Le nom propre est un marqueur identitaire dont la transmission relève du don, de la filiation et du performatif (religieux ou juridique). Il constitue de la sorte un point d'ancrage nécessaire, mais néanmoins fragile puisqu'il peut s'avérer non reconnu, faisant alors vaciller l'ordre de la représentation, comme c'est le cas dans Le Colonel Chabert de Balzac. La nécessité pour le sujet d'être inscrit dans un nom propre reconnu est encore manifeste malgré l'usage du pseudonyme, support de la mascarade identitaire du Narrateur dans Aziyadé de Pierre Loti. L'analyse de Noms de pays : le nom de Marcel Proust permet enfin d'expliciter que le nom propre n'est pas que le lieu d'une rêverie cratylienne, mais le lieu aussi d'une expérience de l'altérité, du non-maîtrisable, de l'arbitraire. Ces trois études sur le nom propre sont donc l'occasion d'une réflexion sur le sujet, l'identité et la représentation.
Parole coupée, bouche bée, yeux grands ouverts, sourcils levés... Plutôt que langagière, l'expression de la surprise serait d'abord le fait du corps. On se propose dans cet ouvrage d'interroger de manière critique, voire de contrebalancer cette tendance habituelle à ranger l'expérience de la surprise du côté du silence et de l'indicible : au lieu de faire signe vers les éventuelles limites du langage et des différentes langues naturelles, la surprise ne fait-elle pas plutôt ressortir la richesse des ressources du langage et la plasticité du fonctionnement des langues ?
Comment se dit donc la surprise ? Dans quelle mesure son expression varie-t-elle d'une langue à l'autre ? Le dire de la surprise est-il en lui-même un agir, à son tour producteur d'effets ? Ces interrogations nous ont invités à réfléchir tant au lexique de la surprise qu'aux formes d'expression au moyen desquelles la surprise peut être non seulement exprimée, mais aussi décrite, racontée, ou bien encore rationalisée, dans la langue courante, dans la logique comme dans la littérature.
L'itinéraire intellectuel de Josette Rey-Debove est remarquable. Devenue la première femme autrice de dictionnaires dans le domaine français, elle élargit cette pratique exigeante non seulement à l'étude approfondie de la lexicographie, mais à celle de la linguistique française en tant qu'ouverture sur une science très générale du langage et des signes.
Le présent recueil, composé de textes inédits ou d'accès difficile, illustre la créativité avec laquelle elle sut concilier une grande cohérence théorique et les complexités de la pratique - la vie tumultueuse des mots, l'écriture, l'orthographe, l'enrichissement indispensable de l'expression du féminin, la nature même de la littérature, l'apprentissage... Ces richesses sont mises au service d'un « amour immodéré » (Le Monde, 1997) de la langue française, sous toutes ses facettes et dans son universalité.
Les crises idéologiques se manifestent par l'émergence de nouveaux langages, qui permettent de rallier des disciples. Les concepts sont souvent des mots d'ordre (inclusivisme, décolonisation, intersectionnalité) qui servent à condamner ceux qui les questionnent. L'écriture dite « inclusive », par exemple, illustre comment une revendication sociale annule un savoir (en l'occurrence linguistique) et légitime une forme d'intimidation morale.
Dans l'université ou les médias, la sommation idéologique prend désormais un ton comminatoire. La langue devient le lieu d'un discours doctrinal qui est simultanément un moyen d'exclure les adversaires et de propager les connivences militantes: qui n'adhère pas au nouveau dogme est passible de « cancellation ».
L'urgence de rationalité a mobilisé des linguistes pour fournir des analyses à ces distorsions et dérives, où se mêlent rhétorique et idéologie.
Avec les contributions de :
Sonia Branca-Rosoff, Jean Giot, Yana Grinshpun, Danièle Manesse, John McWhorter, François Rastier, Georges-Elia Sarfati, Jean Szlamowicz, Chantal Wionet.
Ce livre traite tout aspect concernant la présence et le rôle de la grammaire dans le dictionnaire. Elle s'y intègre, en le transformant en miroir de la langue générale et de ce qui est « juste ». Lexicalisation et grammaticalisation sont inséparables.Le dictionnaire décrit la grammaire de façon rationnelle et fonctionnelle. Sa signalisation est une sorte de « degré zéro » à la Roland Barthes. Mais c'est la grammaire qui permet au dictionnaire de quitter le monde des glossaires, et de ne pas être une simple liste de mots. C'est du « métalangage connoté » (J. Rey-Debove). De discipline restreinte, la grammaire se fait discipline universelle. La linguistique prend un autre chemin.On n'enseigne plus la grammaire, ou on l'enseigne mal : les résultats catastrophiques sont devant nous. Le dictionnaire pourrait être l'une des solutions pour sortir de cette impasse.
Longue serait la liste des crises de natures diverses, des catastrophes naturelles, des séismes qui se sont succédés, remettant au passage en question les certitudes de maîtrise de la nature et de la société que nous nous étions forgées. Si les incertitudes d'origine naturelle ont longtemps marqué la conduite des activités humaines, d'autres, liées aux activités de l'homme, ont désormais pris l'ascendant. Elles alimentent nombre de controverses autour des choix politiques ou des changements techniques et scientifiques. On ne peut désormais plus prétendre dominer aisément des incertitudes. Celles-ci ne sont plus des phénomènes résiduels dont il faut «débarrasser» nos décisions. Mais alors, la question du maîtrisable, celle de la « gestion des risques » doit-elle être posée à nouveaux frais. Quelles récuperssions peut-elle avoir auprès d'individus contemporains appelés à se responsabiliser, à se maîtriser eux-mêmes, à défaut de pouvoir maîtriser le sort et les incertitudes les plus radicales ? Des incertitudes qui ne sont pas réparties également car, que l'on soit homme ou femme, habitant du Nord ou du Sud, que l'on habite quelque quartier chic ou, au contraire, quelque bidonville, nous ne sommes décidément pas égaux face aux risques.
La première modernité constitue un âge d'or des conjurations. Celles-ci génèrent une ample littérature politique et ne cessent d'inspirer l'écriture de l'histoire. Les oeuvres rassemblées dans ce volume en présentent trois déclinaisons différentes dans la seconde moitié du XVIIe siècle : La Conspiration de Wallenstein (1655) écrite par Jean-François Sarasin, La Conjuration des Espagnols contre la République de Venise (1674) de Saint-Réal et l'histoire secrète d'Eustache Le Noble intitulée De la conjuration des Pazzi contre les Médicis (1698).
De façon chaque fois singulière, la matière des conjurations se prête ici à l'expérimentation formelle qui caractérise cette période décisive pour l'évolution des poétiques de l'histoire et du roman. Elle permet en effet de réfléchir à de nouvelles manières de concevoir la vraisemblance, de motiver les personnages, de toucher et d'intéresser le lecteur. Les lieux communs politiques et moraux du discours des conjurations sont ainsi exploités dans une perspective esthétique plus qu'idéologique.
Pourtant, en sondant les secrets des princes et de la domination politique pour le plaisir du lecteur, les oeuvres du volume contribuent aussi, avec le vaste ensemble d'une polygraphie historique alors en plein essor, à développer des modes d'analyse critique du pouvoir bientôt appelés à jouer un rôle déterminant au siècle des Lumières.