Un athée, un croyant. Deux philosophes.
Une leçon d'humanité.
Renouant avec les disputes médiévales, le penseur André Comte-Sponville et le philosophe-théologien Philippe Capelle-Dumont entrent en dialogue. Au fil de leurs argumentations rigoureuses et vivantes, exigeantes et claires, ils nous montrent la voie du débat intellectuel où se fondent ensemble le respect à l'égard de l'autre et la loyauté commune envers la vérité.
1934. Réfugié en France, travaillant sous l'architecture de fer de la Bibliothèque nationale, l'écrivain et penseur allemand Walter Benjamin reprend son ancien projet de consacrer un ouvrage aux passages parisiens. Il l'avait conçu quelques années plus tôt comme une féérie dialectique proche, par l'inspiration, des déambulations surréalistes de Breton et surtout d'Aragon. Mais l'Europe tourne à l'abîme. Désormais, ce sera un livre constituant non seulement une histoire sociale de Paris au xixe siècle, comme l'annonçait l'institut de recherche sociale d'Adorno et Horkheimer, mais encore un essai d'interprétation globale du xxe siècle et de son équivoque modernité.
À partir des passages de la capitale française, Benjamin déchiffre les figures équivoques d'un rêve qui meurt sous ses yeux sur fond de verre et d'acier. Il décrypte des concepts tels que la ville, la construction, la communication, le transport. Des catégories telles que la distraction, la mode, l'oisiveté, l'intérieur, le miroir, l'ennui. Des événements tels que l'inauguration, l'exposition, la manifestation, l'incendie. Des figures telles que le passant, le joueur, le collectionneur.
Revenant au commencement des phénomènes et des techniques de masse, mesurant leur portée philosophique et politique, brossant un extraordinaire hommage critique à une cité capitale, à son architecture, à ses artistes et à ses écrivains, c'est une fragile aspiration utopique et une promesse oubliée de liberté qu'exhume Walter Benjamin. Car ce sont d'ores et déjà celles d'un monde révolu, prêt à plonger dans l'horreur.
Une contribution essentielle au patrimoine universel de la littérature.
La philosophie sociale moderne, depuis machiavel et hobbes, présuppose un rapport d'hostilité entre des individus désireux de s'assurer une place au soleil ou plus simplement de garantir les conditions de leur survie.
La société ne serait rien d'autre qu'une collection d'individus. la fonction de l'etat, dans ce contexte, consiste à neutraliser leur antagonisme. la morale se trouve ainsi instrumentalisée. le jeune hegel se démarque de cette tradition en cherchant à comprendre les conflits humains dans la perspective d'une demande de reconnaissance. il met ainsi en lumière la dimension morale inhérente à tout affrontement et reconstruit l'évolution sociale selon une succession de luttes réelles ou symboliques, dans lesquelles l'individu ne cherche pas tant à supprimer ou à abaisser son adversaire qu'à être reconnu par lui dans son individualité.
L'amour, le droit, la solidarité offrent les cadres successifs oú s'inscrit, à mesure que s'enrichissent les rapports humains, ce lien de reconnaissance. la psychologie sociale moderne permet de reprendre cette approche pour l'enraciner dans les mécanismes de formation de la personnalité humaine (les travaux de g. h. mead et de d. winnicott en particulier). en distinguant trois formes de mépris - l'atteinte physique, l'atteinte juridique et l'atteinte à la dignité de l'individu -, correspondant aux stades de développement du rapport de reconnaissance, axel honneth se dote d'un outillage conceptuel qui lui permet d'articuler une véritable " grammaire morale des conflits sociaux ", fondée sur une théorie intégrée de l'homme et de la société.
Ce faisant, il nous met aussi entre les mains un précieux instrument critique.
« Avec ce volume, écrit J. Habermas, je poursuis les recherches concernant "Morale et communication". Ce qui relance la discussion ce sont surtout les objections faites aux concepts universalistes de la morale qui remonte à Aristote, Hegel et le contextualisme contemporain. Il s'agit de dépasser l'opposition stérile entre un universalisme abstrait et un relativisme qui se contredit lui-même. Je tente donc de défendre la prééminence du juste, compris dans un sens déontologique, sur le bien. Mais cela ne signifie pas que les questions éthiques, au sens étroit du terme, doivent être exclues du questionnement rationnel. » Comme l'indique le traducteur, M. Hunyadi, « dans cette perspective, la question morale centrale n'est plus, on le voit bien, la question existentielle de savoir comment mener une vie bonne, mais la question déontologique de savoir à quelles conditions une norme peut être dite valide. Le problème se déplace de la question du bien vers la question du juste - de celle du bonheur vers celle de la validité prescriptive des normes. Les questions morales - concernant le juste, et décidables au terme d'une procédure argumentative - sont à distinguer des questions éthiques - concernant les choix axiologiques préférentiels de chacun, par nature subjectifs -, c'est l'une des entreprises originales de ce livre que de le montrer. »
Ce livre, publié en 1983, est à plusieurs égards un livre décisif pour cette fin de siècle Il l'est en premier lieu en tant que démenti formel à la rumeur insistante selon laquelle la philosophie serait bientôt - sinon déjà - condamnée à la futilité et à l'inaction.
S'appuyant sur une analyse lucide de la modernité, Habermas montre que si la tâche philosophique de médiation de la rationalité demande certes à être réévaluée, elle est non seulement possible mais encore essentielle à notre réflexion. Non content de le dire, Habermas le prouve. Tout d'abord, en mettant en oeuvre la conception de la philosophie qu'il défend, conception liée à la théorie critique de la société qu'il a lui-même reconstruite sur la base d'une Raison communicationnelle, et qui préconise une coopération de toutes les activités intellectuelles déclarant une exigence de rationalité.
Il le prouve encore en mettant en place, à partir de l'activité communicationnelle et de l'éthique de la discussion de K.O. Apel, une théorie proprement philosophique des relations humaines dans les sociétés contemporaines ; théorie formelle de l'intersubjectivité, elle apparaît comme une morale non prescriptive dont les principes ne sont liés qu'à la garantie de l'intercompréhension, offrant ainsi une nouvelle appréhension de la Raison pratique.
Il le prouve toujours en démontrant que cette théorie, sans rien renier de son caractère philosophique, peut nouer un dialogue effectif et heuristique avec une science sociale - ici avec la psychologie sociale, de Kohlberg. Il le prouve enfin en apportant à la société contemporaine, par ce dialogue, une intelligibilité critique d'elle-même qu'elle ne pourrait acquérir autrement.
Si nous ne voulons pas que l'écologie se réduise à des déclarations d'intention, des changements dans nos styles de vie sont nécessaires.
La question est de savoir quelle éthique et quelles transformations de la démocratie peuvent rendre possible la prise en compte de l'écologie dans notre vie. Reliant des champs de l'éthique appliquée qui d'ordinaire sont étudiés séparément - la culture et l'agriculture, le rapport aux animaux, l'organisation du travail et l'intégration des personnes en situation de handicap -, cette enquête élabore un concept rigoureux de responsabilité susceptible de promouvoir une autre manière de penser le sujet et une autre organisation politique.
Loin de fonder la politique sur l'écologie, il s'agit de montrer que celle-ci ne peut être prise au sérieux qu'au sein d'un humanisme rénové. Ainsi, le sujet de l'éthique de la vulnérabilité s'inquiète du devoir être de son droit et intègre, dans son vouloir vivre, le souci de préserver la santé de la terre et de ne pas imposer aux autres hommes et aux autres espèces une vie diminuée.
Voici le texte inédit du Mémoire pour le Diplôme d'études scientifiques que soutint le jeune Paul Ricoeur en 1934 devant Léon Brunschvicg. Dans ce travail remarquable, qui laisse entrevoir tout le génie du philosophe, Ricoeur aborde sous l'angle de la méthode réflexive le problème de Dieu.
Si Dieu est l'être même de la pensée, il n'est pas à chercher hors de nous, mais en nous ; il est notre meilleur moi, l'âme de notre âme ; il nous est plus intérieur que nous-mêmes. La recherche de Dieu n'engage cependant pas seulement notre connaissance, car la pensée oriente aussi vers un idéal pratique de vie. Appliquer la méthode réflexive n'est pas un jeu d'idées, mais une discipline de vie. Spéculer n'est pas assister à un spectacle ou se regarder en un miroir (speculum) : c'est consentir à ne vivre que par l'esprit et pour l'esprit.
Devenu une figure centrale de la philosophie française du XXe siècle, Paul Ricoeur (1913-2005) sondait ainsi dans son Mémoire de jeunesse, enfin exhumé, les ressources de la méthode réflexive : elle l'aura accompagné tout au long de ses recherches ultérieures.
La confrontation entre philosophie et psychanalyse a connu de beaux jours. Mais après les grands débats avec P. Ricoeur, M. Merleau- Ponty, J. Derrida, G. Deleuze ou M. Henry, ce dialogue semble aujourd'hui rompu. Il fallait donc de nouveau franchir le Rubicon. Peut-être la philosophie contemporaine souffre-t-elle d'un « excès de sens », qu'il s'agisse de signification ou d'interprétation, et que la psychanalyse ait sur ce point matière à interroger ?
Dire «i» Ça n'a rien à voir«/i» n'indique pas qu'entre philosophie et psychanalyse il n'y ait pas de rapports, bien au contraire. « Ça n'a rien à voir » veut plutôt signifier que le « Ça » ne se voit pas - parce que précisément il ne se donne jamais à voir comme « phénomène ». Oser «i» Lire Freud en philosophe «/i», c'est ainsi conduire la pensée vers des rives insoupçonnées, en une lecture de la psychanalyse ici renouvelée.
«i» Doyen honoraire de la Faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris, Emmanuel Falque est philosophe et phénoménologue. Il est l'auteur de nombreux ouvrages publiés en France et traduits à l'étranger, en particulier aux États-Unis. Derniers livres «/i» : Le Combat amoureux (2014), Parcours d'embûches (2016), Le livre de l'expérience (2017).
Qu'est-ce que la haine ? Comment cet affect individuel peut-il animer des persécutions collectives ? C'est la logique de la haine, toujours active et menaçante, que ce livre s'efforce de comprendre. Pour cela, Jacob Rogozinski interroge le phénomène de la chasse aux sorcières qui s'est déchaînée de la Renaissance aux Lumières. Il décrit les techniques mises en oeuvre pour désigner, puis anéantir ses cibles. Il analyse la recherche du « stigmate diabolique », l'aveu d'une « vérité » extorquée sous la torture, la dénonciation d'un « complot des sorciers », la construction de la figure de « Satan » comme ennemi absolu. Les mêmes dispositifs se retrouveront sous d'autres formes, dans d'autres circonstances, de la Terreur jacobine aux procès de Moscou, et sous-tendent encore les récentes « théories du complot ». En étudiant ces expériences historiques, en repérant leurs différences et leurs similitudes, Jacob Rogozinski montre comment l'on passe de l'exclusion à la persécution, comment l'indignation et la révolte des dominés peuvent se changer en haine et se laisser capter par des politiques de persécution. Ses analyses nous éclairent ainsi sur les dispositifs de terreur de notre temps.
Le concept d'expérience revient aujourd'hui en force. Il plonge pourtant ses racines dans notre passé. La « réflexion sur l'expérience » naît en effet au Moyen Âge aux XIe et XIIe siècles dans le cadre de la théologie monastique. Car s'il faut parler d'expérience quand on est « moine », encore faut-il parler sur l'expérience et non pas uniquement à partir de l'expérience. L'« expérience en pensée » (Anselme de Cantorbéry), l'« expérience du monde » (Hugues et Richard de Saint-Victor), et l'« expérience en affects » (Aelred de Rievaulx et Bernard de Clairvaux) traversent ainsi ce « renouveau monastique » philosophiquement à interroger.
« Aujourd'hui nous lisons au livre de l'expérience. » Le mot célèbre de Bernard de Clairvaux indique un programme encore à réaliser. Ce Livre de l'expérience, pris entre l'analyse des Pères et de la scolastique, vient donc ici comme un manque à combler - non seulement en achevant un nouveau triptyque, médiéval cette fois, mais aussi en ouvrant sur une richesse expérientielle et philosophique de la spiritualité que nous aurions tort d'ignorer.
« Qu'est-ce que l'‹ âme › ? [...] Chez Socrate [...] c'est un destin intérieur, la détermination intime de l'homme. L'âme décide d'elle-même et possède à cette fin une faculté qui n'appartient qu'à elle - la connaissance de la vérité, la faculté de distinguer le bien du mal. Ce qui, chez nous, décide en dernière instance de soi-même, en vertu de sa connaissance du bien, c'est l'âme selon Socrate. Pourquoi alors faut-il en prendre soin ? Pourquoi faut-il en avoir souci ? ».
Cours professé à l'Université Charles de Prague en 1946, le Socrate de Jan Patocka constitue une interprétation délibérément philosophique de la pensée socratique telle qu'elle se révèle à travers les témoignages de ses disciples. En six chapitres, l'auteur traite d'abord des problèmes que posent la reconstruction philologique et l'interprétation philosophique de la figure de Socrate. Il aborde ensuite les présupposés culturels de l'activité du philosophe athénien tels que la tragédie et la sophistique et il résume les circonstances de sa vie. Enfin, Jan Patocka réfléchit sur les objectifs de la quête philosophique de Socrate et sur la signification que revêtent chez lui les notions du soin de l'âme, de la vertu et du bonheur. Une importante annexe reprend le dossier des témoignages sur les disciples de Socrate pour défendre l'idée d'un socratisme qui, pour peu qu'il constitue une doctrine, n'en est pas moins une philosophie.
Publié en 1957, Platon et Aristote constitue le troisième des cinq volumes d'Eric Voegelin analyse le « saut dans l'être », accompli par la philosophie grecque, réitérant sur un autre mode la grande révolution que fut la révélation mosaïque caractérisée par le passage des symbolisations cosmologiques de l'ordre politique aux symbolisations anthropologiques.
Allant à l'encontre des lectures polémiques et anachroniques de l'époque, tendant à voir dans Platon et Aristote des précurseurs des grands totalitarismes modernes, Voegelin propose une analyse précise des textes politiques des deux philosophes, en prêtant particulièrement attention aux contextes narratifs et à la fonction des symboles. À travers l'analyse des grands mythes platoniciens, il interprète de façon neuve des rapports entre le logos et le mythos, lui permettant de poser les fondements d'une nouvelle pensée de l'histoire, alternative au modèle des Lumières.
Voegelin ouvre ainsi la perspective d'un dialogue renouvelé entre les Anciens et les Modernes, en rendant à la philosophie politique son véritable rôle, qui n'est pas de produire des systèmes idéologiques, mais d'analyser les expériences fondamentales de l'homme dans son rapport à l'ordre.
Robert Brandom (1950- ), qui enseigne à l'université de Pittsburgh, est l'un des plus importants philosophes américains contemporains. Élève de Wilfrid Sellars et de Richard Rorty, il est l'auteur d'une oeuvre originale qui s'inspire à la fois de la tradition analytique de la philosophie du langage et de la logique, ainsi que de la tradition kantienne et postkantienne de la philosophie allemande, et qui, en même temps, cherche à renouveler la philosophie pragmatiste américaine. L'originalité de Brandom tient au fait qu'il est capable de dialoguer à la fois avec l'école classique de philosophie analytique et avec le mouvement contemporain qui vise à intégrer les apports de la philosophie du langage à la tradition « continentale », via les oeuvres de K. O. Apel ou de J. Habermas. Brandom reprend aussi certains thèmes classiques du pragmatisme, dans une tradition sans doute plus proche de celle de Dewey et de Mead que de celle de Peirce ou de James. Comme il s'est, en outre, recommandé de Hegel et propose une intéressante relecture de la grande tradition idéaliste allemande en philosophie, on mesurera toute son originalité. Quoi qu'on pense de ces tentatives d'intégration des traditions multiples de la philosophie contemporaine, Brandom a proposé ainsi une plate-forme d'une grande richesse pour la discussion, que les diverses parties ont plutôt intérêt à considérer qu'à ignorer.
« L'Articulation des raisons » est un recueil d'essais qui constitue la meilleure introduction possible à l'oeuvre de Brandom. Il y expose sa conception inférentialiste du sens des mots et des concepts, sa théorie des normes et du raisonnement pratique, sa théorie de la connaissance, sa théorie sociale de la représentation, et sa conception normative de la rationalité. On appréciera par-dessus tout le fait que, tout en mettant ses travaux sous l'invocation de la philosophie allemande, Brandom est un philosophe essentiellement américain, au moins au sens suivant : il prend le risque d'avoir tort. Au lecteur, s'il veut relever le gant, de juger et de se faire philosophe, en articulant ses raisons, quitte à devoir en rabattre quant à ses prétentions.
Soixante-huit animaux figurent dans ce zoo conceptuel. Ils permettront au lecteur de visiter ou de revisiter vingt-cinq siècles de philosophie.
Car pour réfléchir au bonheur, à la violence, à la société, ou à l'immortalité, les philosophes ont inventé des images.
Parmi elles, les animaux sont en bonne place.
Échappés des fables et des bestiaires, le cheval et la fourmi, l'araignée et la baleine, en passant par la tortue et l'âne ont pu illustrer, symboliser, évoquer les plus difficiles questions, à commencer par la vérité et l'erreur, l'âme et le corps, le sentiment et l'instinct.
Vaste comme le monde, la philosophie ne pouvait ignorer cet autre monde - peut-être à son image.
Un livre pour tous les amis des bêtes et de la sagesse.
La prostate ? Cette glande est la première cause de cancer masculin en France : 54 000 cas par an. Elle est aussi le siège de plaisirs intenses... Pourtant, aucun philosophe du corps, ni aucun philosophe du plaisir, n'a daigné écrire sur cette glande commune à tous les hommes, comme si elle était une chose honteuse ou vaine, trop personnelle. On n'en trouve trace ni dans les écrits de Michel Foucault, ni chez les historiens de la " virilité ".
Pourquoi une telle ablation ? Pourquoi cette amnésie, à une époque où l'on parle sans cesse de plaisir et de sexualité ? Dans ce récit philosophique et autobiographique, Philippe Petit raconte sa maladie, et revisite même son enfance blessée, sa vie d'homme avant et après 1968... Il invoque Pascal, Cabanis, Nietzsche, François Dagognet et Philip Roth, dans une approche neuve de la philosophie médicale ; promouvant une véritable révolution " masculine " capable de conjoindre l'amour et la sexualité.
Philippe Petit livre ici une admirable philosophie de l'expérience, qui nous plonge au coeur de la psychologie masculine.
De l'essence du judaïsme aux figures de l'exil, de l'idée d'origine au destin de l'art, du concept romantique de critique aux interprétations de Nietzsche et de Kafka, c'est l'esprit d'une époque, celui de la modernité d'avant la catastrophe, qui se trouve ici restitué. Composé de textes représentatifs de la pensée de Stéphane Mosès, cet ouvrage, qui est bien plus qu'un recueil d'articles épars, reflète à la manière d'un kaléidoscope toute une série d'interrogations, étroitement reliées entre elles, s'inscrivant dans la perspective théorique ouverte par le génie benjaminien. Un livre érudit, vif, brillant, indispensable à qui souhaite s'initier à l'une des pensées les plus fécondes du XXe siècle.
"On ne cesse d'oublier d'aller jusqu'au fondement.
On ne pose pas assez profond les points d'interrogation", écrivait Wittgenstein. L'oeuvre de Francis Jacques est une franche réplique à cette "remarque". Aussi occupe-t-elle une place originale dans la philosophie de notre temps. L'entreprise était audacieuse ; et elle devait être innovante. Les obstacles philosophiques étaient nombreux ; il fallait les reconnaître et les interroger jusqu'à leurs plus profondes racines.
La démarche analytique, en l'occurrence, a fait merveille. Elle ne fut qu'un point de départ. Mais il était décisif parce qu'il conduisait à bouleverser l'échiquier sur lequel la tradition des siècles avait construit ses systèmes philosophiques. Sur le chemin ainsi frayé, l'espace logique de l'interlocution a supplanté le subjectivisme-roi des philosophies de la conscience. L'exploration du dialogisme communicationnel a été la voie d'un questionnement approfondi qui, d'un point de vue métaphysique, a découvert la relation comme source originaire et fondationnelle de la pensée.
À cette source pure puise l'exigence transcendantale qui, alliée aux structures formelles du travail de la pensée, commande l'érection du sens. En faisant du questionnement patiemment poursuivi l'activité génétique et critique de la pensée, l'interrogation radicale est devenue, en raison de sa portée ontologique, une élévation spirituelle. Aussi la sagesse peut-elle désormais défier les pathologies qui gangrènent les manifestations de l'existence.
L'horizon s'éclaire de la lumière divine : il est un lieu de confiance et d'espérance. Au processus de "dé-construction" généralisée que développent aujourd'hui tant d'ouvrages, l'oeuvre de Francis Jacques oppose le mouvement d'une reconstruction spirituelle que commande, outre l'alliance hardie de la logique et de la métaphysique, l'écoute de la théologie. En fouillant les puissances originaires de l'interrogativité dont l'intégralité et la radicalité font la noblesse de la pensée, elle trace l'itinéraire au long duquel elle propose, contre la désespérance d'un temps de crise, de philosopher autrement pour retrouver les repères effacés et reconquérir, sur le chemin de l'Absolu, l'humanité perdue de l'homme.
C'est un recommencement.
Ce livre tente de proposer quelques réponses à la question : " Qu'est-ce que l'homme ? " Cette question s'avère particulièrement cruciale aujourd'hui, parce que l'unité de l'espèce humaine a été et est encore remise en cause par toutes sortes de racismes ; et parce que la multiplicité des cultures, souvent source de conflits, nous convainc de chercher un fondement commun à l'humanité, sur lequel nous pourrions asseoir les modalités d'une vie commune à l'époque de la mondialisation. Par ailleurs, depuis plusieurs siècles, certains courants défendent l'idée selon laquelle l'homme n'est rien d'autre qu'une créature malléable que notre volonté pourrait définir et remanier. Peut-il y avoir un discours sur l'homme qui ne soit pas éminemment temporaire et aléatoire ? L'homme possède-t-il une " condition " qui ne saurait être dépassée sans que soit détruit l'être même qu'on voudrait servir ? Peut-on dire quelque chose de stable sur l'homme, valable dans le temps et dans l'espace ?
Dieu n'apparaît pas dans le monde. Si l'athée et le mystique partagent un tel constat, ils en donnent des interprétations radicalement divergentes. Pour l'athée, l'absence phénoménale de Dieu est le signe de son inexistence. Pour le mystique, la manifestation de l'inapparaître de Dieu révèle sa transcendance par rapport à tout phénomène mondain. À ses yeux, Dieu est Celui qui, dans le monde, brille par son absence.
Ce livre montre en quoi l'ordre de phénoménalité propre au monde est opaque à toute révélation divine, du bonheur qu'éprouve la chair dans la mondanité cosmique, au jeu subtil et mouvant des apparences dans la mondanité sociale. Face à une telle opacité, le métaphysicien constitue un « monde intelligible » transparent à la puissance de la raison divine. Telle n'est pas la voie empruntée par le mystique. Par l'ascèse du détachement, il suspend aussi bien la puissance de la chair que celle de la raison. Le « moi » mystique s'éprouve comme une subjectivité traversée : ce n'est plus lui qui voit, mais Dieu qui voit le monde à travers lui. Ainsi la mystique n'opère-t-elle pas la négation du monde, mais sa transfiguration : à travers l'éclat du monde perce la splendeur du créé.
Voici, réunies en un seul volume, trois oeuvres fondamentales de la philosophie contemporaine.
Voici la lecture continue qu'Emmanuel Falque mène des trois jours de la Passion du Christ.
Voici, récapitulée, l'expérience de Dieu qui est celle de l'homme.
Qu'en est-il de l'épreuve de l'angoisse, de la souffrance, de la mort à laquelle conduit le vendredi saint ? Qu'en est-il de l'épreuve de la naissance et de la résurrection à laquelle ouvre le dimanche pascal ? Qu'en est-il de l'épreuve du corps et de l'éros, de l'animalité et du chaos intérieur à laquelle appelle le jeudi saint ? C'est bien Le Passeur de Gethsémani qui, en opérant la Métamorphose de la finitude, institue Les Noces de l'Agneau.
Ce triduum philosophique interroge l'humain pour dire et définir les conditions de son assomption par le divin.
Une oeuvre capitale dont le rayonnement international ne fait que grandir.
Si les différents chapitres de ce livre traitent chacun d'un aspect particulier de la pensée d'Augustin, ils sont regroupés en fonction de l'axiome : Noverim me, noverim Te ! " Me connaître, Te connaître ! " La pensée d'Augustin se déploie entre ces deux pôles inséparables, l'homme et Dieu.
Les neuf premières études sont placées sous le signe du visage de Dieu ; les neuf suivantes s'attachent à considérer l'homme dans sa condition temporelle. L'ensemble témoigne de la logique d'une vie devant Dieu, logique que fait ressortir le titre de l'ouvrage : Splendeur et misère de l'homme. Dans chacune de ces pages, Augustin se révèle comme un inlassable chercheur de vérité, avant comme après sa conversion : " Seigneur mon Dieu, mon unique espérance, exauce-moi de peur que, par lassitude, je ne veuille plus te chercher, mais fais que toujours je cherche ardemment ta face (Ps 104, 4).
Ô toi, donne-moi la force de te chercher, toi qui m'as fait te trouver et qui m'as donné l'espoir de te trouver de plus en plus. " Augustin entraîne son lecteur dans cette recherche. S'il est passé pour un maître dans la théologie occidentale, c'est bien malgré lui. Car nous n'avons qu'un seul maître, le Maître intérieur, et nous sommes tous à son école. Augustin accepte tout au plus le rôle de pédagogue.
Mais dans ce rôle, il est indépassable.
Qu'est-ce que la perception ? Par elle, que nous disent les sens du monde, de l'autre et de nous-mêmes ? Rien ! Les sens sont muets. Ils n'ont rien à nous dire ! Telle est la réponse de Jocelyn Benoist. Il est essentiel, pourtant, que nous puissions en parler. Seulement c'est nous qui parlons, non eux. Et si, voulant faire droit à la réalité de notre expérience sensible. nous commencions par renoncer à la traiter d'abord comme un discours ? Le mutisme des sens demeure traversé de bruits.
Jocelyn Benoist, envers et contre un certain traitement philosophique de la perception - qui la confond avec la connaissance que nous pouvons en tirer ou le sens que nous pouvons lui donner -, nous invite à écouter en elle le bruissement du sensible. Selon lui, pour rendre celui-ci pleinement audible. il faut congédier ce que la philosophie aujourd'hui appelle le "problème de la perception" et, peut-être, renoncer au concept même de "perception" tel que nous l'héritons de la philosophie moderne, au profit d'une enquête sur la texture réelle et poétique du sensible.