Denise Desautels est aujourd'hui une des grandes voix de la littérature de langue française. Sa bibliographie imposante, la haute exigence dont témoigne son itinéraire, ainsi que les distinctions majeures qui lui ont été décernées devraient attirer l'attention sur son oeuvre. Mais voilà : elle vit au Québec, et la littérature d'outre-atlantique accède difficilement aux lecteurs de Vieille France. Il est vrai aussi que Denise Desautels n'a pas le goût de la publicité. Sa discrétion transparaît dans des notes biographiques extrêmement pudiques, alors que ses textes suggèrent tant de conflits et de blessures. Le ton de ses textes est âpre, rude, sans concession, mais toujours dans l'ellipse, la distance, la retenue. Pendant la mort ou Tombeau de Lou sont significatifs de cette démarche radicale, de cette attitude frontale face à l'interrogation ultime.
Ce tout nouveau livre de Denise Desautels, L'angle noir de la joie, est publié en coédition avec les Éditions du Noroît (Québec) dans le cadre du Prix de Littérature francophone Jean Arp 2010. Denise Desautels est le troisième auteur non français à recevoir de ce Prix (après le Belge Marcel Moreau et la Luxembourgeoise Anise Koltz) et la deuxième femme (après Anise Koltz).
Les créateurs littéraires sont confrontés aujourd'hui à une massification de la culture sans précédent dans l'Histoire. Elle s'exprime à travers la marchandisation du marché du livre et ses corollaires : la normalisation des produits et l'exigence d'un succès immédiat. Elle s'exprime également à travers une pression croissante des cultures dominantes de l'économie mondialisée, au préjudice des langues minoritaires, menacées de marginalisation et d'éviction du marché éditorial. Le Prix de Littérature Francophone Jean Arp veut mettre en avant le français comme langue choisie - cas d'un Beckett, d'un Ionesco ou d'un François Cheng -, et non pas comme langue subie. Comme langue de résistance à une mondialisation uniquement fondée sur la marchandisation et la massification.
Le coeur et autres mélancolies comporte des textes autour de l'image du père et un journal de résidence, qui alternent, ce qui permet à leurs mélancolies de se relayer. Un "appendice" suit, par nécessité.[...] Une autre forme de journal. Pour que le lecteur/la lectrice n'ait jamais l'impression d'être tenu(e) à l'écart.
« Lettre à mon fils aurait pu être un autre sous-titre.
Le parc Lafontaine, en un seul mot comme autrefois. Cest ce que javais spontanément répondu à Paul, ami poète et éditeur, qui minvitait il y a déjà dix ans à participer à la collection « Lieu dit » quil venait de créer aux Éditions du Noroît.
Pourquoi ? Parce que jy ai passé presque toute ma vie, de la petite enfance à aujourdhui, et quil occupe depuis près de 40 ans beaucoup de place et de pages dans mon travail de création quil est donc déjà lié à lacte décrire. En fait, il se retrouve, conjugué à plusieurs temps époques et saisons diverses dans plusieurs de mes livres, et tout particulièrement dans La promeneuse et loiseau (1980), Tombeau de Lou (2000), Pendant la mort (2002) et La marathonienne (2004). Comme lieu de refuge ou de liberté, de plaisir ou deffroi, de promenade ou denlisement, de réflexion ou de fuite.
Mais surtout surtout parce que tout récemment jai pris conscience quil était beaucoup plus quun lieu à côté duquel javais vécu. Quil était en fait ma maison, la maison denfance ou de famille que je nai jamais eue. Sy empilent comme dans un grenier ou une cave des tas de souvenirs, des plus intimes aux plus historiques. Cest dans ce cur francophone de Montréal, en pleine « Grande noirceur », entre le monument à L.-H. La Fontaine, les ours noirs de lancien zoo et la statue à Dollard, que jai entendu pour la première fois le mot « orpheline » ; là que, depuis, la mort na jamais cessé de rôder ; là pourtant que lart et les livres existent.
Or, cest parce que la mort y a été très présente comme dans mes livres , et que mon fils men a fait un jour la remarque, que jai eu envie de madresser à lui dans ce texte, sorte dautofiction qui comporte deux parties : une première dune trentaine de fragments disons archéologiques où sentremêlent le privé et le collectif, et une seconde où, après Joe Brainard, Georges Perec et quelques autres, je reprends la forme des Je me souviens. » D.D.
QUATRE UNIVERS, QUATRE SENSIBILITÉS.
UN MÊME MONDE : LA POÉSIE.
Marcher sur un fil entre deux cumulus la pesanteur du monde sur ta nuque Denise Desautels Ma peur incendie le matin m''apporte le rêve sur son aile immense Rachel Leclerc Le corps s'allège.
La tête s'envole au-delà des nuages.
Paul Chanel Malenfant Sans dire un mot, le souffle court, je me précipite vers le ciel Serge Patrice Thibodeau