Publiée en 1788, la Critique de la raison pratique s'inscrit dans le prolongement de la Critique de la raison pure (1781) et des Fondements de la métaphysique des moeurs (1785). Elle est aussi l'expression des conditions subjectives de la moralité et l'explication de la loi morale.
Ferdinand Alquié, dans son texte d'introduction, rappelle les sources kantiennes (Leibniz, Wolf, Rousseau), le processus de construction du sujet moral, l'intérêt du sujet connaissant la possibilité d'un usage synthétique de la raison pure pratique sur le chemin de l'impératif catégorique, le rôle de la liberté à l'articulation de la volonté bonne et de la loi. Telles sont les voies d'accès au souverain bien « synthèse de la raison théorique et de la raison pratique, de la raison déterminant la nature et de la raison parant la loi ».
« Nietzsche intègre à la philosophie deux moyens d'expression, l'aphorisme et le poème. Ces formes impliquent une nouvelle conception de la philosophie, une nouvelle image du penseur et de la pensée. À l'idéal de la connaissance, à la découverte du vrai, Nietzsche substitue l'interprétation et l'évaluation [.]. Précisément l'aphorisme est à la fois l'art d'interpréter et la chose à interpréter le poème, à la fois d'évaluer et la chose à évaluer [.]. Le philosophe de l'avenir est artiste et médecin, en un mot, législateur. » Cette étude magistrale du grand philosophe, emporté par la démence puis « trahi » par sa soeur qui « essaya de mettre Nietzsche au service du national-socialisme », fut publiée par Gilles Deleuze en 1965 et régulièrement rééditée. Elle comporte une partie biographique, une analyse très sensible de la philosophie nietzschéenne, un dictionnaire des principaux personnages et des extraits de l'oeuvre choisis par Gilles Deleuze.
L'énergie spirituelle : telle est, non pas l'évidence facile, mais le problème commun posé par Bergson dans le premier des deux recueils où il rassemble (en 1919) ses essais les plus importants. Psychologique (ainsi sur « le rêve »), philosophique (ainsi sur « l'âme et le corps »), ce problème est surtout d'ordre pratique. L'« énergie » ne s'atteste ici que par des actions surmontant des obstables, non pas ceux d'un dualisme abstrait, mais d'une résistance concrète, qui sera bientôt celle de la morale ou de la religion « closes ». Ainsi, à travers chacun de ces essais devenus des classiques, trouvera-t-on à la fois l'unité et la diversité d'une oeuvre encore en mouvement.
La première édition critique des oeuvres de Bergson, dans laquelle s'inscrit le présent volume, répond à un double principe : offrir d'abord le texte intégral du livre tel que l'a publié Bergson, dans sa pagination de référence inchangée ;
Le compléter ensuite par un dossier comportant des notes historiques et philosophiques ainsi que les variantes éventuelles du texte, une table analytique de l'ouvrage, une série originale d'index, une anthologie des « lectures » majeures et une bibliographie commentée.
Pour Clément Rosset, auteur de la préface de ce volume, Schopenhauer est "le philosophe insolite par excellence". Il précise qu'une des singularités de cet auteur est la clarté et la lisibilité de son écriture, qualité peu fréquente chez les philosophes. L'influence de cette oeuvre se retrouve chez la plupart des intellectuels du XXe siècle qui considèrent Le monde comme volonté et comme représentation comme l'un des livres phare de la philosophie.
Comment les sociétés se forment-elles ? Pourquoi s´affrontent-elles ? Ces conflits peuvent-ils être évités ? Morale et religion visent-elles seulement à rendre possible la vie en société, ou permettent-elles à l´espèce humaine de dépasser sa condition naturelle et de trouver une issue à la violence ? Telles sont quelques-unes des questions au coeur des Deux Sources de la morale et de la religion (1932), la somme de philosophie morale et politique de Bergson, qui fut aussi son dernier grand livre.
Dans ce texte hanté par le spectre de la guerre et par le développement de la technique, mais aussi guidé par une méditation sur le mysticisme chrétien, Bergson articule l´étude de la société à sa philosophie de la vie.
Mettant sa doctrine à l´épreuve, il s´efforce de formuler des principes d´action pour des hommes devenus conscients de la nécessité d´affronter leur destin commun. Et tandis que « l´humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu´elle a faits », il nous rappelle que son avenir dépend d´elle.
Illustration de couverture : Virginie Berthemet © Flammarion
Comment évaluer l'impact de la stupidité humaine sur nos destins personnels et sur l'ensemble de la société ? Vaste question à laquelle l'historien Carlo Maria Cipolla décida en 1976 de répondre par un bref essai au ton éminemment scientifique.
Au ton et seulement au ton : car derrière la rhétorique académique se cache un texte désopilant, qui ressortit au genre " pseudo-scientifique ", comme en son temps le célèbre Cantatrix Sopranica de Georges Perec, ou aujourd'hui les très sérieuses recherches de Jean-Baptiste Botul.
Diffusé en 1976 aux États-Unis sous la forme d'une édition limitée et numérotée, Les lois fondamentales de la stupidité humaine a été publié en italien en 1988 (dans un recueil générique intitulé Allegro ma non troppo), et pour la première fois dans sa langue originale, l'anglais, à l'automne 2011.
"Le temps est-il la limitation même de l'être fini ou la relation de l'être fini à Dieu ? Relation qui n'assurerait pas pour autant à l'être une infinitude opposée à la finitude, pas une auto-suffisance opposée au besoin, mais qui, par-delà satisfaction et insatisfaction, signifierait le surplus de la socialité. Le temps et l'autre pressent le temps non pas comme horizon ontologique de l'être de l'étant, mais comme mode de l'au-delà de l'être, comme relation de la pensée à l'Autre".
Ce texte reproduit quatre conférences faites en 1946 et 1947, sous ce titre, au Collège de philosophie fondé par Jean Wahl, lieu d'ouverture dans lequel se retrouvait, au lendemain de la Libération, "la multiplicité même des tendances dans la philosophie vivante".
Des objets ». Qualifié d?ouvrage le plus génial et le plus contradictoire de toute la littérature philosophique, ce livre a apporté « une définition nouvelle de la vérité. Les choses ne se soumettent à nos idées que parce que l?esprit leur impose ses cadres » (C.
Serrus in Préface).
"Dans Montaigne ne m'émeut et ne m'occupe aujourd'hui que ceci : comment, dans une époque semblable à la nôtre, il s'est lui-même libéré intérieurement et comment, en le lisant, nous pouvons nous-mêmes nous fortifier à son exemple. Je vois en lui l'ancêtre, le protecteur et l'ami "de chaque homme libre" sur terre, le meilleur maître de cette science nouvelle et pourtant éternelle qui consiste à se préserver soi-même de tous et de tout".
La notion d'exercice spirituel s'élabore au sein des différentes écoles philosophiques de l'Antiquité, essentiellement chez les stoïciens, mais aussi les épicuriens et les cyniques, qui vont développer techniques et méthodes pour que chacun puisse parvenir à un mieux-être. Toutes visent à la sérénité, l'homme en harmonie avec la conscience que la vie est courte, que le temps à vivre est incertain, que l'existence est ponctuée de maux, de douleurs et d'obstacles qu'il faut savoir surmonter. Cette pratique de la philosophie comme exercice spirituel est un véritable mode de vie qui irrigue toute l'Antiquité, de la période hellénistique jusqu'à l'avènement chrétien, moment où la philosophie devient une discipline au service de Dieu. Mais au Moyen âge, à la Renaissance et à l'âge classique, la philosophie comme mode de vie perdure et l'espace contemporain n'en est pas dépourvu également. Pour la première fois, les textes fondateurs des exercices spirituels sont regroupés dans un même volume à travers sept thèmes majeurs dont chacun est divisé en trois périodes distinctes : l'Antiquité ; l'époque moderne ; enfin la période contemporaine, depuis Emerson jusqu'à ce début du XXIe siècle.
« Alors, si le rêveur de flamme parle à la flamme, il parle à soi-même, le voici poète. En agrandissant le monde, le destin du monde, en méditant sur le destin de la flamme, le rêveur agrandit le langage puisqu'il exprime une beauté du monde. Par une telle expression pancalisante, le psychisme lui-même s'agrandit, s'élève. La méditation de la flamme a donné au psychisme du rêveur une nourriture de verticalité, un aliment verticalisant. Une nourriture aérienne, allant à l'opposé de toutes les «nourritures terrestres», pas de principe plus actif pour donner un sens vital aux déterminations poétiques. »
Ce vocabulaire est un succès inégalé depuis sa première édition en fascicules dans le Bulletin de la Société française de philosophie, de 1902 à 1923 puis en volume (18 éditions reliées, 2 éditions en poche).
Le but originel de l'auteur était de contribuer à l'unité de la philosophie à travers la définition d'un langage philosophique commun, ce vocabulaire est ainsi devenu un manuel du « bon usage du langage philosophique permettant l'accord des esprits ».
Un concept de différence implique une différence qui n'est pas seulement entre deux choses, et qui n'est pas non plus une simple différence conceptuelle. Faut-il aller jusqu'à une différence infinie (théologie) ou se tourner vers une raison du sensible (physique) ? À quelles conditions constituer un pur concept de la différence ?
Un concept de la répétition implique une répétition qui n'est pas seulement celle d'une même chose ou d'un même élément. Les choses ou les éléments supposent une répétition plus profonde, rythmique. L'art n'est-il pas à la recherche de cette répétition paradoxale, mais aussi la pensée (Kierkegaard, Nietzsche, Péguy) ?
Quelle chance y a-t-il pour que les deux concepts, de différence pure et de répétition profonde, se rejoignent et s'identifient ?
Gilles Deleuze était professeur de philosophie à l'Université de Paris VIII-Vincennes.
« Essaierons-nous alors de formuler la relation de l'activité mentale à l'activité cérébrale, telle qu'elle apparaîtrait si l'on écartait toute idée préconçue pour ne tenir compte que des faits connus ? [.] Celui qui pourrait regarder à l'intérieur d'un cerveau en pleine activité, suivre le va-et-vient des atomes et interpréter tout ce qu'ils font, celui-là saurait sans doute quelque chose de ce qui se passe dans l'esprit, mais il n'en saurait que peu de chose. Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l'état d'âme contient d'action en voie d'accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait. »
Quoi de plus contraire, en apparence, qu'anthropologie et métaphysique ? L'anthropologie ne se doit-elle pas de ranger les croyances métaphysiques dans le mobilier d'une "culture" et s'en tenir là ? Ce serait ignorer les transformations profondes qu'a connues cette discipline dans les dernières décennies.
Au lieu de partir de l'idée préconçue qu'elle doit reconstituer aussi " objectivement " que possible les cultures des peuples étrangers, sa partie la plus vivante s'attache à mettre en évidence des cosmologies qui excluent précisément le partage de la nature et de la culture. L'anthropologue n'est plus en position de surplomb par rapport à un " objet ", mais fait de son terrain le lieu d'une expérience de pensée radicale qui ne recule devant la remise en question d'aucun fondement.
L'anthropologie devient une métaphysique qui ne se distingue de la traditionnelle que par un trait, certes essentiel : elle fait plus confiance en la vertu du plus étranger pour " penser autrement " que dans le génie isolé du penseur de cabinet, ressassant interminablement une tradition narcissique. S'en dégage une métaphysique des devenirs autant qu'une épistémologie des savoirs anthropologiques, qui doit à Deleuze et Lévi-Strauss aussi bien qu'aux Indiens Tupis du Brésil, et qui ne distingue jamais le travail du concept d'un effort pour décoloniser la pensée.
Ce recueil de divers textes que Clément Rosset a consacrés au cinéma est précédé d'un entretien avec Roland Jaccard. Ses goûts cinématographiques, souvent déconcertants et ironiques, permettent de mieux cerner la personnalité du philosophe.
À la suite d'un entretien avec Roland Jaccard autour du cinéma sur le premier film de son enfance (Les naufrageurs des mers du sud , par Cecil B. de Mille), sur les grandes revues cinématographiques (Positif, Les Cahiers ...) et sur des thèmes tels que « Psychanalyse et cinéma » ou « Philosophie et cinéma », des extraits de textes parus dans différentes revues ou ouvrages de Clément Rosset sont mis à la disposition du lecteur.