Signé Ajar, ce roman reçut le prix Goncourt en 1975. Histoire d'amour d'un petit garçon arabe pour une très vieille femme juive : Momo se débat contre les six étages que Madame Rosa ne veut plus monter et contre la vie parce que «ça ne pardonne pas» et parce qu'il n'est «pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur». Le petit garçon l'aidera à se cacher dans son «trou juif», elle n'ira pas mourir à l'hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré «des peuples à disposer d'eux-mêmes» qui n'est pas respecté par l'Ordre des médecins. Il lui tiendra compagnie jusqu'à ce qu'elle meure et même au-delà de la mort.
D'un côté, le sable et de l'autre, la neige. C'est avec ces deux couleurs et ces deux éléments que Chantal Thomas nous offre un bouleversant autoportrait, campé entre les plages de son enfance à Arcachon et au Cap ferret et la ville de Kyoto aujourd'hui, sous la neige d'un 31 décembre, ville mélancolique, ville magique. En passant par les semaines à la campagne, avec Louisette, la fille des fermiers, dans la maison d'enfance de son père, Le Petit Palet, près de Saintes.
Les lieux, les temps et les dates se chevauchent, mêlant la joie, la liberté, la cocasserie et les jeux de l'enfance à la gravité et le mystère d'un père silencieux, mutique, qui mourra très jeune, à quarante-trois ans.
Les vagues de l'Océan rythment le récit. La Grande Dune, les excursions au Cap Ferret, le bateau, le petit train, les aiguilles de pin, les huîtres, l'ivresse des mots et du vin, l'amitié, les poupées, le ski, les parties de pêche avec le père, les promenades en bateau deviennent ici des « Mythologies ». Le calme d'un côté, la violence de l'autre. Toute une fresque pour dire la beauté des choses et la puissance de leur silence. Dans l'intimité d'une mémoire, écrite dans une langue faite d'élégance et de grâce pour exprimer des sensations les plus fugitives tout en faisant l'éloge du déplacement. De sable et de neige, ou l'art de vivre dans l'instant.
Les photos d'Allen Weiss en gros-plan couleurs accompagnent délicatement le voyage, ponctué également de photos d'enfance et d'estampes japonaises.
CHANTAL
'Je me souvenais qu'un jour, dans une plaisanterie sans gaîté, Charlotte m'avait dit qu'après tous ses voyages à travers l'immense Russie, venir à pied jusqu'en France n'aurait pour elle rien d'impossible [...]. Au début, pendant de longs mois de misère et d'errances, mon rêve fou ressemblerait de près à cette bravade. J'imaginerais une femme vêtue de noir qui, aux toutes premières heures d'une matinée d'hiver sombre, entrerait dans une petite ville frontalière. [...]. Elle pousserait la porte d'un café au coin d'une étroite place endormie, s'installerait près de la fenêtre, à côté d'un calorifère. La patronne lui apporterait une tasse de thé. Et en regardant, derrière la vitre, la face tranquille des maisons à colombages, la femme murmurerait tout bas : "C'est la France... Je suis retournée en France. Après... après toute une vie."' Ce roman, superbement composé, a l'originalité de nous offrir de la France une vision mythique et lointaine, à travers les nombreux récits que Charlotte Lemonnier, 'égarée dans l'immensité neigeuse de la Russie', raconte à son petit-fils et confident. Cette France, qu'explore à son tour le narrateur, apparaît comme un regard neuf et pénétrant sur le monde.
Au sortir de la Grande Guerre, la biguine, une musique nouvelle venue des Antilles, conquiert le Tout-Paris. Elle prend ses quartiers au Bal de la rue Blomet, au coeur de Montparnasse. Là, des célébrités (Joséphine Baker, Foujita, Ernest Hemingway, Robert Desnos...) croisent des anonymes, des ouvriers côtoient des intellectuels. Noirs, Blancs, métis, femmes du monde ou de petite vertu se mêlent dans un joyeux chahut, amours et amitiés se font et se défont sur des rythmes endiablés. C'est là que se rencontrent Anthénor Louis-Edmond, vétéran noir de la bataille des Dardanelles, Frédéric Clerville, jeune Mulâtre fils d'un brillant avocat de Fort de France en rupture de ban avec sa famille, Elise, domestique d'anciens coloniaux... Tous les trois sont martiniquais : destins croisés d'exilés sur fond de biguine, de valse et de mazurka en quête de l'amour vrai ou de jouissances immédiates...Avec sa verve incomparable, Raphaël Confiant redonne vie à ce lieux mythique, et plus généralement au Paris glorieux des Années folles, dessinant en filigrane la nostalgie d'un paradis perdu...
Mères de famille comparant les mérites de leurs nounous respectives ; parents ouverts à la mixité sociale mais ayant fait le choix de l'enseignement catholique pour leur progéniture ; jeune épouse ne sachant pas comment parler à sa femme de ménage ; trentenaire dévouée à la carrière de son mari redoutant le désoeuvrement...
Les personnages de femmes peuplant le recueil d'Astrid Eliard ont en commun d'appartenir à une même classe sociale, la bourgeoisie. Néo-bobos d'aujourd'hui, de vieille tradition française, ou parvenues récentes, tour à tour ridicules ou attachantes.
Renouant avec le ton doux-amer de son premier recueil de nouvelles, Nuits de noces, Astrid Éliard croque ses personnages avec une tendre ironie, souligne leurs tics sans jamais les juger et propose une galerie de portraits hauts en couleurs.
Lorsqu'on a besoin d'étreinte pour être comblé dans ses lacunes, autour des épaules surtout, et dans le creux des reins, et que vous prenez trop conscience des deux bras qui vous manquent, un python de deux mètres vingt fait merveille. Gros-Câlin est capable de m'étreindre ainsi pendant des heures et des heures. Gros-Câlin paraît au Mercure de France en 1974. Il met en scène un employé de bureau qui, à défaut de trouver l'amour chez ses contemporains, s'éprend d'un python. L'auteur de ce premier roman, fable émouvante sur la solitude de l'homme moderne, est un certain Emile Ajar. La version publiée à l'époque ne correspond pas tout à fait au projet initial de son auteur qui avait en effet accepté d'en modifier la fin. On apprendra plus tard que derrière Emile Ajar se cache le célèbre Romain Gary. Dans son ouvrage posthume, Vie et mort d'Emile Ajar, il explique l'importance que revêt, à ses yeux et au regard de son oeuvre, la fin initiale de Gros-Câlin. Il suggère qu'elle puisse un jour être publiée séparément... Réalisant le souhait de l'auteur, cette nouvelle édition qui paraît aujourd'hui reprend le roman Gros-Câlin dans la version de 1974, et donne en supplément toute la fin " écologique ", retranscrite à partir du manuscrit original.
Qui a tué le roi Hamlet ? Sa veuve, la reine Gertrude ? Son frère Claudius, devenu roi en épousant la veuve ? Le jeune prince Hamlet, visité par le fantôme de son père, les soupçonne tous deux... "Il est admis par tous qu'Hamlet est plus vivant qu'un homme qui passe." Alfred Jarry.
" j'ai longtemps rêvé que ma mère était noire.
Je m'étais inventé une histoire, un passé, pour fuir la réalité à mon retour d'afrique, dans ce pays, dans cette ville oú je ne connaissais personne, oú j'étais devenu un étranger. puis j'ai découvert, lorsque mon père, à l'âge de la retraite, est revenu vivre avec nous en france, que c'était lui l'africain. cela a été difficile à admettre. il m'a fallu retourner en arrière, recommencer, essayer de comprendre.
En souvenir de cela, j'ai écrit ce petit livre. ".
Dans cet ouvrage de caractère autobiographique, l'auteur nous invite à un double voyage. Le lecteur suit d'abord Offutt dans ses pérégrinations picaresques d'une côte à l'autre, à partir du moment où, quittant son Kentucky natal, il part, pionnier moderne à la recherche de lui-même et de «nouveaux territoires», sur les traces de Daniel Boone. Ces Wanderjahre lui permettent de rencontrer une femme, Rita, avec laquelle il éprouvera enfin le désir de se fixer et de fonder une famille. C'est alors que l'autre voyage, plus intérieur, peut commencer, celui qui mène à la maturité et à la paternité.Habilement, Chris Offutt construit son livre en faisant alterner, selon un système d'échos subtils, les aventures dramatiques ou burlesques de son narrateur - une sorte de Mohican naïf et nihiliste - aux quatre coins du pays, et le récit de la vie du couple et de la grossesse de Rita sur les bords du fleuve Iowa. Histoire d'une double naissance, c'est la gestation du fils qui accomplira la maturation du père, désormais écrivain, et signera son entrée dans l'«âge d'homme».
«Elle était Séréna l'énigme, la petite Égyptienne jamais contente et, me semblait-il, malheureuse. Celle qui cherchait dans les romans, les nouvelles, les poèmes des morceaux de vie à coller sur sa propre vie pour en modifier les contours et lui donner du sens. Comme si son existence de jeune fille issue d'un milieu apparemment aisé ne lui suffisait pas, trop étroite pour ses rêves, ses désirs, sa rage de vivre.»Au départ, la brève apparition d'une silhouette blanche dans la foule d'un aéroport. Celle d'une femme qui obsède la narratrice et dont elle va dérouler l'histoire tressée à la sienne depuis des décennies.Jeune professeur de français dans un lycée de Montpellier, la narratrice est intriguée par une élève arrivée en cours d'année, Séréna, qui prétend être née à Alexandrie. Des années plus tard, elle retrouve Séréna dans l'atelier d'écriture qu'elle anime désormais. Mais la femme nie être l'adolescente et dit s'appeler Thérèse. Pourquoi cette double identité et ce refus d'avouer qui elle est ? Variation sur le mensonge, la vérité et le silence, le roman de Michèle Gazier est aussi un hommage à la littérature.
Ils ne m'aiment pas et je ne les aime pas. Sans l'insistance de Suzanne Maupu, on se serait débarrassés les uns des autres sans autre forme de procès. Je n'aurais jamais su qui était mon père et peut-être n'en aurais-je pas été plus maudit pour autant. J'aurais mis le monde entre ces gens et moi.Moissons 2015, au coeur de la Beauce. Yanis, dix-sept ans, est de retour dans la ferme fortifée des Maupu, où il a séjourné quelques étés, petit. L'adolescent métis fait tache dans le décor:il vient des cités de Dreux, il a les cheveux longs et c'est un élève brillant. Il fait peur aussi. Que veut-il? Venger sa mère, Soraya, longtemps en confit avec les Maupu? Demander réparation pour lui-même?Le patriarche le rejette, les fils et les brus cachent à peine leur mépris. Suzanne, la femme du patriarche, fait exception, heureuse de retrouver dans les traits du jeune homme ceux de son fils mort à moto. Pourtant, ce n'est pas vers elle que Yanis se tourne mais vers un saisonnier américain, comme lui orphelin, dont il tombe amoureux.Le fils errant donne à entendre la voix émouvante d'un être en devenir, qui se débat avec ses origines et, par ses questions, par l'urgence de son désir, ébranle un monde archaïque.
Textes choisis et présentés par Brigit Bontour
La fille ne regardait pas l'objectif, d'ailleurs elle ne regardait rien, à part peut-être une pensée, un regret, un projet ? à l'intérieur d'elle-même. Elle ne souriait pas. Elle était tout simplement absente. En quelques jours, une foule innombrable de gens croisa ce visage. Et tous se dirent qu'elle avait l'air de poser pour son propre avis de recherche. Lorsqu'elle constate la disparition de sa fille Adèle, seize ans, Marion panique. Fugue ? accident ? Elle prévient son ex-mari, la police... Au fil des heures, l'angoisse croît. Adèle reste introuvable. Quelques jours plus tard, un attentat perpétré par Daech au Forum des Halles tue vingt-cinq personnes. Et si Adèle faisait partie des victimes ? Sans relâche Marion appelle les numéros verts, les ministères, scrute la presse, les réseaux sociaux, traque les moindres indices... Jusqu'au jour où, sur une image saisie par une caméra de surveillance, elle reconnaît Adèle, dissimulée sous un hidjab... Sidération, incompréhension, culpabilité. L'inexorable quête d'une mère pour retrouver sa fille commence.
Émouvants, cocasses, ironiques, drôles, mélancoliques, intimes, professionnels, amoureux... Éclats de vie, les souvenirs de Denis Podalydès sont multiples et composent, mis bout à bout, un portrait étonnant.De l'enfance à l'âge adulte, de la librairie de sa grand-mère au bureau d'un ministre de la Culture, des vacances en Bretagne à l'appartement familial versaillais, de Jacques Higelin à Michel Leiris, de Corneille à Maurice Pialat... Denis Podalydès raconte, avec truculence ou à mots feutrés, des moments clés de son existence, parlant avec jubilation de son travail de comédien.C'est l'amour de la langue, des écrivains, de la littérature et du théâtre qui, depuis toujours, l'a guidé, nourri et construit. C'est le plaisir des mots qu'il partage ici, avec un indéniable talent de conteur.
«Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles. Ma vie est dans les marais, les vignes, les vagues. Qu'importe ici qui dit je. Écrire à la main, nager dans l'encre bleue, voir le liquide s'écouler sont des expériences fondamentales. Je vis à la limite d'une réserve d'oiseaux, mouettes rieuses, goélands, faucons, sternes, bécasseaux, canards colverts, hérons. Ah être un oiseau ! Dans la maison, tous les matins, je laisse Richter jouer Haydn, on pourrait l'écouter sans cesse, ré mineur, concert public de Mantoue, notes vives et détachées, j'aime le futur immédiat, je ne crains pas la répétition, jeu enfantin, cercle qui ne va nulle part, on écrit toujours pour une voix disait Beckett, pas de voix, pas de notes ni de mots. Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible.»Il y a de la magie dans la vie et dans l'oeuvre de Philippe Sollers, écrivain, éditeur, critique, solitaire, paradoxal, et merveilleux visionnaire. Une magie née de sa passion pour la littérature, la poésie, la nature et la musique, pour la rencontre amoureuse, pour l'art du secret et de l'intime. Philippe Sollers, en agent secret ? Tel est le pari de ce singulier et bouleversant autoportrait.