européens aujourd'hui.Sa conclusion est un appel à l'intelligence et au combat : refusant de pronostiquer l'avenir de ces mouvements, Adorno rappelle que «la manière dont ces choses évolueront, et la responsabilité de cette évolution, tiennent en dernière instance à nous-mêmes».
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Le cours Problèmes de la philosophie morale a été dispensé par Adorno pendant le semestre d'été 1963. Il peut se lire comme le palimpseste d'une des grandes dernières séquences de la Dialectique négative, « Liberté pour une métacritique de la raison pratique ». Il ne s'agit nullement pour Adorno, selon ses mots, de « livrer des indications directes pour mener une vie juste » en prenant « la posture d'un gourou », mais plutôt, comme les Trümmerfrauen (les « femmes des ruines ») de l'après-guerre, de considérer ce que l'on peut « sauver » des décombres de la philosophie morale sans abandonner celle-ci à sa dilution dans la culture. La Dialectique négative énoncera trois ans plus tard :
« Dans leur état de non-liberté, Hitler a imposé aux hommes un nouvel impératif catégorique : penser et agir en sorte que Auschwitz ne se répète pas, que rien de semblable n'arrive.
Cet impératif est aussi réfractaire à sa fondation qu'autrefois la donnée de l'impératif kantien. » (DN, Payot, 1978, p. 286) -
Terminologie philosophique
Theodor W. Adorno
- Klincksieck
- Critique De La Politique
- 18 Février 2022
- 9782252045626
Comme la majorité des cours d'Adorno, la Terminologie philosophique est à lire comme une perspective sur l'oeuvre majeure en préparation depuis la fin des années 1950, à savoir la Dialectique négative. La perspective prise à partir du rapport constitutif de la philosophie à la langue est si inédite et étonnante qu'elle produit véritablement une nouvelle lecture de la Dialectique négative. Ce cours dispensé pendant deux semestres a été conçu par Adorno à la fois comme une introduction à la philosophie et comme une réflexion sur la manière dont les problèmes philosophiques sont indissociables de l'usage et de l'histoire de la langue.
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Mots de l'étranger et autres essais : Notes sur la littérature II
Theodor W. Adorno
- Maison Des Sciences De L'Homme
- 1 Février 2004
- 9782735110193
Les Notes sur la littérature ont paru en quatre tomes (le dernier à titre posthume) aux éditions Suhrkamp de 1958 à 1974. Un premier choix de textes avait été mis à la disposition du public français en 1984 par les éditions Flammarion. Le présent volume regroupe l'ensemble des essais et articles qui étaient absents de cette édition, notamment d'importantes études consacrées à Heine, Kraus, Goethe, Dickens, Proust et Walter Benjamin. De ces études comme des réflexions sur le statut de la ponctuation ou encore sur l'usage des mots étrangers se dégagent les enjeux essentiels de la pensée d'Adorno. Perturbation du sens par la forme, la tension propre au texte littéraire ne sert pas à illustrer quelque thèse philosophique sur le langage ; elle fournit plutôt le modèle de la " dialectique négative " qu'Adorno entendait mettre en oeuvre dans le langage - et jusque dans son usage conceptuel.
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Jargon de l'authenticité est le grand texte absent du débat Heidegger. Comment lire ce Contre Heidegger ? D'entrée de jeu, Adorno affirme que le Jargon est une partie de Dialectique négative. Arme de la résistance, nerf de la dialectique, la négation déterminée permet le passage de la critique du besoin ontologique à la critique immanente de l'ontologie. Ouverture des possibles, la négation déterminée soumet la théorie critique à une tension entre l'exil et l'utopie. La mise en oeuvre de la négation déterminée donne au Jargon son statut.
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Cet ouvrage est la traduction du tome Il des « Oeuvres complètes » d'Adorno ; c'est dire qu'il contient, outre « Kierkegaard, Construction de l'esthétique » (1933), deux essais « La Doctrine kierkegaardienne de l'amour » (1940) et « Encore une fois Kierkegaard » (1963). Adorno transpose à la lecture de Kierkegaard les concepts forgés par Walter Benjamin pour l'interprétation du drame baroque et, tout particulièrement, celui d'allégorie et sa détermination comme expression, nous donnant ainsi à lire un Kierkegaard penseur baroque. L'interprétation philosophique d'Adorno est exemplaire du travail de la théorie critique loin de s'appesantir sur les «erreurs» d'un penseur à partir des déterminations sociales qu'il subit, elle s'interroge bien plutôt sur ce qui, au-delà de ces déterminations,c
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Métaphysique. Concept et problèmes est le premier cours d'Adorno à être publié en France. Au début des années 1960, Adorno, professeur dissonant mais très écouté, a fait du travail préparatoire à Dialectique négative (1966) le contenu de son enseignement à l'Université de Francfort. L'unité de cet enseignement tient au fait que la métaphysique, dont Adorno se demande si elle est encore possible après Auschwitz, est celle issue d'Aristote. Dans un contexte déterminé à la fois par les camps d'extermination, la bombe atomique et la question de la fin de la philosophie, Adorno voit dans une nouvelle approche métaphysique, dans la tentative pour penser ce qu'est devenu notre monde, une chance de sauver celui-ci.