- Vous êtes le degré zéro de l'évolution ! trancha Filipp Filippovitch. Une créature en formation, à l'intellect sous-développé, aux comportements bestiaux ! Et, avec une odieuse impertinence, vous prétendez donner à des universitaires des leçons d'ordre cosmique, d'une bêtise encore plus cosmique, sur le partage ! Alors que vous en êtes encore à manger du dentifrice !
- Et ce pas plus tard qu'avant-hier, précisa Bormenthal.
Coeur de chien est l'un des six romans laissés par Mikhaïl Boulgakov (1891-1940). Farce anticommuniste virulente teintée de fantastique, le texte valut à son auteur de sérieux ennuis avec la censure, et ne parut en U.R.S.S. que plusieurs décennies après sa mort.
Charity Royall est une ravissante jeune femme au caractère décidé. Fille adoptive d'un notable de son village, elle vit seule avec son tuteur et coule une existence bien trop tranquille. Par un bel été, elle fait la rencontre d'un jeune architecte new-yorkais, venu passer quelques semaines chez une parente. Débutée sur un malentendu, leur relation évolue inévitablement d'une joyeuse camaraderie vers une attirance plus profonde.
Un mariage semble impossible ; les mauvaises langues du village sont aux aguets, et lentement l'été avance...
Quand César Cachelin, ancien sous-officier devenu commis au ministère de la Marine, cherche un bon parti pour marier sa fille unique, c'est tout naturellement qu'il choisit parmi ses collègues le jeune homme le plus travailleur et le plus ambitieux. Il est alors loin de se douter que ce choix va avoir des conséquences capitales quant à la perception d'un important héritage, attendu depuis de longues années... Paru en 1884, L'Héritage, impitoyable et grinçante satire des moeurs petites-bourgeoises, nous livre un questionnement moins innocent qu'il n'y paraît des notions de filiation et de virilité.
Les cinq nouvelles qui composent ce recueil retracent toutes l'histoire d'un conflit, avant que Tchékhov ne nous en rappelle in fine la seule issue. Qu'il s'agisse du destin d'un infirmier fasciné par ses voleurs, de la genèse de la haine qui oppose un médecin et son visiteur, du procès d'un homme soupçonné d'assassinat, d'une violente dispute entre père et fils ou de deux malades souffrant ensemble sur un bateau militaire, Tchékhov décrit avec une précision clinique les mécanismes qui voient naître les inimitiés, rendent insolubles les dilemmes et jettent les hommes les uns contre les autres, fermement convaincus de leur bon droit.
Quand George Darrow, jeune diplomate trentenaire, retrouve par hasard Anna Leath, amour de jeunesse qu'il n'avait pu épouser, elle est devenue veuve et mène une vie retirée. L'attirance qui les avait rapprochés renaît immédiatement.
Mais Anna Leath, américaine cultivée et du meilleur monde, ne parvient pas à se départir d'une réserve dont on ne sait si elle est pudeur, froideur ou indécision. Darrow, qu'un concours de circonstances amène à se croire éconduit, croise le chemin d'une jeune femme jadis rencontrée à Londres et dont l'existence n'a rien de simple, mais dont le sourire, l'énergie et le courage le distraient agréablement de son chagrin présent.
Une brève idylle se noue ; elle aura des conséquences incalculables...
En 1752, l'Écosse se relève à peine d'une guerre meurtrière. Le pouvoir anglais fait peser lourdement sa main sur les clans highlanders qui l'ont défié. Depuis leur exil, les chefs de clan survivants tentent de ranimer une rébellion vouée à l'échec.
C'est le décor que Stevenson choisit pour Enlevé !. Il y retrace les pérégrinations d'un jeune héritier spolié par un oncle qui veut le faire disparaître et d'un rebelle pourchassé par les anglais - improbable duo que seul le statut de fugitif va rapprocher.
Reconstitution historique d'une grande fidélité, Enlevé ! parut en 1886, la même année que L'Étrange Cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde, et reste l'un des plus célèbres romans d'aventures de Stevenson.
Le baron Theodor a beau n'être qu'un jeune dandy sans beaucoup plus de cervelle que de caractère, il possède incontestablement un goût prononcé pour le romanesque. Rien d'étonnant donc à ce qu'il tombe amoureux fou d'une mystérieuse princesse grecque, promise à un brillant destin dans lequel interviennent de la façon la plus désordonnée nombre de puissances occultes et cabalistiques. Vont se dresser sur sa route un vieux mage bossu aux expédients malicieux, une sibylle grecque réincarnée en perroquet acariâtre, l'ombre d'un valeureux capitaine et enfin l'auteur lui-même : Theodor est-il de taille à affronter tous ceux qui vont s'ingénier à contrarier ses amours ?
Quelques mois après la défaite de juin 1940, Joseph Bridet, journaliste, est à Lyon, où il se demande de quelle façon rejoindre de Gaulle à Londres. Toutes ses tentatives se sont avérées vaines, et son épouse, qui ne cache pas ses sympathies pour l'occupant, souhaite désormais regagner Paris.
Non sans naïveté, Bridet finit par se rendre à Vichy, où Paul Basson, l'un de ses anciens amis, travaille à la Direction générale de la Police nationale. Résolu à se faire passer pour un fervent pétainiste, il espère obtenir un visa pour l'Afrique du Nord, d'où il pourra rejoindre Londres facilement. Mais quel jeu joue son épouse, et qui est réellement Basson ?
Écrit en 1943, publié en 1945, Le Piège est l'un des derniers romans d'Emmanuel Bove (1898-1945).
À l'âge de dix-neuf ans, Twain rencontre en rêve l'un des grands amours de sa vie. Pendant plus de quatre décennies, il retrouvera régulièrement, dans son sommeil, cette mystérieuse jeune femme que les changements de prénom et de physionomie n'empêchent aucunement de rester la même.
Les liens qui se nouent entre eux, dans toute leur évidence et leur simplicité, sont-ils moins réels que ceux que l'on construit à l'état de veille ?
Aux commandes d'un petit vapeur, le capitaine Davidson parcourt les recoins les plus obscurs de l'archipel malais, qu'il connait mieux que personne. Réputé pour son intégrité et sa gentillesse, il se voit un jour confier une tournée des plus petits établissements de l'île de Célèbes, pour y collecter de vieux dollars d'argent qui doivent bientôt cesser d'avoir cours.
Une mission parfaitement ordinaire, que l'intervention d'un Français sans mains, flanqué de trois acolytes peu recommandables, va transformer en aventure dangereuse...
Figure incontournable du Paris littéraire de l'entre-deux-guerres, compagne de Sylvia Beach et proche amie de James Joyce, Adrienne Monnier fut également l'auteur de plusieurs brèves nouvelles, dont Vierges folles est sans doute la plus marquante. Chronique de l'existence farouchement indépendante d'une petite bande de jeunes femmes, Vierges folles nous donne à voir la pauvreté, les amours malheureuses, les espoirs déçus - toujours vaincus par une irrépressible envie de vivre.
Dans l'Ukraine des années 1870, un fonctionnaire corrompu tente d'extorquer une fortune imaginaire à une troupe de maçons raskolniks, orthodoxes traditionalistes mal vus des autorités. N'arrivant à rien, l'édile leur confisque ce qu'ils ont de plus précieux : la centaine de magnifiques icônes anciennes devant lesquelles ils prient tous les soirs - la plus belle de toutes étant un Ange gardien, qu'ils chérissent plus que la vie. Prêts à tous les héroïsmes pour rentrer en possession de leur Ange, ils ne craignent ni le bagne, ni le fouet, et vont recourir aux ruses les plus invraisemblables... L'Ange scellé est l'une des nouvelles les plus célèbres de Leskov (1831-1895), auteur prolifique et inclassable, admiré de Tchékhov et de Tolstoï.
Les soeurs Céline et Désirée Vatard, jeunes ouvrières, travaillent dans le même atelier. Céline, l'aînée, mène joyeuse vie et passe d'un amant à l'autre. Désirée, plus circonspecte, attend de rencontrer un prétendant sérieux pour se marier dans les règles.
Elle croit avoir trouvé l'élu en la personne d'Auguste, nouveau venu à l'atelier, tandis que Céline, lasse des voyous qui l'amusent mais lui font la vie dure, s'amourache d'un artiste issu d'un milieu plutôt bourgeois. Les amours des deux soeurs vont se retrouver rapidement contrariées...
Deuxième roman publié par Huysmans, Les Soeurs Vatard paraît en 1879.
On retrouve dans ce texte parfaitement maîtrisé l'incomparable expressivité de Huysmans, qui peint le petit peuple de Paris avec une âpreté et une acuité d'observation uniques.
Gide publie Paludes en 1895, alors qu'il est un jeune auteur de vingt-cinq ans. Il y place les écrivains qu'il fréquente à cette époque (Henri de Régnier, Pierre Louÿs), les Mardis de Mallarmé, auxquels il est assidu, et la femme dont il est amoureux depuis l'adolescence, sa cousine Madeleine Rondeaux, qu'il épousera quelques mois plus tard. L'écriture de ce bref ouvrage est aussi contemporaine de ses premières expériences homosexuelles ; les questionnements sur le conformisme et sur l'inévitable stérilité de sa relation à sa future épouse, le rêve inavouable d'une vie « différente » - c'est précisément en 1895 qu'Oscar Wilde, ami de Gide, est emprisonné pour « outrage aux moeurs » - donnent à la vivacité et à l'ironie de Paludes une profondeur et une gravité qu'on n'y soupçonnerait pas dès l'abord.
« Louis Hémon a écrit plusieurs livres remarquables [...], mais je crois bien que Monsieur Ripois et la Némésis fut le chef-d'oeuvre de ce Français mélancolique et vadrouilleur qui se suicida bizarrement en marchant entre les rails à la rencontre d'un train en pleine campagne, au Canada. » (François Truffaut) Roman à consonance autobiographique, Monsieur Ripois et la Némésis est le portrait d'un jeune français égaré à Londres, séducteur sans scrupules dont la vie se chargera de briser le cynisme. Écrit en 1911, publié en 1950 seulement, il est le roman le plus noir et le plus personnel de son auteur.
Louis Hémon (1880-1913), écrivain inconnu de son vivant, accéda à la célébrité post-mortem avec la publication de Maria Chapdelaine.
Qu'il s'agisse des démêlés d'un trafiquant d'opium avec la prostituée dont il est amoureux, de la misère d'un orphelin à Téhéran ou des mesquineries sordides d'une mère maquerelle, le regard que pose Sadegh Tchoubak sur l'Iran de son époque conserve la même acuité et la même finesse.
Les trois nouvelles qui composent le présent recueil, écrites dans les années 1940, sont le portrait des bas-fonds d'un pays disparu. Religion et bigoterie sont partout, des salles de classe aux quartiers de prostitution, mais elles s'accommodent de moeurs très libres et, sans surprise, d'une violence impitoyable envers les faibles, les démunis - tous ceux pour qui la survie est une lutte chaque jour recommencée.
Romancier, nouvelliste et traducteur, Sadegh Tchoubak (1916-1998) fut une des figures marquantes de la vie littéraire iranienne du XXe siècle.
Inédit en français, le Portrait de Monsieur Podjabrine fait le récit des tribulations d'un séducteur infatigable. Epicurien de pacotille, Monsieur Podjabrine est d'une vanité et d'une superficialité qui le rendent presque touchant. Difficile de savoir s'il prend plus de plaisir à triompher auprès de demoiselles rarement farouches, qu'à narrer ses exploits à ses amis : reste qu'aucune de ces jouissances ne lui évite d'être proie autant que chasseur. Avec drôlerie et vivacité, Gontcharov, dix ans avant son chef-d'oeuvre Oblomov, dépeint le Saint-Pétersbourg des oisifs, des viveurs et des petits rentiers. Lucide, caustique, il s'abstient de toute complaisance, sans jamais céder à la tentation de moraliser.
Don Alvare, jeune capitaine aux gardes du roi de Naples, se voit offrir l'opportunité d'invoquer le diable et de le soumettre à ses ordres. Naïf, intrépide, sûr de lui, Don Alvare accepte, et tout semble se dérouler à merveille. Mais qui est réellement l'éblouissante jeune femme qui reste à ses côtés, une fois le diable disparu ? Folle d'amour pour lui, belle, brillante, elle lui est si dévouée qu'elle parvient peu à peu à apaiser sa méfiance. Le bonheur serait-il à portée de main ? Paru en 1772, Le Diable amoureux est le chef-d'oeuvre de Jacques Cazotte (1719-1792), aristocrate à la jeunesse aventureuse, mort guillotiné durant la Terreur. Admiré de Nerval, de Borges ou de Lacan, Le Diable amoureux est considéré comme le premier roman fantastique français.
Frank Saltram est un des plus brillants orateurs que l'Angleterre ait connu ; bien lancé, il peut tenir en haleine n'importe quel auditoire, sur n'importe quel sujet. A ses qualités, il joint malheureusement de nombreuses tares: il est mauvais mari, mauvais père, porté sur la boisson, et plus généralement indigne de toute confiance. Quand son talent est découvert par une petite coterie appartenant à la meilleure société londonienne, débutent les vraies difficultés : comment protéger cet oiseau rare de ses propres défauts, et comment le faire accéder à la notoriété qu'il mérite ? Le chemin de croix de ses bienfaiteurs sera long, et mènera certains d'entre eux bien plus loin qu'ils ne l'auraient souhaité... Paru en 1894, Le Fonds Coxon est l'une des plus célèbres nouvelles d'Henry James (1843-1915), ici dans une nouvelle traduction.
Né serf dans une petite ville de la Russie profonde, Ilya Charonov s'avère dès l'adolescence un peintre exceptionnel : son ardeur au travail, sa piété et ses prédispositions sont telles que son seigneur l'envoie faire son apprentissage à Rome. De retour en Russie après plusieurs années, Ilya trouve son seigneur marié à une jeune femme d'une beauté sans pareille, qui semble la seule à même de comprendre la portée de son talent. Il naît entre eux une passion contre laquelle il serait surhumain de lutter, et pourtant sans issue...
Un jeune capitaine de vaisseau se voit attribuer son premier commandement : il s'agit de remplacer, dans un lointain port asiatique, le capitaine décédé d'un vaisseau mal en point. Cette nomination n'a rien d'une faveur ; tout est à faire, et Falk, personnalité locale bien connue, Hercule taciturne et mystérieux, va se mettre en travers de sa route pour des raisons incompréhensibles...
Cela concerne peut-être la ravissante nièce d'un capitaine allemand, et indirectement un naufrage antarctique, mais comment le savoir, et surtout qu'y faire ?
Par une belle soirée d'été, un terrible incendie éclate chez le bon docteur Trescott, dans une petite ville de l'État de New York. Le feu prend au piège le jeune fils du docteur, mais Henry Johnson, le palefrenier noir de la maison, se rue courageusement dans le brasier et parvient à sauver le petit garçon. Son héroïsme lui coûtera cher: Johnson reste atrocement défiguré et à demi fou. Dans la petite ville, très vite, le héros d'hier n'est plus considéré que comme un monstre... Stephen Crane (1871-1900) est l'un des très grands écrivains de langue anglaise. Ami de Joseph Conrad et d'Henry James, il se fait un nom en publiant La Conquête du courage, en 1895. Épuisé par son métier de correspondant de guerre, il meurt de la tuberculose sans même avoir atteint sa trentième année.
Bûcheron d'une trentaine d'années, Guglielmo vient de perdre sa jeune épouse, mère de ses deux petites filles. Après avoir confié ses enfants à sa soeur, il achète à bon prix le droit de faire une coupe dans la forêt d'une lointaine vallée de montagne. Lui et l'équipe qu'il a recrutée ont devant eux plusieurs mois de labeur, qui les tiendront éloignés de leur foyer durant l'automne et l'hiver.
Pendant ces saisons que lui et ses hommes passeront isolés du reste du monde, Guglielmo va peu à peu découvrir, avec une gravité muette, l'étendue du courage et de la résignation qui lui seront nécessaires pour faire face au deuil qu'il doit porter.
Superbement traduit par Philippe Jaccottet, La Coupe de bois est sans doute l'un des textes les plus marquants de Carlo Cassola (1917-1987).
En 1919, la guerre civile fait rage en Russie ; au printemps, puis en octobre, peu s'en faut que les armées blanches, appuyées par les pays d'Europe occidentale, reprennent Saint-Pétersbourg, devenue Petrograd. Serge, qui vient de sortir d'une prison française, y arrive au début de l'année. Ville conquise est le récit romancé des mois terribles qu'il connaît alors. Rapidement, les conditions de vie dans Petrograd sont effroyables. Pénuries, famine, exécutions sommaires, menaces de grèves et de soulèvements matées par le mensonge ou dans le sang : dans une atmosphère d'apocalypse, les premiers signes du basculement du jeune régime soviétique vers le totalitarisme apparaissent - aux yeux de qui veut bien les voir.