Les deux textes ici présentés ont été écrits pour le théâtre, et tous deux adaptés en dramatiques radiophoniques par France Culture.
Monseigneur de Très-Haut, "fantaisie historique plus que librement inspirée du "Grand Siège" de Dole (1636)" met en scène un prélat entré volontairement dans la ville assiégée afin d'y affronter sa propre mort d'une manière toute stoïcienne. On verra qu'il avait aussi un autre rendez-vous... Quant à La Terre des Folles, consacré aux "mères de la place de Mai", en Argentine, ce fut l'un des deux premiers titres publiés par HB éditions en 1995 (aujourd'hui épuisé).
33 tours, 17 nouvelles qui tirent leurs titres d'autant de chansons.
Nul besoin pour autant d'être fan de Brassens, Brel, Barbara, Piaf, Trenet, Brecht, Aragon, Gainsbourg et quelques autres pour apprécier ces histoires souvent tendres, parfois cruelles, toujours belles. L'auteur excelle à évoquer l'enfance, l'adolescence et les premiers émois amoureux. Mais il sait aussi animer des personnages plus âgés, et composer des manières de biographies miniatures... On trouvera dans ce recueil plusieurs éléments récurrents et qui lui donnent pour partie sa cohérence : paysages ruraux des bords de la Loire, période de la deuxième guerre mondiale (ou juste avant, ou juste après, selon les récits), et encore " engagements " (guerre d'Algérie, Mai 68)...
Bref, toute l'épaisseur d'un monde, ce monde que nous reconnaissons car il fut, il est aussi le nôtre.
Comme dans un texte de Yasushi Inoué, Chemins, Janine Chirpas évoque les " chemins d'erres ", ces tracés mystérieux où tentent de se retrouver les petits d'hommes et d'animaux, dans un accord avec la nature plus ancien que les apprentissages.
Les nouvelles de ce recueil sont de superbes méditations sur les vies mêlées qui composent le quotidien : peurs anciennes, parentés profondes, courants souterrains que les mots nouent et dénouent.
Un hôtel accueille pour une nuit, pour quelques jours, pour quelques heures, des bouts d'existence.
En somme, il réunit des vies en pièces détachées.
Les destins qu'on croise dans les couloirs ne sont donc pas toujours d'une solidité à toute épreuve.
Dieu merci, il existe aussi des félicités dans les chambres et des ravissements dans les rêves. Et dans les lits.
Dans tous les cas, il s'agit toujours de l'appétit qu'on met à vivre. Ou à aimer. C'est la même chose.
Des destinées diverses et des sorts opposés se croisent ainsi, s'évitent, s'ignorent, se rencontrent, se frôlent ou se fuient dans un même hôtel, au cours d'une seule nuit.
Ce sont autant d'histoires : autant de nouvelles qui rédigent enfin de compte le roman de cet hôtel.
Les dix nouvelles qui composent ce recueil, encadrées par le témoignage du " gardien " - un vieil ange perclus de rhumatismes qu'on a nommé là, " aux Archives, Département des Regrets et Souvenirs " -, ont valu à leur auteur le prix Jean Follain de la Ville de Saint-Lô.
Le gardien exhume pour nous de ses rayonnages poussiéreux des histoires d'enfance et d'adolescence : " Enfances aux confins de vérités absurdes ! (...) fragments de mémoire, ainsi que je les ai trouvés, à l'état brut, non classés, non retouchés par quelque académique plume. " Si la manière de Françoise Provini-Sigoillot n'a rien d'académique, ses textes, finement ciselés, affirment un style que l'on avait déjà repéré dans L'arche de Zoé, son premier recueil publié en 1998 chez HB Éditions.
Sans aucun doute, c'est un véritable écrivain qu'on découvre ici, qui traite aussi bien des situations les plus banales -fugues d'adolescents, histoires de parents divorcés, etc. - que des récits aux colorations fantastiques - ainsi des deux contes d'anticipation qui closent le recueil. Une superbe illustration de l'art de la nouvelle.
" Moi, je disserte sur les petits riens de la vie quotidienne, je les dissèque en les considérant d'un point de vue inhabituel, en me plaçant sous un angle différent.
" Cet extrait d'une des nouvelles du recueil décrit bien la manière de Claire Moracchini. Elle fouille au scalpel dans l'intimité amoureuse de ses contemporains, faisant parler tantôt des femmes tantôt des hommes, avec une rare maîtrise du détail psychologique et un regard toujours plein de tendresse pour le genre humain.
Nouvelles acidulées qui concernent toutes, de près ou de loin, le boire et le manger, la faim et la soif.
L'auteur y met en ouvre une grande variété de styles - du poème en prose à la sécheresse d'une quasi-biographie ; soit que l'on préfère telle ou telle manière, soit qu'en connaisseur on apprécie à sa juste valeur le jeu des contrastes, des reflets et des échos qui courent d'un texte à l'autre, on prendra plaisir à déguster ces histoires dont la saveur tient en tête - comme on dirait d'un vin qu'il tient en bouche ou d'un plat de résistance qu'il tient au ventre.
À consommer sans modération...
Monique jouvancy convoque ici la mémoire de son père et celle de ses années d'enfance au sein d'une famille de cheminots.
Son style caractérisé par un lyrisme discret, tout en sobriété, excelle à évoquer ces années d'avant l'eau courante et le téléphone automatique. tout un monde disparu resurgit sous nos yeux, raconté par une fillette qui s'applique à concrétiser les aspirations de son père à la réussite sociale. un beau chant d'amour filial, doublé d'une forte évocation de ce pays d'où nous venons.
Certaines des histoires de ce recueil rappellent l'univers déjà rencontré dans Cité des Fleurs, premier opus de Nadia Berquet paru chez HB et qui avait obtenu le Prix de la Ville et de la Citoyenneté 1998.
Il s'agit de la "cité" où ont grandi des jeunes partagés entre deux cultures, l'algérienne et la française... Mais cette dernière, à l'heure de la mondialisation, est aussi américaine : on la retrouve ici dans deux nouvelles dont l'intrigue se déroule aux Etats-Unis. On verra que les histoires qui se jouent "là-bas" rejoignent celles d'"ici" par leur charge d'amour, de peur, de haine et d'amitié, qui nous parle bien de la même humanité.
Le hasard peut tromper son monde...Une valise échangée dans un aéroport, et voilà découverte une part d'ombre qui devrait demeurer cachée...Une phrase échappe : " ce serait romantique de mourir ici, à Ferrare ", mais il ne faut pas jouer avec le destin.
Le souvenir peut tromper son monde...
à un point tel que vivant et mort se confondent, que les fantômes chers envahissent la vie, que l'on ne voit plus dans un couple étrange, où sont mère et fils, souvenir de mère ou mère réelle.
Le mal-amour peut condamner son monde, comme dans l'existence dérisoire que révèle, en message posthume, un père à sa fille ; comme dans l'histoire d'une enfant derrière sa fenêtre clouée.
Gisèle Fournier excelle ainsi à énoncer les enchaînements secrets, scellés dans des destins tragiques.