Stefan Zweig est l'écrivain étranger le plus lu en France. Les éditions Arfuyen ont fait découvrir en 2021 ses textes poétiques, qu'il plaçait au centre de son oeuvre. Or, de même qu'on oublie trop chez Zweig le poète, on oublie trop chez lui le penseur :
« Mon but, écrit-il à Rolland, serait de devenir non une célébrité littéraire, mais une autorité morale. » Grâce à cet Ainsi parlait, c'est bien ainsi que Zweig nous apparaît au fil de ses nouvelles, essais, pièces et biographies mais aussi de ses journaux et lettres. Un homme intègre et inquiet, doutant de lui-même mais ne transigeant jamais sur l'essentiel : la lutte contre les nationalismes, le rejet des fanatismes religieux, le combat contre tous les dogmatismes.
Aux côtés de Romain Rolland le combat qu'il mène pendant le Première Guerre mondiale pour la paix et la réconciliation européenne est d'une admirable clairvoyance. Tout aussi prophétique ce qu'il annonce pour les lendemains du conflit : « Je suis convaincu - dur comme fer - qu'après la guerre l'antisémitisme sera le refuge des partisans de la «Grande Autriche». » Hitler, on le sait, était autrichien...
Inlassablement Zweig nous met en garde contre les périls du sectarisme et de la violence : « Tuer un homme, insiste-t-il dans son Castellion (1936), ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme. On ne prouve pas sa foi en brûlant un homme mais en se faisant brûler pour elle. » À la fin de sa vie, c'est chez Montaigne, lui aussi, qu'il trouvera un réconfort et un modèle : « Je vois en lui, l'ancêtre, le protecteur et l'ami de chaque homme libre. »
En 2019 le plus grand journal luxembourgeois titrait : « Relecture d'un classique à l'ère du #metoo :
Faut-il bannir l'oeuvre d'André Gide ? ».
Les Nourritures terrestres, parues en en 1897, ont été dans une époque encore étroitement conformiste un évangile de libération : « Une existence pathétique, Nathanaël, plutôt que la tranquillité. » En plein symbolisme, Gide invitait avec une force inouïe, à revenir au naturel et à la vie authentique.
Qui est André Gide ? Le Journal le montre tout à la fois sincère, esthète, immoraliste, nomade, engagé, pervertisseur. Gide préfère l'inquiétude à toute forme de tranquillité morale ou intellectuelle : « Je ne suis qu'un petit garçon qui s'amuse, écrit-il, - doublé d'un pasteur protestant qui l'ennuie. » Comme Montaigne, il n'est que mouvement :
« Tour à tour je ressemble et diffère. » Gide place la sincérité au sommet de toutes les vertus. Elle est à la racine de toute morale authentique : « Ne pas se soucier de paraître. Être seul est important. » Gide vit jusqu'au bout cette exigence comme un drame, dont le noeud se situe en lui-même.
La matière de la création littéraire gidienne est constamment faite de problèmes moraux. Ceux-ci en sont « l'étoffe », mais ils sont subordonnés à l'art :
« Ne prendre chacun de mes livres que pour ce qu'il est : une oeuvre d'art. » Cinq ans avant sa mort, il écrit dans son Thésée : « Il m'est doux de penser qu'après moi, grâce à moi, les hommes se reconnaîtront plus heureux, meilleurs et plus libres. Pour le bien de l'humanité future, j'ai fait mon oeuvre. »
Après avoir cherché toute sa vie un modèle de liberté et de tolérance, Zweig découvre Montaigne au printemps 1941, un avant sa mort. C'est un coup de foudre : « Montaigne aime démesurément la vie, écrit-il. La seule crainte qu'il connaisse est celle de la mort. Et il aime dans la vie toutes les choses comme elles sont. » Innombrables sont ceux qui se sont nourris de la sagesse de Montaigne. Comme Shakespeare symbolise la littérature anglaise, on peut dire que Montaigne est comme un condensé de la littérature française. Shakespeare lui-même, son cadet de 30 ans, ne lui a-t-il fait des emprunts ?
Comme Proust, Montaigne est l'homme d'un seul livre, d'un livre auquel il s'identifie totalement mêlant inséparablement autobiographie, création et philosophie. Comme Proust, Montaigne est aussi avant tout un psychologue et un moraliste. Lui qui ne cesse de relire Sénèque et Plutarque et a fait peindre sur les poutres de sa bibliothèque ses aphorismes préférés, il n'est pas d'auteur dont l'oeuvre plus riche de « dits et de maximes de vie ».
Et c'est même là l'embarras : comment choisir ?
Il faut choisir cependant. Car la lecture des Essais est rendue difficile par les innombrables digressions de l'auteur mais surtout par la langue du XVie siècle, fantasque et truculente, mais souvent obscure. Toute l'utilité du présent livre est donc de donner ici l'essentiel des Essais en en gardant au plus près la saveur de leur langue, mais de les rendre d'un accès facile et agréable.
« Peut-être aurez-vous entendu parler de moi, même si je doute qu'un nom aussi mince, aussi obscur, voyage loin dans l'espace et le temps. » C'est ainsi que Pétrarque s'adresse à la postérité dans sa dernière Lettre de la vieillesse. Sept siècles après, son oeuvre connaît un regain d'intérêt considérable. C'est ainsi qu'ont été publiées récemment l'intégralité des Lettres familières (6 vol., 2002-2015) et des Lettres de la vieillesse (5 vol., à la traduction desquels a participé Antoine de Rosny, 2002-2013). Quant au fameux Canzoniere, plusieurs traductions en été données aux Belles Lettres (2009) ou chez Gallimard (2018).
L'oeuvre de Pétrarque est l'une des plus vastes de la Renaissance italienne. On connaît le poète amoureux, mais on ignore le moraliste ; on connaît l'écrivain italien, mais on oublie l'oeuvre latine ; on prend pour argent comptant le mythe qu'il s'est luimême construit (très moderne en cela !) et on néglige les textes. En réalité, a-t-il bien effectué l'ascension du mont Ventoux en compagnie de son frère Gérard ?
Est-ce bien en l'église Sainte-Claire d'Avignon qu'il a eu la vision merveilleuse de Laure de Noves ? A-t-il vraiment reçu la couronne de lauriers sur le Capitole ?
Nulle vérité définitive chez Pétrarque, qui retouche inlassablement ses oeuvres, à la manière du Montaigne des Essais. Son existence entière est placée sous le signe de l'exil et de l'errance. Pas d'écrivain plus cosmopolite que lui. Pas d'écrivain plus tourmenté par un amour impossible.
Les fragments ici présentés permettent de restituer l'unité de cet ensemble indissociable :
Traités, pamphlets, dialogues, poèmes et lettres.
Proust est à lui seul, a-t-on dit, toute la littérature comme Bach est à lui seul toute la musique. On trouve en son oeuvre toute la modernité, et toute la tradition classique. On sait le goût qu'il avait des moralistes comme Pascal, La Rochefoucauld ou La Bruyère. Bernard de Fallois, l'un des meilleurs connaisseurs de l'oeuvre de Proust, a publié dans son Introduction à la Recherche du temps perdu un large choix de maximes et de pensées de Proust, qui atteste qu'il est aussi, dans la concision et la lucidité, le parfait continuateur des moralistes du Grand Siècle.
Au reste voulait-il vraiment écrire un roman ?
« J'ai trouvé plus probe et plus délicat comme artiste, écrit-il à Jacques Rivière en 1914, de ne pas laisser voir, de ne pas annoncer, que c'était justement à la recherche de la Vérité que je partais, ni en quoi elle consistait pour moi [...] Ce n'est qu'à la fin du livre, et une fois les leçons de vie comprises, que ma pensée se dévoilera. » Quelles sont donc ces essentielles « leçons de vie » ? A travers l'imposante masse de l'oeuvre de maturité, des textes de jeunesse et de la correspondance, ce nouveau volume de la collection Ainsi parlait le fait clairement apparaître.
Quelle sont les sources de cette pensée ? On s'en tient souvent à son lien familial avec Bergson, c'est oublier qu'il a suivi lui-même des études de philosophie à la Sorbonne et que, admirateur de Wagner, il s'est également passionné, comme le montre la préface du présent volume, pour la philosophie allemande, de Schelling à Schopenhauer.
Maeterlinck est l'homme de toutes les contradictions. Unique prix Nobel de littérature de la Belgique mais ayant toujours vécu en France (de Paris à Saint-Wandrille, de Médan à Nice. Écrivant en français mais ardemment flamand (et refusant de siéger à l'Académie française). Détestant les théâtres et auteur dramatique à succès (L'Oiseau bleue, monté par Stanislavski de Moscou à New York, et adapté au cinéma ). Peu sensible à la musique et lui devant une bonne part de sa gloire (Pelléas et Mélisande de Debussy, Ariane et Barbe-Bleue de Dukas, mais aussi Fauré ou Schoenberg). Écrivain et fasciné par la sciences naturelles (La Vie des abeilles, etc.). Aimant les pauvres et vivant à Nice dans des palais (le château de Médan, le fastueux château Castellamare...).
« Je ne connais aucune oeuvre, écrit Rilke en 1902, dans laquelle soit enfermé autant de silence, autant de solitude, d'adhésion et de paix. » Maeterlinck a marqué nombre d'écrivains majeurs : de Pessoa à Robert Musil, de Breton à Julien Gracq. « Maurice Maeterlinck, écrivait Cocteau, était habité par un ange. Mais jamais ange ne sut mieux se travestir pour évoluer parmi les hommes que sous une apparence de businessman robuste et sportif. » Théâtre, essais, poésie, livres de nature : Yves Namur, grand écrivain belge d'aujourd'hui, et secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Belgique, nous aide à la redécouvrir l'oeuvre immense de ce « très grand précurseur » (Claude Régy) mais aussi un homme étonnamment fragile et attachant.
« Pascal, écrit Bernard Grasset, un scientifique devenu mystique, un contempteur des philosophes et des poètes devenu maître de sagesse et artiste souverain du langage. Chez lui tout nous étonne et nous fascine, tout nous conduit hors des sentiers convenus. » Pascal est une des figures les plus originales et géniales de la littérature française. Ses Pensées sont parmi les textes les plus cités, souvent de travers. Mais qui connaît ses autres écrits : ses lettres mais aussi ses textes scientifiques, spirituels, philosophiques ou polémiques ?
Selon l'esprit de la collection Ainsi parlait, ce petit ouvrage vise à faire découvrir de manière facile et agréable l'ensemble des facettes de ce véritable météore de la littérature. Un homme moderne par son esprit profondément scientifique et par ses angoisses existentielles. Héritier de Montaigne et précurseur de Leopardi, Nietzsche ou Kierkegard, Pascal a une place essentielle dans la pensée européenne.
Son écriture est unique par son intensité, sa limpidité et son élégance. Homme de contrastes, Pascal allie une extrême intelligence avec une vive sensibilité, raison et émotion, esprit de géométrie et esprit de finesse. Volontaire, esprit indépendant, il témoigna d'une longue patience dans la souffrance.
Savant mathématicien, il garde le sens pratique, reste attentif au concret. Son aventure intellectuelle et spirituelle nous touche par sa liberté, sa fulgurance et son incandescence.
Le 25 juillet 1945, sur l'esplanade du Trocadéro étaient célébrées les obsèques nationales de Paul Valéry. Deux projecteurs placés au pied de la tour Eiffel dessinaient un gigantesque V dans le ciel, unissant dans un même hommage l'initiale du nom de l'écrivain et la victoire sur l'Allemagne nazie. C'est De Gaulle lui-même qui avait ordonné ces obsèques nationales : les dernières avaient eu lieu en 1885 pour Victor Hugo, qui était aussi homme politique.
« Valéry, soulignait Georges Duhamel dans son discours prononcé ce soir-là au nom de l'Académie française, n'a cessé de nous rendre sensibles les prestiges de l'intelligence souveraine, pour l'honneur et pour le salut de nos sociétés en péril. » Nos sociétés sont aujourd'hui tout autant en péril et nous avons plus que jamais besoin de l'héritage que nous a laissé Valéry.
Mais qui lit encore l'oeuvre immense de Valéry : essais, dialogues, aphorismes, poèmes, lettres. Sans compter les 28000 pages de ses extraordinaires Cahiers...
« L'humanité, écrivait-il, s'en tirera comme elle pourra. L'inhumanité a peut-être un bel avenir... » L'inhumanité étend de jour en jour son emprise sur nos vies et Valéry mieux que quiconque peut nous aider à y résister. « La plus grande liberté, écrit-il, naît de la plus grande rigueur. » En notre temps où la vérité semble devenir indémêlable du mensonge, la leçon de Valéry nous est essentielle : « J'ai ressenti et entretenu, note-t-il, à partir de 1892 une haine et un mépris pour les Choses Vagues, et leur ai fait une guerre impitoyable en moi durant toute ma vie. » Estil plus belle, plus simple leçon de liberté ?
Péguy le mécontemporain (Alain Finkielkraut, 1991), Péguy l'insurgé (Jean Bastaire, 1975), Péguy l'inchrétien (id., 1991), « Péguy philosophe » (Emmanuel Mounier, 1930) : autant d'essais sur Péguy, autant de visages différents. Péguy l'inclassable, assurément (Géraldi Leroy, 2014). Toujours actuel et éclairant à travers les changements de notre société !
Les Cahiers de la Quinzaine restent le modèle indépassable d'une grande revue d'idées : « Je révèle ici un secret de ma gérance, écrivait Péguy : tous les cahiers sont faits pour mécontenter un tiers au moins de la clientèle. Mécontenter, c'est-à-dire heurter, remuer, faire travailler. » Paul Decottignies nous donne accès à l'ensemble d'une oeuvre très vaste et variée, souvent invoquée mais mal connue. Il nous révèle un esprit visionnaire et un maître de liberté, mais aussi un écrivain brillant autant qu'insolent.
« Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est le maître du curé comme il est le maître du philosophe. [...] Et il est le maître de l'État comme il est le maître de l'école. Et il est le maître du public comme il est le maître du privé. » À l'aube du XXe siècle, quel philosophe, quel écrivain a mieux senti que Péguy ce qui allait se jouer ?
Et sur lui pourtant que d'idées fausses ! Péguy le catholique : mais il se maria civilement, ne fit pas baptiser ses enfants et la presse catholique l'avait en horreur ! Péguy le conservateur : mais il fut socialiste toute sa vie, et avec quelle ardeur ! Péguy l'intellectuel : mais, resté profondément provincial, il vomissait l'intelligentsia parisienne. À qui le comparer sinon à un Pasolini, pétri lui aussi de paradoxes, poly-graphe et militant, scandaleux et assoiffé de vérité !
« Un petit homme brusque et pressé, toujours pressé [...], le regard tendu de bas en haut, comme un taureau [...], le souffle court et le parler égal, pressé et saccadé [...]. C'était un homme à congestions. » C'est ainsi que le décrit Romain Rolland. La vie de Péguy semble faite tout entière d'étapes successives et contra-dictoires : « L'homme qui veut demeurer fidèle à la vérité doit se faire incessamment infidèle à toutes les inces-santes, successives, infatigables renaissantes erreurs. ».
Découvrir Péguy dans sa profonde fidélité comme dans ses impatiences, tel est l'objet de cet Ainsi parlait Péguy. Nul auteur pour lequel l'approche originale de cette collection se révèle aussi efficace. Faire découvrir « Péguy l'hérétique » (titre de sa préface), telle est ici la réussite de Paul Decottignies.
Saint Pol-Roux occupe dans la littérature française une place à part : il est l'héritier direct du romantisme ; il est le fondateur, avec quelques amis, du symbolisme ; enfin il a été salué par les surréalistes comme leur grand précurseur. Bien au-delà de ces mouvements, le génie visionnaire qui éclate dans ses « oeuvres futures » en font l'un des théoriciens les plus hardis de son temps. Mais tout autant que son oeuvre, c'est la personnalité rayonnante du « Mage de Camaret » qui a fasciné ses contemporains et qui donne aujourd'hui encore à ses textes une saveur inimitable : « Saint-Pol-Roux, écrit Max Jacob, aura été le dernier de ceux pour lesquels la Poésie c'est aussi une vie d'apôtre, de Saint, la grandeur des vues, la sublimité des préoccupations, la bonté, la haute honnêteté. » Et le surréaliste Éluard n'est pas moins élogieux : « Quand nous le lisons, tout tremblants, enchantés et les yeux pleins de larmes devant cette beauté si nouvelle et candide, cette beauté qui sourit irrésistiblement à l'homme et aux quatre éléments, un nom nous vient aux lèvres qui nous fait ses enfants : Saint-Pol-Roux le Divin. » Une grande partie des manuscrits de Saint-Pol-Roux a été détruite par l'occupant nazi. Ces pages, dispersées sur la lande et recueillies par des Camaretois, ont été pieusement conservées par Divine, sa fille. Au fur et à mesure des années, ces textes ont été publiés en 23 volumes par Gérard Macé, Alistair Whyte et Jacques Goorma. Le travail d'édition se poursuit aujourd'hui. Ce petit volume de la collection Ainsi parlait est donc un moyen précieux pour découvrir d'une manière synthétique une oeuvre majeure.
Prix Nobel de littérature en 1923, William Butler Yeats (1865-1939), est l'un des plus grands écrivains irlandais. Mais si on nom est célèbre, si son oeuvre est placée très haut, qui lit pourtant ses livres ?
Les oeuvres des plus grands écrivains ont pourtant quelque chose de précieux à nous dire : « La littérature, écrit-il, est toujours personnelle, elle est toujours la vision qu'a du monde un seul homme, l'expérience d'un seul homme » Et, dans leur singularité, elles s'adressent à tous : « La littérature est, à mon sens, la grande puissance enseignante du monde, l'ultime créatrice de toutes les valeurs. » C'est le propos même de la collection Ainsi parlait.
Yeats a abordé tous les genres : essais, théâtre, poésie, mais aussi articles et correspondances. Ses thèmes sont marqués à la fois par la passion de comprendre et l'inquiétude spirituelle ainsi que par le goût de la scène et l'amour de l'Irlande pour l'indépendance de laquelle il n'a cessé de militer Fasciné par la vie et le mystère du monde, il déteste le dogmatisme et l'intellectualisme. Dans une langue simple, sans jargon ni abstractions, il bouscule les certitudes. Ici, comme le théâtre baroque, masques et métamorphoses sont omniprésents.
Très impliqué dans le mouvement nationaliste, Yeats fut profondément bouleversé par l'Insurrection de Pâques en 1916 et par sa sanglante répression. Les Cygnes sauvages à Coole (1919), écrits à la suite de ce traumatisme, ouvrent une nouvelle période dans sa création, celle de sa maturité.
Suarès est l'égal des plus grands écrivains du XXe siècle, mais qui connaît son oeuvre hormis les lettrés ?
Déjà Gide s'étonnait que cette oeuvre, si vaste et si puissante, soit si peu lue : « Nos arrière-neveux s'étonneront du silence que notre époque a su garder ou faire autour de Suarès. » Mais Malraux le proclamait hautement : « Pour nous, au lendemain de la guerre, les trois grands écrivains français, c'étaient Claudel, Gide et Suarès. » L'oeuvre de Suarès, il faut le rappeler, est considérable : plus de 100 ouvrages, d'innombrables articles de revue, une monumentale correspondance avec les plus grands écrivains. Ses carnets inédits, conservés à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, ne comptent pas moins de vingt mille pages.
Suarès, c'est, dès le premier abord, un style étincelant. Son écriture est incisive, dense, élégante, à l'image du latin des meilleurs auteurs ou du français d'un Pascal ou La Rochefoucauld. Musicien dans l'âme, amateur passionné de peinture et d'architecture italienne, il applique à sa prose une même exigence de clarté et d'harmonie.
Mais c'est aussi et surtout une pensée d'une lucidité et d'une liberté incomparables. En cela digne descendant de Montaigne. Face aux tentations totalitaires, il ne transige jamais. Contre les vastes empires, il exalte le rayonnement des petites nations comme Athènes, Florence ou la France.
Suarès ? Une sorte de Zweig français, excellant dans les portraits, les réflexions, les voyages - mais pétri de la lumière et des parfums de la Méditerranée.
L'oeuvre de Rilke n'a cessé d'accompagner les éditions Arfuyen depuis leur création. De Rilke elles ont publié cinq ouvrages : Le Vent du retour, trad.
Claude Vigée (1989, rééd. 2005) ; La Vie de Marie, trad.
Claire Lucques (1989, rééd. 1992 et 2013) ; L'Amour de Madeleine (1992, rééd. 2000 et 2015) ; Le Livre de la Pauvreté et de la Mort, trad. Jacques Legrand (1997, rééd. 2016) ; « Donnez-nous des maîtres qui célèbrent l'Ici-Bas », lettres à Verhaeren suivies de la « Lettre du jeune travailleur », trad. Gérard Pfister (2006).
L'oeuvre de Rilke est très vaste, la correspondance en constituant un des aspects majeurs et souvent méconnus. Car Rilke fascine par ses écrits autant que par sa vie bohème et itinérante, son amitié avec Rodin et Verhaeren, sa relation avec Lou Andreas Salomé (l'amie de Nietzsche et Freud), ou Baladine Klossowska (mère de Balthus et P. Klossowski). C'est dans son ensemble qu'il faut envisager l'oeuvre de Rilke.
S'y ajoute que la vie de Rilke tout entière a été une quête spirituelle, hors des sentiers balisés, et que cette expérience lui a permis de devenir pour nombre de ses contemporains et aujourd'hui encore (qu'on pense aux fameuses Lettres à un jeune poète) un maître à penser et, plus encore, une sorte de gourou laïc.
La traduction française et la présentation bilingue permettent d'avoir accès à la langue de Rilke, riche de néologismes et de tournures baroques, trop souvent gommées pour donner à lire un Rilke aisé et fluide, conforme aux canons du style français classique.
Qui était Léonard de Vinci ? Si le Da Vinci Code a concentré l'attention sur les énigmes de la fresque de La Cène, la personnalité de Léonard de Vinci lui-même est certainement pourtant ce qu'il y a plus énigmatique.
Le plus grand peintre de toute l'histoire ? Oui, mais il n'a laissé que 20 peintures dont plusieurs encore inachevés ou d'attribution incertaine !
Le plus grand ingénieur et inventeur de tous les temps ? Mais il n'a réalisé aucun de ses projets, et il n'en est en réalité aucun qui n'ait été conçu avant lui !
Le plus grand érudit de la Renaissance ? Mais c'était un autodidacte qui ne connaissait ni le grec ni le latin et n'a cessé toute sa vie de combler ses lacunes !
Le plus génial organisateur de fêtes, précurseur des Lully et Philippe Decouflé ? Assurément, on l'oublie trop, ce fut sa plus grande gloire, mais de ses grands auto- mates et ses décors fastueux il ne nous est rien resté !
Alors, où est la vraie grandeur de Léonard ? François I er , qui le considérait comme un père, ne s'y est pas trompé : « Il n'y a jamais eu au monde homme si savant, non seulement sculpteur, peintre et architecte, mais surtout grand philosophe. » Nietzsche et Valéry ont vu en lui le modèle d'une pensée libre et lucide. Karl Jaspers lui a consacré tout un livre : Léonard de Vinci philosophe.
Léonard n'a pas laissé de traité, mais 13000 pages de manuscrits et des fragments dont l'édition fait plus de 1000 pages. C'est de cet énorme ensemble que sont extraits ici les fragments de ce Léonard philosophe, présentés pour la première fois en édition bilingue.
Écrivain, poète, philosophe, Leopardi (1798-1837) est avec Dante le plus grand écrivain italien. Avec l'Allemand Novalis (1772-1801), l'Anglais Keats (1795- 1821) et le Français Nerval (1808-1855), il est un des grands météores du romantisme européen.
Nietzsche voyait en lui «?le plus grand styliste de son siècle?». Pour Elio Germano, interprète du rôle de l'écrivain dans l'admirable film qui lui a été consacré en 2014 par Mario Martone, Leopardi : Il giovane favoloso (« le jeune homme fabuleux », expression empruntée à un poème d'Anna Maria Ortese), « Leopardi est punk, il est grunge. Schopenhauer et Nietzsche se sont formés avec Zibaldone.
L'existentialisme nait de lui aussi. Pour moi c'est un Pasolini de son temps. Détaché et dérangeant. » Mort à 39 ans, Leopardi a laissé une masse de textes considérable et désordonnée. Les fragments ici recueillis dans l'ordre chronologique de leur date de publication renvoient à l'ensemble de ce corpus comprenant les célèbres Canti, le Zibaldone (près de 5000 pages dans l'édition italienne), les essais et l'abondante correspondance du reclus de Recanati.
« Sans la musique, écrivait Nietzsche, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil. » Il en est de même pour Leopardi qui écrit en 1820 à un ami le chef d'orchestre Pietro Brighenti : « La musique, est certainement l'une de mes grandes passions, et elle doit l'être pour toutes les âmes capables d'enthousiasme. » Des Canti au Zibaldone, l'univers sonore est partout prédominant dans son oeuvre et fait la marque inoubliable de sa sensibilité.
De Henry David Thoreau, on ne connaît en France le plus souvent que Wal- den, réflexion sur l'économie, la nature et la vie simple menée à l'écart de la société, et son essai sur La Désobéissance civile, qui, réédités dans les an- nées 60, sont devenus pour les jeunes de mai 1968 des références absolues.
En réalité l'oeuvre de Thoreau est immense et encore largement non traduite en français : aux nombreux essais, récits et romans, il faut ajouter le Journal rédigé de 1837 à 1861 ainsi qu'une énorme correspondance.
Et peu d'auteurs ont eu un rayonnement aussi vaste et durable dans les domaines les plus divers : dans le domaine politique, il a exercé une influence essentielle sur Gandhi ou Martin Luther King, mais aussi sur l'écologie poli- tique ou la pensée libertaire. En littérature, sur Romain Rolland, Stevenson, Henry Miller ou Hemingway. Tolstoï s'enthousiasme pour La Désobéissance civile et le traduit en russe. En musique, John Cage voit en Thoreau son maître.
Pénétré d'humanisme gréco-latin, Thoreau voit dans l'amour et le respect de nature la source de toute sagesse : « Toutes les formes naturelles - feuilles de palmier et glands, feuilles de chêne, sumac et cuscute - sont autant d'aphorismes intraduisibles » (Journal, août 1845). Le naturaliste, le moraliste et le pacifiste sont chez lui un seul et même homme.
Après 10 volumes consacrés à des auteurs étrangers, la collection « Ainsi parlait » s'ouvre au domaine français. Et c'est pour marquer le 10 e anniversaire de la mort de Léon Bloy, le 3 novembre 2017. C'est l'écrivain Yves Leclair qui assure le choix et la présentation des 400 fragments, recueillis dans l'immensité de cette oeuvre, si souvent citée et si peu connue tant elle est variée et déconcertante par son caractère direct, intempestif voire polémique.
On sait ce que des écrivains majeurs de la modernité comme Céline, Bernanos ou Ernst Jünger doivent à Léon Bloy. Mais qui ose se lancer dans la lecture de ses terribles romans, de son torrentiel journal, de ses extravagants pamphlets, de ses innombrables lettres ? Bloy est l'ancêtre de tous les indignés, les insoumis, les désespérés. Son écriture est brûlante de ferveur et de colère.
Frère en cela de Péguy dont il habita la maison de Bourg-la-Reine après la mort au front. « Vous me conseillez de m'avilir pour gagner de l'argent, écrit-il. Vive la misère ! » La misère, il l'a eue, mais son oeuvre nous reste, éclatante d'énergie et magnifique de liberté. Lisons-la !
Après Respect de la vie (1996), L'Esprit et le Royaume (2015) et Psychopathologie du nationalisme (2016), Ainsi parlait Albert Schweitzer est le 4 e volume de textes de Schweitzer publié par Arfuyen.
Le 50e anniversaire de sa mort en 2015 a été le point de départ d'une prise de conscience de l'importance de la figure et de l'oeuvre de Schweitzer pour notre époque. Écrivain, philosophe, spécialiste de l'éthique, conférencier, théologien, historien des religions, musicien, biographe de Jean- Sébastien Bach.
Mais aussi inventeur de l'action humanitaire, adversaire acharné de l'arme nucléaire et théoricien de l'écologie la plus ouverte avec son concept clé de « Respect de la vie », inspiré du principe d'ahimsâ (« non-violence ») de l'hindouisme et du bouddhisme. Et, aussi, pour corriger une absurde idée reçue, ardent pourfendeur du colonialisme.
Né cinq ans après l'annexion de l'Alsace par le Reich allemand et victime des nationalismes de chaque rive du Rhin, Schweitzer a écrit l'ensemble de son oeuvre dans la langue qu'il a apprise à l'école, l'allemand, la langue de ses parents étant l'alsacien.
Nombre de ses ouvrages étant aujourd'hui indisponibles en français ou dans des traductions médiocres, ce volume Ainsi parlait Albert Schweitzer permet de disposer d'une synthèse de sa pensée dans des traductions entièrement nouvelles et en édition bilingue.
« C'est une baleinière, écrit Melville dans Moby Dick, qui fut pour moi Yale et Harvard. » Peu de noms évoquent l'aventure comme celui de Melville.
Dès ses 13 ans il quitte le collège pour affronter le monde. Ce seront souvent des bateaux : navire marchand, frégate de guerre, trois-mâts baleinier, mais il sera aussi instituteur, commis, travailleur agricole. Le pire sera d'avoir fait ses débuts comme employé de banque et terminé comme inspecteur des douanes de la ville de New York, un travail, écrivait-il, « des moins glorieux qui soient, à vrai dire, pire qu'amener des oies à l'abreuvoir » (Redburn).
Toute l'oeuvre de Melville est irriguée par les expériences diverses et souvent malheureuses imposées par une vie semée de faillites et de dettes.
On connaît Moby Dick, mais l'oeuvre est multiforme : les souvenirs de la vie de marin (Typee, Omoo et Mardi), les romans (Redburn, La Vareuse blanche, Pierre, The Confidence Man), les nouvelles (dont Bartleby), les poèmes, journaux de voyage.
L'immense matière que lui a donnée la vie n'est devenue cette oeuvre que par la fréquentation assidue des grandes oeuvres : la Bible, Shakespeare et Milton. Si Melville mérite comme Thoreau de figurer dans cette collection, c'est bien parce qu'il est à la fois l'un des plus accessibles aux jeunes et un styliste de la plus haute tradition : « Vous autres mortels, écrivait-il dans Mardi (1849), vous traversez éternellement vos sierras en mettant vos pieds dans de vieilles empreintes. »
Après deux maîtres spirituels (Eckhart, Thérèse d'Avila), deux philosophes (Sénèque, Lulle) et deux écrivains (Shakespeare et Dickinson), ce 7e ouvrage de la collection « Ainsi parlait » est consacré à un écrivain-philosophe au des-tin météorique, Friedrich von Hardenberg, dit Novalis (1772-1801), scienti-fique, philosophe et écrivain, ami de Schiller et de Schelling et « disciple » de la jeune Sophie (1782-1797), sa fiancée morte à 15 ans.
Novalis a peu publié de son vivant, mais il est l'auteur de milliers de frag-ments, alliant sciences naturelles, mathématique, politique et philosophie. Marqué par la pensée de Plotin, Leibniz et Fichte, Novalis voit dans l'imagina-tion créatrice le coeur de la métaphysique et de la poétique. Son rêve est celui d'un « système de l'absence de système », où dialoguent chaos et organisation.
Depuis les premières traductions en français par Maeterlinck en 1895, Novalis n'a cessé d'exercer en France une fascination, même s'il a été trop souvent compris dans un sens sentimental, et non comme un projet de transformation pratique du monde. Il a inspiré des philosophes aussi diffé-rents que Heidegger ou Lukacs, mais aussi en France des penseurs comme Bachelard, Blanchot ou Derrida.
Pour faire partager les fulgurantes intuitions du « Pascal allemand » (Car-lyle), lean Moncelon, grand connaisseur de la philosophie allemande et tra-ducteur de l'Ami de Dieu de l'Oberland, a traduit un choix des fragments où cette haute pensée s'exprime sous la forme la plus remarquable.
Après deux maîtres spirituels (Eckhart et Thérèse d'Avila), deux philosophes (Sénèque et Lulle) et un écrivain (Shakespeare), ce 6e ouvrage de la collection « Ainsi parlait » est consacré à un écrivain américain majeur. Emily Dickinson n'a rien publié de son vivant, mais les 1789 poèmes, 1049 lettres et 124 fragments publiés après sa mort constituent une oeuvre ample et inépuisable où est frappant le contraste entre une sensibilité d'écorchée vive et une intelligence puissamment libre et lucide.
T. W. Higginson, le seul à qui elle confia ses textes, fait à sa femme Mary un portrait fascinant de celle qu'il nomme « mon excentrique poétesse » : « un trottinement pareil à celui d'une enfant », « une femme petite et quelconque avec deux bandeaux lisses », « une voix douce, effrayée et haletante d'enfant », « disant bien des choses que tu aurais trouvées folles et moi sages. » « J'ai bien peur, écrit-il à ses soeurs, qu'une remarque de Mary : «Oh, pourquoi les fous s'attachent-ils tant à toi ?» ne soit vraie. » Folle ? Sage ? Bien plus :
Emily Dickinson est une visionnaire, qui parle d'un lieu qui n'est ni vie ni mort.
Une sibylle dont les paroles elliptiques livrent des vérités aussi foudroyantes que les fragments d'Héraclite auxquels elles font penser ou à ce Shakespeare qui, disait-elle, lui a « apporté plus de connaissances qu'aucun être vivant ».
Après deux maîtres spirituels (Eckhart et Thérèse d'Avila) et un philosophe (Sénèque), ce 4 e ouvrage de la collection « Ainsi parlait » est consacré à un écrivain. Shakespeare, le plus grand nom de la littérature de langue anglaise, le plus grand auteur de théâtre. Mais pourquoi ce choix de Shakespeare dans une collection qui souhaite faire entendre la parole de maîtres de sagesse ?
C'est que précisément Shakespeare a sans doute été l'un des plus géniaux connaisseurs des passions humaines, de leur grandeur et de leurs écueils.
Dans ses tragédies et drames historiques comme dans ses comédies ou ses poèmes, Shakespeare montre les hommes avec une extraordinaire lucidité.
Sa vision est nourrie tout à la fois de la sagesse populaire, qui constitue la sève de son théâtre, et d'une culture humaniste où Sénèque et Plutarque, auteurs favoris de son contemporain Montaigne occupent une place de choix.
Si la sagesse de Montaigne a dans la culture française valeur d'exemple, celle de Shakespeare est dans le monde anglo-saxon la référence ultime. On ne compte plus les recueils qui permettent à tous et sur tous les sujets de le citer : le plus gros, dû à Burton Stevenson, sans cesse republié depuis 1937, fait 2000 pages sur deux colonnes. Découvrir la sagesse de Shakespeare, ne serait-ce pas aussi mieux comprendre la culture d'outre-Manche ?
Baudelaire est un cas presque unique dans la littérature française : il est célèbre pour un seul et mince volume de poèmes, Les Fleurs du mal, qui a été éreinté par la presse et condamné par la justice.
Le parfum de scandale qui entourait ce livre s'est depuis longtemps dissipé, il est même devenu un classique des classiques de l'enseignement littéraire, mais il continue de concentrer presque exclusivement l'attention des lecteurs. De Baudelaire, que lit-on d'autre aujourd'hui encore, que peut-on citer d'autre ?
Or l'oeuvre de Baudelaire sont loin de se résumer à aux Fleurs du mal. S'il est, comme on le dit très souvent, « l'inventeur de la modernité », c'est parce qu'il a développé toute une réflexion esthétique et morale qui garde aujourd'hui une grande part de sa validité. En haine de l'esprit bourgeois de son temps, il a élaboré un anticonformisme radical, mélange d'un dandysme à la Byron et d'un immoralisme à la Sade.
Cette part essentielle de son message, ce n'est pas tant dans Les Fleurs du mal qu'il faut la chercher, mais ses innombrables notes en prose : dans les Fusées (1851), dans L'Art romantique (1852), dans Les Paradis artificiels (1860), dans les Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains (1861), Le Spleen de Paris (1869), Mon coeur mis à nu (1864), les Curiosités esthétiques (1868), dans les Journaux intimes (1851- 1862) ou dans les Salons et les Lettres.
Yves Leclair, écrivain éclectique et raffiné, mais aussi grand connaisseur de notre littérature, tente l'approche de cet autre Baudelaire, qui nous est si proche dans son insoumission et ses tourments.
« L'ensemble de mon oeuvre, proclamait Hugo, fera un jour un tout indivisible. Un livre multiple résumant un siècle, voilà ce que je laisserai derrière moi. » De fait, ses oeuvres complètes, publiées chez Jean-Jacques Pauvert, comportent pas moins de 53 volumes !
De Hugo que lit-on aujourd'hui ? Deux romans : Les Misérables, Notre-Dame-de-Paris. Et encore ,le cinéma et la comédie musicale y sont pour beaucoup ! Mais tout le reste de l'oeuvre - la poésie, le théâtre, les essais -, qu'en lit-on, qu'en sait-on réellement ?
Hugo est devenu un mythe : si, aux yeux de tous, pour la culture Shakespeare personnifie l'Angleterre, Dante l'Italie Cervantès l'Espagne, Goethe l'Allemagne, Hugo personnifie la France, et nul autre, pas même Molière ou Voltaire mieux que lui.
D'emblée, n'est-ce pas pour l'accueillir sa dépouille que l'église Sainte-Geneviève a été transformée en Panthéon à la gloire des « Grands Hommes » ? Hugo ne s'identifiait-il pas lui-même aux plus hautes valeurs de la France et de l'Humanité : « Autant qu'il est permis à l'homme de vouloir, je veux détruire la fatalité humaine ; je condamne l'esclavage, je chasse la misère, j'enseigne l'ignorance, je traite la maladie, j'éclaire la nuit, je hais la haine. Voilà ce que je suis, et voilà pourquoi j'ai fait Les Misérables. » Lire Hugo, bien sûr, il a tant à nous apporter aujourd'hui encore ! Mais par où commencer ? Les fragments rassemblés et présentés par Pierre Dhainaut, grand poète et lecteur passionné de Hugo, sont la meilleure introduction et la meilleure récapitulation de cette oeuvre toujours incontournable.