Don Alvare, jeune capitaine aux gardes du roi de Naples, se voit offrir l'opportunité d'invoquer le diable et de le soumettre à ses ordres. Naïf, intrépide, sûr de lui, Don Alvare accepte, et tout semble se dérouler à merveille. Mais qui est réellement l'éblouissante jeune femme qui reste à ses côtés, une fois le diable disparu ? Folle d'amour pour lui, belle, brillante, elle lui est si dévouée qu'elle parvient peu à peu à apaiser sa méfiance. Le bonheur serait-il à portée de main ? Paru en 1772, Le Diable amoureux est le chef-d'oeuvre de Jacques Cazotte (1719-1792), aristocrate à la jeunesse aventureuse, mort guillotiné durant la Terreur. Admiré de Nerval, de Borges ou de Lacan, Le Diable amoureux est considéré comme le premier roman fantastique français.
« Tant que la lecture est pour nous l'initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l'esprit, la lecture tend à se substituer à elle, quand la vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès intime de notre pensée et par l'effort de notre coeur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres et que nous n'avons qu'à prendre la peine d'atteindre sur les rayons des bibliothèques et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d'esprit. »
À côté d'un livre comme Les Fleurs du mal, comme l'oeuvre immense d'Hugo paraît molle, vague, sans accent ! Hugo n'a cessé de parler de la mort, mais avec le détachement d'un gros mangeur, et d'un grand jouisseur. Peut-être, hélas ! faut-il contenir la mort prochaine en soi, être menacé d'aphasie comme Baudelaire, pour avoir cette lucidité dans la souffrance véritable, ces accents religieux dans les pièces sataniques :
Il faut que le gibier paye le vieux chasseur..
Avez-vous donc pu croire, hypocrites surpris, Qu'on se moque du maître et qu'avec lui l'on triche, Et qu'il soit naturel de recevoir deux prix, D'aller au Ciel et d'être riche ?
Je suis parvenu à prendre la résolution d'être vaurien avec les vauriens, et de l'être même plus que tous les autres, s'il m'était possible. Je ne sais si j'ai réussi, mais je puis protester que je n'ai rien épargné pour cela de tout ce qui a dépendu de moi.
Francisco de Quevedo, contemporain de Cervantès, donne avec El Buscon un des chefs-d'oeuvre du roman picaresque.
Avec la même désinvolture, Don Pablos devient valet, étudiant, voleur, mendiant, soudard, chasseur d'héritage ou homme de théâtre. D'escroqueries hasardeuses en combats suicidaires, il n'emprunte jamais le droit chemin, dont le préserve une ironie corrosive.
Il n'est pas possible à quiconque est un jour monté sur ce grand trottoir roulant que sont les pages de Flaubert, au défilement continu, monotone, morne, indéfini, de méconnaître qu'elles sont sans précédent dans la littérature.
L'un des plus frappants essais critiques de Proust, Sur le style de Flaubert est une analyse brillante de la modernité radicale de l'écriture flaubertienne. Publié en 1920, peu avant la mort de Proust, ce court texte est également l'occasion de saluer Stendhal, Hugo, Nerval, d'écorner Sainte-Beuve ... Et finalement d'exposer sa conception du travail de création littéraire.
Iakov Ivanonov gagne sa vie tant bien que mal en fabriquant des cercueils dans une petite bourgade où l on ne meurt pas assez à son goût. Âgé de soixante-dix ans, il vit obsédé par les petits aléas de son commerce, sans considération pour ce qui l entoure. Il faut que sa discrète épouse passe de vie à trépas et que lui-même tombe malade pour qu il réapprenne à observer le monde. Le Violon de Rothschild est la chronique d une rédemption in articulo mortis, une fable dans laquelle les regrets ne sont pas qu amertume et font parfois naître un élan salvateur.
En 1735, dix ans après le décès de l'abbé de Choisy, un texte étrange paraissait chez un éditeur anversois. Il s'agissait de la première partie des Mémoires de l'abbé de Choisy habillé en femme. Mort à plus de quatre-vingts ans, peu de temps après avoir achevé une très chrétienne Histoire de l'Église, l'abbé de Choisy y racontait plusieurs épisodes d'une jeunesse tumultueuse.
Travesti très jeune par une mère excentrique et arriviste, il garda toute sa vie un goût irrépressible pour le déguisement, allant jusqu'à vivre sous des noms de femme, menant quelques mois une vie d'actrice - et séduisant nombre de jeunes filles sous son apparence féminine. Libertin, joueur invétéré, courtisan, diplomate, académicien : cerner tous les aspects de la personnalité de l'abbé de Choisy paraît une entreprise impossible. Lui-même, avec un fatalisme souriant, y avait renoncé.
Reynaldo Hahn est un jeune compositeur d'avenir quand il rencontre Marcel Proust, alors âgé de vingt-trois ans, et devient son premier amant. Leur relation conservera un caractère amoureux durant deux ans et sera le point de départ d'une intimité qui se prolongera jusqu'à la mort de l'écrivain. Ils échangeront pendant près de trente ans une abondante correspondance, dont deux cents lettres environ nous sont parvenues.
Elles sont un document exceptionnel par la liberté de ton qui prévaut entre les deux hommes, par un style à l'inventivité surprenante, enfin par le rôle de confident et de conseiller que tient souvent Hahn auprès de son ami. Elles ouvrent à leur lecteur le laboratoire de Jean Santeuil puis de la Recherche du temps perdu, mais sont également l'occasion de suivre l'évolution des goûts littéraires et musicaux de Proust, de ses inimitiés, de ses affections et de découvrir ou retrouver en lui un observateur amusé de la haute société de son époque, volontiers moqueur et ne dédaignant pas l'autodérision.