« En 1972, dans un essai sur Fernand Léger, peintre français qui lui était très cher, John Berger écrit que chaque artiste a un sujet continu, un thème constant qui traverse tout son travail. Eh bien, en travaillant sur la sélection des textes que vous trouverez dans ce livre, je me suis convaincue que le sujet constant de John, son leitmotiv, est précisément le temps, décliné de multiples façons, aussi variées que vous pouvez le faire avec un thème musical.
La même chose peut être dite de Demirel, qui presque partout dans ses dessins parle de mutations, métamorphoses, renversements, de ce devenir incessant qui est l'existence. Et l'existence, pour John comme pour Selçuk, n'est pas une prérogative des êtres humains. La nature et les choses sont existantes, les oeuvres d'art comme les objets d'usage quotidien, les chats, les arbres, les cuillères et les horloges, et les idées et les actions et leur être perpétuellement en cours de route, changeants, contradictoires, jamais définitifs.
Comme le ciel, nous rappellent Berger et Demirel, le temps n'est pas vide : il est ouvert. » (Préface de Maria Nadotti)
Aussi bien « encyclopédie personnelle de la littérature » que « laboratoire de création », Descriptions de descriptions est un livre unique dans l'oeuvre de Pasolini car il se positionne en son plein coeur. Se trouvent ici non seulement exposés les vues de Pasolini sur un pan considérable de la littérature mondiale de toute époque (aussi bien Pétrarque, Manzoni, Moravia, Italo Calvino, Elsa Morrante, que Balzac, Flaubert, Dostoïevski, Ezra Pound ou Joseph Roth, la liste continue) mais aussi le décor intellectuel et sensible dans lequel voient le jour les propres oeuvres de Pasolini en gestation, comme Les Mille et Une Nuits, Salò ou Pétrole. Paru initialement en français chez Rivage en 1984, Descriptions de descriptions reparaît aux éditions Manifeste !, à l'occasion du centenaire de la naissance de Pasolini, avec le même traducteur et augmenté de plus d'un tiers d'inédits.
La republication, en 2022, du Childe Harold de Byron, dans une nouvelle traduction, pourrait sembler une gageure, si elle n'était plus que jamais nécessaire. Premier ouvrage du génial poète anglais Lord Byron, qui le rendit « immédiatement célèbre » à travers toute l'Europe, Childe Harold a fourni un archétype romantique à des générations de poètes européens, comme Lamartine et Pouchkine, ou plus récemment Jean Ristat et Tom Buron. Pourtant, jusqu'ici, l'oeuvre n'avait connu que des traductions galvaudées ou incomplètes, vieilles de plus d'un siècle. Ce problème, qui touchait l'ensemble de l'oeuvre de Byron, s'est peu à peu dissipé avec le XXIe siècle et une nouvelle génération de traducteurs qui a su restituer au public français la vivacité du style du poète. À l'orée du bicentenaire de la mort de Byron, sa redécouverte en France a commencé ; et les voyages de Harold à travers une Europe dévastée par la guerre, mise sens dessus-dessous par les révolutions, n'ont pas fini de nous bercer.
Mimmo : « À vous qui êtes un peuple en route vers un rêve d'humanité, vers un lieu imaginaire de justice, à vous qui mettez votre engagement quotidien pour défier même l'inclémence du temps. » Domenico Mimmo Lucano est l'ancien maire de Riace, un village de Calabre, condamné le 30 septembre 2021 à 13 ans de prison pour devoir de solidarité. La cause ? Avoir accueilli 200 naufragés kurdes puis avoir fait revivre son village avec la participation des réfugiés. À l'énoncé du jugement, Mimmo a ressenti chaque année du verdict comme une balle dans son coeur. Il s'est pourvu en cassation.
L'expérience de Riace, l'accueil des migrants, l'économie solidaire, la démocratie locale... avaient été saluée par tous, du Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés à Wim Wenders, au Pape et à l'ensemble des ONG, avant d'être attaqués conjointement par l'extrême-droite, le pouvoir italien et la Ndrangheta, la mafia calabraise.
Le collectif « Liberté pour Mimmo » s'est saisi de ce combat. Écrivains, poètes et artistes visuels ont décidé de donner de la voix pour soutenir Mimmo et poursuivre son combat. Avec les maisons d'édition Le Merle moqueur / Manifeste!, et en partenariat avec Médiapart, ce livre a été pensé comme un livre de combat. Les artistes qui y participent renouent avec l'héritage de la littérature engagée du xxe siècle : lier les luttes, l'imaginaire et l'art.
C'est l'indignation anticoloniale ressentie au moment de la guerre du Rif qui amène le jeune écrivain surréaliste, Louis Aragon, a adhéré au PCF. Cet engagement se poursuivra tout le long de sa vie, comme un fil conducteur que l'on retrouve aussi bien dans ses actions et prises de position politique que dans son oeuvre poétique et romanesque. Pourtant, parce qu'avec Aragon rien n'est simple, cet engagement ne fut pas toujours sans ambiguïtés. Alain Ruscio s'attache à suivre la trajectoire anticoloniale du poète, même dans ses hésitations, qui furent souvent celles de son parti. Pourtant, Aragon s'employa constamment à exercer lucidement sa conscience, quitte à agacer au sein de son parti ou de certains écrivains de pays colonisés qu'il célébrait pourtant, comme Aimé Césaire.
À travers le Wen Fu, petit traité sur la littérature, Lu Ji (261-303) adresse aux poètes à venir une série de conseils et de recommandations, tout en légèreté, dont la beauté traverse les âges. Illustration par l'exemple qui apporte une preuve, s'il en fallait, de la perspicacité du poète et du caractère intemporel de l'essence poétique. Car, sinon la poésie, que peut-il y avoir de commun entre un poète de l'Antiquité chinoise, Lu Ji et un poète américain proche de la Beat generation, Sam Hamill (1943-2018), son traducteur, son frère ? La poésie, bien sûr, et «une conception rigoureuse du rôle fondateur, politique et moral du travail poétique». C'est à cette rencontre extraordinaire que nous convie Alexis Bernaut, auteur de la traduction française, qui commente: «â€‰Telle est la poésie, telle est l'histoire de la littérature à travers siècles et continentsÂ: une hache dont on a maintes fois changé tête et manche mais dont l'essence demeure. »
Pour la première fois, la voix de la poétesse cubaine Serafina Núñez est offerte au public français, non dans son intégralité, mais dans ce qui fut sa durée, sa permanence, malgré les aléas de l'histoire et des modes littéraires. Cette anthologie suit donc, du premier recueil de 1937 jusqu'au dernier de 2004, une destinée peu commune, méconnue, mais saluée par les plus grands écrivains et poètes latino-américains. Poétesse lyrique, sans doute ; Serafina Núñez chante la nature, l'amour, l'absence, les tragédies de l'histoire, mais aussi sa ville, La Havane, avec une touche de sensualité. Tout en donnant une idée de la variété des thèmes et des formes employés par la poétesse, l'ouvrage met en avant deux genre dans lesquels Serafina Núñez excella tout particulièrement : la grande « chanson », à tonalité élégiaque, et en vers libre, et surtout le sonnet - elle fut surnommée « la femme-sonnet » -, dont elle a peut-être épuisé les anciens secrets et qu'elle a, assurément, renouvelé.
« Mais je me dois de témoigner et de me risquer aussi à l'appréciation critique des uns et des autres. Le fil est ténu sur lequel je m'avance parfois comme un funambule. L'anecdote, la petite histoire, les circonstances ne peuvent pas être écartées simplement, avec mépris, comme le dehors de l'oeuvre, son extériorité, une sorte d'écume qui n'aurait rien à voir avec la vague, la vague du rêve, ce qu'on pourrait appeler la lame de fond qui la commande et la travaille férocement, tragiquement comme un couteau dans la plaie. C'est pourquoi je ne voudrais pas que la notion de circonstance, si importante chez Aragon, soit oubliée dans le placard surréaliste. La circonstance inscrit l'anecdote dans l'histoire d'un sujet pris dans le mouvement chaotique de l'Histoire.» Jean Ristat Les éditions Manifeste! republient la conférence prononcée en l'an 2000 à la Bibliothèque Nationale de France par Jean Ristat sur Aragon. Témoignage crucial pour comprendre le grand poète, essai biographique critique de poète à poète, retour sur une amitié exceptionnelle autant qu'étrange, dont un tableau du Titien tient peut-être les fils...
Cette republication s'accompagne d'Impair et passe, édité pour la première foisÂ: la dernière prise de parole en public (2019) de Jean Ristat sur le dernier Aragon, (dont il a été dit tant de bêtisesÂ!) et la relation féconde en créations qu'ils ont tous deux nouée.
« Avec Franck Delorieux, c'est un « lieu intérieur » plus cru qui est mis à nu. [...] Et dans ces corps-à-corps brutaux, sans nom, sans psychologie, sans réelle identité, mais animés d'une sensualité strictement animale où l'humanité ne se lit que dans l'échange des regards, on est en présence de scènes où l'érotisme paraît se dissoudre, à force de se fragmenter dans une désarticulation des gestes et des mouvements, un peu à la manière des tableaux de Francis Bacon. Un observateur commente parfois les scènes avec une précision anatomique dépourvue de tout jugement. Il n'y a ni cruauté, ni complaisance, ni provocation.
La détermination même du projet littéraire surprend le lecteur qui comprend rapidement que le but n'est pas de choquer. On n'est ni dans la pornographie vulgaire ni dans l'érotisme raffiné. On est dans ces zones neutres que prisait Foucault. Celles où l'image froide et précise, mécanique et désocialisée, se substitue aux relations de désir. » René de Ceccatty, Le Monde des livres, 11 novembre 2010.
Du 22 mai 1913 au 6 juin 1914, Rupert Brooke voyage aux Amériques, d'où il fait suivre, pour la Westminster Gazette, une série d'articles-reportages, qui seront publiés à titre posthume, dès 1916, avec la préface de James. Brooke pose sur les lieux, les peuples et les coutumes qui s'offrent à lui un regard pénétrant, tendre, d'où transparaît la fascination exercée par le Nouveau Monde sur un jeune représentant de la Vieille Angleterre. Ses facultés poétiques trouvent pleinement à s'employer dans les nouveautés du voyage: gratte-ciel de New York, grandes plaines du Canada, chutes du Niagara Cette imagination échevelée, cette expérience d'une terre neuve, vierge de mythes à peupler, n'empêchent pas le jeune socialiste idéaliste qu'il est, proche des idées des «Fabiens», de s'exercer à saisir les contradictions d'une jeune république pleine de vitalité, d'avenir, mais où déjà le dollar et la division des classes règnent en maîtres.
Pour la première fois réédité depuis sa publication originale en 1947, ce petit bijou d'écriture et de dessin porte la signature de deux artistes singuliers du XXe siècle : Elsa Triolet et Raymond Peynet. Imaginé par Elsa comme un conte merveilleux aux allures de « dessin animé », l'ouvrage est contemporain du Cycle d'Anne-Marie (Personne ne m'aime, 1946 et Les Fantômes armés, 1947) et donc porteur des mêmes obsessions, des mêmes angoisses. À y regarder et lire de plus près, tous ces décors colorés, enfantins, et cette écriture féérique cachent un envers plus sombre : le paysage d'une France et d'un monde décimés par la guerre et le fascisme, où la narratrice, en laquelle on reconnaît l'auteure, est entraînée dans une fuite en avant onirique et angoissée qui finit toujours, comme dans un cartoon, par une chute, ici douloureuse, moins tragique peut-être, que douce-amère.
L'oeuvre d'Henri Wallon, trop méconnue malgré le renom de son auteur, demeure d'un intérêt et d'une fécondité majeurs pour la psychologie et pour l'ensemble des sciences humaines et sociales. Définissant le psychisme et son développement comme se produisant à l'articulation et dans la contradiction entre le biologique et le social, cette oeuvre est un exemple très riche de dialogue exigeant entre la psychologie et les autres disciplines (philosophie, biologie, sociologie...), et déploie une pensée qui va à l'encontre de tous les réductionnismes aujourd'hui dominants.
Dans cet ouvrage sont présentés et commentés six articles parmi les vingt-et-un textes que Henri Wallon a publiés dansÂLaÂPenséede 1939 à 1960. Ces six articles ont été choisis par les trois auteurs pour leur double témoignage: celui d'une histoire intellectuelle de la création et de l'histoire de La Pensée et du mouvement rationaliste dont Henri Wallon a été un acteur majeur, et celui de la confrontation de Henri Wallon aux théories et concepts marxistes.
L'analyse et la discussion de cette confrontation permettent ainsi de mieux comprendre la place prise par ce qu'il appelait «la mentalité marxiste» dans l'évolution de sa pensée scientifique et l'orientation de ses travauxÂ: le développement de l'enfant et de l'adulte impliquant le développement de leurs milieux de vie matériels et symboliques, supports de l'individuation d'un social toujours présent.
Il s'agit ici de parler moins de l'homme que de son oeuvre, en l'inscrivant dans une société, un temps, des lieux, des institutions, des courants de pensée pour mieux comprendre l'engagement scientifique et politique de Henri Wallon et l'actualité de son oeuvre pour les sciences humaines et sociales d'aujourd'hui.
C'est avec toujours autant d'humour, qui n'exclut pas un certain sens du tragique, que Julien Blaine poursuit sans relâche ses obsessions et sa quête poétique d'une parole des origines, libérée du joug tyrannique des monothéismes, d'où son intérêt pour l'art et les cultures paléolithiques ou chamaniques. Comme de juste, chez Julien Blaine et dans un certain nombre d'auteurs d'avant-garde, le livre est autant l'accomplissement que la recherche en elle-même, l'aventure d'un corps qui se jette dans la poésie. D'où cette question qui surgit à l'entrée de la vieillesse : que faire lorsque le corps d'éternelle jeunesse de l'avant-garde a vieilli ?
L'auteur a rassemblé en un recueil anecdotes et historiettes, glanées au cours de son travail d'historien du colonialisme. De la « Mauresse de Moret », fille présumée de la Reine sous Louis XIV, jusqu'à l'assassinat de Maurice Audin par l'Armée française en 1957, en passant par la contribution surprenante d'un célèbre magicien à l'« Å«uvre coloniale », le lecteur traverse une galerie d'histoires parfois drôles, joyeuses, tristes, banales, épiques, mais toujours glaçantes, avec son lot de personnages connus ou inconnus, grotesques ou tragiques, qui font apparaître, en creux, l'image cohérente d'un passé qui a parfois bien du mal à passer... Un recueil qui réconcilie avec brio histoire et microhistoire, dans un style alerte qui n'enlève rien à la rigueur de l'historien.
Poète, dramaturge, essayiste, romancier, journaliste, VitÄ›zslav Nezval (1900-1958) est l'un des plus grands poètes tchèques du XXe siècle. Il fut l'un des principaux initiateurs du mouvement littéraire et artistique tchèque appelé «Âpoétisme». Ce mouvement (influencé d'un côté par Apollinaire et de l'autre par le futurisme russe de Maïakovski) prônait un art nouveau, capable de transcrire le merveilleux moderne. Il défendait un art de la vie, dans ses changements, un art à la fois réaliste, populaire, et d'une réjouissante fantaisie. Pour les poétistes la poésie est l'expression même de la faculté humaine essentielle : la liberté d'imaginer, de créer et d'inventer. Son recueil le plus célèbre, Prague aux doigts de pluie (1936), issu de la période surréaliste, est donné ici pour la première fois dans son intégralité en français, traduit par François Kérel, qui a bien connu Nezval, et à qui l'on doit également d'autres traductions de Nezval et de Mandelstam.
Chacun a perçu la continuité entre, d'une part les « premiers de corvées », soignants, livreurs, routiers, ouvriers, éboueurs, caissières, etc., en première ligne, à la fois victimes et combattants contre la Covid 19, et d'autre part le mouvement des Gilets Jaunes quelques mois plus tôt. Faisant mentir tous ceux qui prédisaient leur disparition, les prolétaires ont de nouveau fait irruption sur la scène médiatique. Les « inutiles » devenaient indispensables. Partout, des mouvements sociaux bousculent l'ordre établi, du Chili jusqu'en Inde où s'est déroulée la grève la plus massive de l'histoire. Ce n'était pas au XIXe siècle ! Il s'agit par cet ouvrage de prolonger ces mouvements, de contribuer aussi à leur émergence dans la sphère des idées ; de secouer le discours qui déforme la réalité des sociétés des années 2020 et en particulier la société française ; de contribuer à la prise de conscience de l'importance des prolétaires ; et d'aider à leur unité.
La poésie n´est pas réservée aux grandes personnes. Les enfants apprécient la poésie pour peu qu´on la leur fasse découvrir. Dès leur plus jeune âge, on peut tout leur lire, même les poèmes qui semblent difficiles. Ils les écoutent, les engrangent, en comprennent des morceaux petit à petit, apprennent de nouveaux mots, rient aussi. Et ils en redemandent. L´autrice de ce florilège en a fait l´expérience auprès de ses enfants puis de ses petits-enfants. D´Agrippa d´Aubigné à Andrée Chedid en passant par Alphonse Allais, Louise Michel, Victor Hugo ou Robert Desnos, cette anthologie illustrée de plus d´une centaine d´auteurs dépoussière certains textes, nous en fait découvrir d´autres. Plus qu´un livre pour enfant, ce florilège est un recueil à lire aux enfants. Il participe à faire de la poésie un moment de partage familial et privilégié.
Le livre de John Berger retrace la relation de l'auteur et de la société au tabagisme. Il souligne poétiquement les contradictions des campagnes de lutte antitabac, qui culpabilisent l'individu, par exemple, et oublient de parler de la fumée des usines… Les dessins de Selçuk Demirel répondent à ces questionnements par une floraison de fumées évoquant des « phylactères », ces bulles utilisées dans la peinture du XVIIe siècle jusqu'aux bandes dessinées. L'aspect contemplatif et mélancolique des dessins de Selçuk Demirel met l'homme face à la nature et à l'industrie. On ressort de ce livre avec une nouvelle perspective face à une problématique sociétale qui divise encore aujourd'hui l'opinion publique. Traduit pour la première fois en français, Smoke est un livre posthume, qui conclut, de façon presque testamentaire, la collaboration entre l'écrivain et le dessinateur. La camaraderie qui empreint ces pages apporte une chaleur à un débat souvent marqué par la froideur médicale. .
Les auteurs imaginent que Marx et sa fille Jenny se rendent clandestinement à Paris pendant la Commune. Ils rencontrent les principaux acteurs : Eugène Varlin, Léo Frankel, Elisabeth Dmitrieff, Louise Michel. Marx suit les événements avec passion et donne parfois son avis.
Une uchronie sous forme de docu-fiction très vivante et informée. Une introduction à l´histoire de la Commune, et un portrait de Marx et de sa fille, non dénué d´humour et de tendresse.
Renato Leduc, reprenant la tradition mexicaine des fables et fabliaux, la détourne ici pour en offrir une version à son imageÂ: fantasque, ironique et grivoise, dans une veine libertaire (voire libertine) que n'auraient pas reniée ses amis surréalistes. Morts d'el dia de los muertos, cocus, girafes, coyotes ou berceuses se succèdent dans une frénésie joyeuse dont les dessins de Leonora Carrington, réalisés expressément pour le livre, redoublent la farandole dans un rouge-sang cruel. Résultats d'une rencontre, d'un amour entre deux créateurs singuliers du vingtième siècle, ces quinze fabliaux illustrés sont une curiosité à lire avec délectation.
Contrairement à la plupart des poètes arabes de sa génération, Ouled Ahmed ne s'est pas engagé poétiquement en politique, mais il s'est engagé en poésie politiquement. Dommage qu'ils n'aient pas pris modèle sur lui et sur son engagement, leur poésie aurait ouvert un espace de création à partir de la relation entre la vision politique et la vision poétique. Ainsi sa poésie paraît différente : par son individualité, sensiblement et tendrement ; par son regard, du point de vue de la compréhension et de la clairvoyance. La politique et l'idéologie, dans sa poésie, sont restées pareilles à un nuage qui n'indique pour celui qui regarde que ce qui ressemble à la promesse ou aux signes d'une petite pluie passagère. C'est ainsi qu'a vécu Ouled Ahmed dans l'agitation politique et idéologique, à l'instar d'un oiseau dans une forêt : ne fréquentant pas les denses ombrages, il résidait au coeur de la clairière lumineuse, solitaire dans les bras d'une branche solitaire. Adonis 14 janvier 21
Jack Hirschman est né à New York en 1933 et est mort à San Francisco en 2021. Il fut l'ami de poètes de la Beat Generation, comme Lawrence Ferlinghetti, dont il partage le refus de la guerre et le rejet du capitalisme américain ; mais son parcours est différent. Sa poésie est à la fois révolutionnaire par ses thèmes et par sa forme. Il fut aux côtés des sans logis, des immigrés, des Noirs, des Latinos, des femmes en lutte... Et sa parole poétique, qui ne recule ni devant le métissage ni devant les néologismes, transfigure l'idiome américain. Marxiste, il était aussi un passionné de la Kabbale ou l'un des traducteurs d'Antonin Artaud en américain. Il a d'ailleurs traduit de très nombreux poètes (comme Pasolini, René Depestre, Aït Djafer...) Son Å«uvre qui comprend une centaine de titres et son activité militante inlassable pour un monde plus fraternel en font la figure majeure de la Street poetry aux États-Unis.
Serge Fauchereau propose un recueil de textes littéraires personnels. Alors que la main droite assure les activités professionnelles de l'auteur, ces écrits « de la main gauche », semblent avoir vu le jour entre deux portes, entre deux voyages et assument volontiers le décalage qu'ils offrent à la lecture. Décalage vis-à-vis de de l'époque et de la vie publique de l'auteur, comme dans la « Danse Mabraque », danse macabre du nouveau millénaire. Ce pas de côté permet pourtant de se concentrer sur l'essentiel de l'existence : l'intime, l'amour, les souvenirs d'enfance, les voyages et la découverte d'autres cultures, comme celle du Mexique, dont Serge Fauchereau est devenu l'un des spécialistes. Richement décoré par les amis artistes de l'auteur, avec en couverture son portrait par Hervé Télémaque et, à l'intérieur, dix reproductions d'Å«uvres du sculpteur José Abad spécialement réalisées pour lui, De la main gauche livre dans un style imagé et poétique un véritable autoportrait de l'âme.
En libertin moderne, la posture de Roger Vailland est profondément éthique. Sagesse antique d'un homme qui achève sa vie par ces paroles à Elisabeth : « Mon amour, quel bonheur. Comme je suis heureux. » En libertin moderne, la posture de Roger Vailland est profondément politique. Goût et sens du bonheur, goût et sens du plaisir, Roger Vailland avait bien raison d'affirmer qu'il n'est plus qu'un scandale possible, c'est d'être communiste. Épuisé depuis plusieurs années, le recueil d'essais de Franck Delorieux sur la vie et l'Å«uvre de cet écrivain si singulier qu'est Roger Vailland (1907-1965), paru initialement en 2008, reparaît dans une version corrigée et augmentée de plus d'un tiers pour cerner au plus près, et d'un regard passionné, le « cas » de Roger Vailland, qui fut un temps proche des surréalistes, avant de rejoindre la Résistance, le rationalisme, le Parti communiste, tout en affichant un libertinage de pensée et de mÅ«urs dont il fut, au XXe siècle, le principal théoricien.